La Chine est dans une situation de dépendance alimentaire parce qu'elle n'a pas assez de terres – elle ne les a jamais eues et ne les aura jamais. C'était aussi le cas de l'Europe : lorsque la politique agricole commune (PAC) a été instaurée, nous étions fortement dépendants, et les Européens l'ont ressenti dans leur chair pendant les deux guerres mondiales. À situation comparable, les États ou groupes d'États conçoivent des réponses souvent comparables : un problème se pose et une politique publique vise à le résoudre. Même si nous fermions toutes les frontières extérieures de l'Europe, il est certain que les Européens ne mourraient pas de faim, sauf peut-être si nous empêchions l'entrée des engrais.
En réponse à votre deuxième question, je reviens à l'exemple des fruits tropicaux. Le consommateur ne réfléchit pas à la souveraineté alimentaire de la France ; du moins sa réflexion ne se traduit-elle pas dans ses comportements. La majorité des citoyens français sont favorables à la consommation de produits aussi locaux, sains et bio que possible ; mais lorsqu'un consommateur va faire ses courses au supermarché, ou lorsqu'il se nourrit dans la restauration collective ou privée, il ne met pas du tout en pratique ses idées de citoyen.
C'est peut-être un trait français : dans certains États européens, le comportement est plus citoyen. Il est par exemple impossible de vendre des asperges ou des fraises françaises, italiennes ou de quelque autre pays que ce soit, à quelque prix que ce soit, en Allemagne lorsque ce pays produit des asperges ou des fraises. Pour le moment, il n'en va pas de même en France – ce n'est pas une critique mais un constat. Comme nous sommes dans un pays démocratique, le Gouvernement ne peut pas imposer les consommations. Ce n'est pas tout à fait vrai dans d'autres pays. Ainsi, en Chine, c'est l'État et le Gouvernement qui décident d'importer du porc, non les entreprises privées. Fort heureusement, notre situation politique n'est pas la même.