Lorsque nous avons créé Bangumi en 2011, la société comptait 15 collaborateurs ; elle en réunit aujourd'hui plus de 200. J'insiste par ailleurs sur la notion d'indépendance, qui nous caractérise et est un élément de plus en plus rare.
Je produis des émissions de débat ou talk-shows depuis plus de vingt ans : j'ai conçu « Le grand journal » de Canal+ pour Michel Denisot, « Le supplément » pour Maïtena Biraben, « Le petit journal », puis « Quotidien » avec Yann Barthès, « Stupéfiant ! » pour Léa Salamé et une centaine de films documentaires.
« Quotidien » est une émission d'information et de divertissement. Trouver un équilibre entre ces deux dimensions est un exercice compliqué, qui requiert beaucoup de travail et d'expérience. Le principe de l' infotainment est largement copié et décliné à la télévision comme à la radio, y compris dans les journaux télévisés qui en reprennent les codes.
« Quotidien » est composé de séquences très balisées, présentant chacune une identité visuelle forte afin que les téléspectateurs puissent s'orienter dans l'émission. La rubrique « 19h30 médias » décrypte la manière dont les médias ont rendu compte de l'actualité du jour, tandis que « 20h15 express » propose des reportages réalisés sur le terrain, en France et dans le monde, par des grands reporters. Ces segments sont élaborés par deux petites rédactions, conduites chacune par un rédacteur en chef. Le « Morning glory » est une séquence très populaire, qui présente de manière humoristique les éléments de langage des politiques et des chaînes d'information. Le « Petit Q » se fait l'écho de la culture pop et de la société du spectacle. Enfin, « 4 minutes douche comprise », « Transpi » ou « Canap » sont, comme leurs titres l'indiquent, exclusivement humoristiques. S'y ajoutent des chroniques sur la culture, le sexe ou la politique, dans lesquelles des journalistes expriment leur point de vue, tout en essayant de faire preuve de pédagogie.
« Quotidien » est aussi un talk-show, qui reçoit plus de 600 invités chaque saison. Cela représente environ 40 % du temps de chaque émission. La priorité est donnée aux créateurs, aux chercheurs, aux professeurs, aux chefs d'entreprise, aux écrivains, aux féministes, aux sportifs, aux musiciens, aux scientifiques et, de manière plus marginale, aux politiques. Sur les 480 personnes que nous avons reçues depuis septembre dernier, 33 étaient des femmes et des hommes politiques, soit seulement 7 % des invités. La saison dernière, 606 personnes ont été accueillies dans l'émission : 313 issues du monde culturel (soit 52 %), 155 du segment société, 89 journalistes et analystes et seulement 49 politiques, soit 8 % du total. Nous avons fait ce choix car nous considérons que la parole politique sature l'espace médiatique. La France est en effet le pays au monde qui propose le plus grand nombre de rendez-vous politiques audiovisuels. Nous souhaitons proposer quelque chose de différent. Nous invitons ainsi peu de politiques, en dehors d'événements particuliers lors desquels nous avons reçu d'anciens présidents français, le président américain ou des premiers ministres de la Ve République. Cette volonté nous conduit également, lors des campagnes électorales officielles, à ne recevoir aucun politique afin de ne pas risquer d'être piégés par la communication des candidats.
La politique est traitée de quatre manières dans l'émission : le décryptage, le reportage avec des journalistes présents sur le terrain, l'humour avec Pablo Mira et certaines interventions de Yann Barthès et, de manière marginale, des interviews en plateau face à l'équipe.
« Quotidien » est composé de 40 % d'interviews, principalement culturelles, de 40 % de reportages et décryptages réalisés par des journalistes et de 20 % de culture et d'humour. Tous ces segments sont conçus par une équipe de professionnels qui enquêtent, vérifient et montent les sujets. Chaque séquence est répétée au sein de la rédaction, puis corrigée, revue en plateau et modifiée à nouveau en régie. L'utilisation d'un prompteur et d'une oreillette constitue par ailleurs un outil essentiel à la maîtrise de l'antenne. Nous sommes convaincus que la télévision doit être le contraire de Twitter et que c'est en défendant cette démarche et en refusant l'information à bas coût ou low cost que nous donnerons tort à ceux qui prédisent la mort de la télévision.
Les rapports entre « Quotidien » et les politiques n'ont jamais été simples ; mais même si les relations sont tendues, la liberté d'informer est respectée par tous, à l'exception du Rassemblement national qui interdit depuis des années à nos journalistes l'accès à ses réunions publiques, meetings, conférences de presse, présentation des vœux, etc. Ce boycott, que nous estimons antidémocratique, s'est accompagné à plusieurs reprises de violences physiques à l'égard de nos journalistes. Notre présence devant la commission d'enquête nous semble donc procéder d'une certaine ironie, dans la mesure où elle intervient en réponse à une demande de députés dont le parti boycotte, discrédite et agresse les équipes de « Quotidien » depuis des années. Nous nous tenons à votre disposition pour vous expliquer comment nous avons contourné cette situation afin de couvrir malgré tout l'actualité du Rassemblement national, ne serait-ce que par égard pour les millions de gens qui ont voté pour ce parti et conformément à notre volonté de respecter le pluralisme.