Pour ma part, j'ai d'abord été chroniqueur et éditorialiste politique à la radio, dans le service public, après quoi j'ai eu une expérience d'une vingtaine d'années de documentariste et de producteur de films documentaires et d'émissions pour la télévision, principalement pour le service public – et même pour « les » services publics puisqu'il m'est arrivé de travailler pour France Télévision, pour les chaînes parlementaires et pour Arte. Puis j'ai candidaté en 2018 à la présidence de LCP-AN.
Pour ce qui est de savoir qui détermine la politique éditoriale, il existe effectivement un cadre législatif. J'assume pleinement le fait d'avoir quelque peu réorienté la chaîne sur deux points. Tout d'abord, la frontière entre une chaîne qui traite de l'actualité et une chaîne d'information étant très ténue, la tentation s'est parfois manifestée de faire des chaînes parlementaires des chaînes d'information, ce qui, selon moi, n'était pas leur mission et posait en outre question en termes de moyens.
En effet, la télévision française est globalement très bien produite – on s'en rend compte en comparant même avec d'autres pays européens – avec des standards de qualité très élevés – je parle bien de la production, et non de la ligne éditoriale des différentes chaînes. Nous habituons donc le téléspectateur à une certaine exigence de fabrication. Les productions qui, en raison principalement de contraintes économiques, se situent un peu en dessous de ces attentes ne peuvent pas s'inscrire dans une concurrence équilibrée.
La première chose que j'ai faite a donc été de nous sortir de l'actualité chaude, dont nous n'avions pas les moyens, pour essayer de trouver un point d'équilibre qui nous permettait de mettre plus nettement en avant notre valeur ajoutée. Je considérais que le travail de la rédaction et de la production de LCP pouvait redevenir attractif pour les téléspectateurs.
La ligne éditoriale est donc déjà plus ou moins définie, mais je me suis néanmoins fixé deux principes.
Étant la chaîne d'une institution, nous avons d'abord vocation à nous situer dans la légitimité républicaine. Cela peut faire rire, car on pourrait considérer que nous y sommes de fait, mais je vais m'expliquer avec un exemple concret. Durant la crise des gilets jaunes, nous avons reçu des gens qui soutenaient le mouvement, mais uniquement des élus. Je n'ai à aucun moment reçu un des leaders autoproclamés des réseaux sociaux, qui, selon moi, ne s'inscrivent pas dans la légitimité républicaine. Il s'agit certes d'acteurs d'un mouvement social et je comprends que des chaînes d'information les aient invités, mais pour ce qui concerne LCP, j'ai préféré inviter des élus de terrain qui, tout en étant favorables aux gilets jaunes, étaient – pour le dire avec quelque malice – revêtus de l'onction du suffrage universel. Cette ligne me semble absolument fondamentale pour la mission d'une chaîne parlementaire, et la différencie d'une chaîne d'information.
Ensuite, chacun constate bien une fracturation préoccupante de la société française, qui va vers une forme d'atomisation. Selon un sociologue allemand qui suit l'actualité française, la France est en train de devenir un archipel où il n'y a plus de ponts pour aller d'une île à l'autre. La mission d'un média de service public, et plus encore d'une chaîne parlementaire, est de construire ces ponts, d'essayer d'être un outil pour recréer du commun. C'est la deuxième mission que je me suis assignée au cours des six années de mon mandat à la tête de LCP.
En termes de gouvernance, j'ai rencontré un soutien plein et entier de la part de toutes les formations politiques qui composent le conseil d'administration. Lors de la législature précédente, alors que le Rassemblement national, force importante dont le candidat avait réuni près de 13 millions de suffrages au second tour de l'élection présidentielle, ne disposait pas d'un groupe parlementaire, j'ai pris soin de rencontrer Marine Le Pen à titre personnel, pour lui demander si elle considérait qu'elle était bien traitée sur La Chaîne parlementaire et j'ai tenu compte de ses remarques. Je considérais en effet que, même si nous étions la chaîne des groupes parlementaires, je ne pouvais pas ignorer une force politique de cette ampleur.
Au fond, cela allait avec mon mode de gouvernance. Les députés ici présents qui y siègent confirmeront que, dans cette législature comme dans la précédente, toutes les décisions du conseil d'administration ont toujours été prises à l'unanimité. J'ai en tout cas toujours recherché l'unanimité pour gouverner au mieux la chaîne.