Je souscris pleinement aux propos que vous avez tenus il y a quelques instants, monsieur le président, à l'égard de Frédéric Mitterrand. J'aurais été heureux qu'il soit avec nous, ici, cet après-midi. Il nous manque.
Je suis flatté d'avoir été convié à cette audition alors que je ne suis plus rien. Je suis également, d'une certaine façon, amusé et intrigué, parce que ce dont nous allons parler n'existait pas lorsque j'ai exercé des responsabilités. Nous n'en avions même pas l'idée !
Après ces réserves quelque peu ironiques, je vais essayer de vous présenter mon point de vue, par définition totalement détaché, en espérant qu'il ne sera pas vain.
Lorsque j'ai été ministre de la culture, entre 1993 et 1995, nous traitions bien entendu de tous les sujets traditionnels. J'ai notamment préparé et mis en œuvre la loi de programme du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental, qui est une compétence essentielle du ministre de la culture. J'insisterai cependant sur deux aspects plus originaux de mon travail.
Le premier tient à ce que l'on a appelé, à l'époque, l'« exception culturelle », une notion qui a ensuite été dévergondée pour laisser place à la « diversité culturelle », sans que je n'aie jamais vraiment compris pourquoi – j'espère que ce n'était pas pour l'affaiblir. Nous avons essayé de faire en sorte que, quelles que soient nos obligations en termes de souveraineté au niveau mondial ou européen, nous soyons toujours capables de conduire une politique culturelle française ou, à tout le moins, européenne.
Le deuxième marqueur de mon mandat a été l'action en faveur de la langue française, qui a été diversement appréciée et même parfois moquée parce qu'elle ne s'inscrivait pas dans le courant dominant favorable à l'anglais. Alors que nous fêterons cette année le trentième anniversaire de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, je suppose que l'Assemblée nationale et plus particulièrement les parlementaires spécialistes des affaires culturelles auront à cœur de souligner ou de renouveler cette action en faveur de la langue française, à laquelle beaucoup de ceux qui l'avaient autrefois négligée, notamment dans le monde économique où il fallait toujours s'aligner sur le modèle anglo-saxon, sont désormais de plus en plus sensibles. Aidés par les nouvelles technologies numériques, nous avons dorénavant la possibilité d'utiliser notre langue sans dommage ni handicap économique.
À partir du mandat de député européen que j'ai exercé de 2004 à 2009, je n'ai plus assumé aucune fonction dans le domaine de la culture. J'ai donc du mal à juger de toute l'évolution qui s'est produite depuis 2005, au moment de l'arrivée de la TNT.
Je ne sais pas si la diversité de l'offre peut être qualifiée de suffisante, mais elle me paraît en tout cas assurée. Nos modèles économiques entraînent bien entendu des positions dominantes et la formation de groupes, mais la réglementation, qui prévoit un certain nombre de seuils, les aides publiques et les mesures de défiscalisation ont permis d'atteindre un certain niveau d'égalité et de diversité dans le paysage audiovisuel, sans que nous soyons tombés dans l'étatisation et la bureaucratisation. Je jette donc un regard plutôt positif sur la situation actuelle. Dans les périodes où j'ai assumé des responsabilités, dans les années 1970 et au milieu des années 1980, la concentration du secteur audiovisuel, dominé par quelques-uns, pouvait susciter des inquiétudes. Trente ans après, on peut dire que les pouvoirs publics et les entreprises ont plutôt fait le nécessaire pour que nous ne tombions pas dans ce travers et que l'offre de chaînes permette à toutes les opinions de s'exprimer, donne satisfaction à tous les publics et ne soit pas exclusivement conditionnée par les moyens financiers des acteurs du secteur.