Je ne répondrai pas directement à la question. Pouvoir produire à nouveau des choses que nous avons produites par le passé sur notre territoire fait partie des enjeux auxquels nous faisons face. Certaines de nos productions ont connu des baisses de volume que nous pouvons inverser. S'agissant par exemple des fruits et légumes, nous avons, suivant une tendance longue, perdu des surfaces de vergers.
Il faut tenir compte d'autres aspects. Nous serons de moins en moins capables de produire ce que nous consommons parce que les consommations évoluent dans un sens qui n'est pas toujours celui de nos productions. Ainsi, les Français tendent à consommer davantage de fruits de contre-saison et de fruits tropicaux. S'agissant des céréales, la consommation de pain diminue tandis que la consommation de riz progresse, et nous savons que, malgré les capacités du bassin camarguais, nous ne serons pas en mesure de produire la quantité de riz que les Français consomment. Notre consommation de lait est déséquilibrée, et il en va de même de notre consommation de porc et de volaille, les Français n'appréciant pas à égalité tous les éléments des carcasses d'animaux. Nous avons besoin d'échanges pour compenser ces déséquilibres. Il faut donc étudier l'évolution de la consommation et non seulement celle de la production.
Nous cherchons également à attirer l'attention sur les acteurs dont nous dépendons, à l'import – c'est évident – mais aussi à l'export – afin d'éviter des situations de trop forte concentration. Il y a plusieurs façons de mesurer ces dépendances. Nous avons fait au plus simple en étudiant la part du premier pays client et celle du premier pays fournisseur – si nous devions refaire l'exercice, nous nous pencherions surtout sur les pays tiers, dont l'examen est plus pertinent du point de vue du débat sur la souveraineté – afin d'établir à quel point nous étions dépendants d'un seul opérateur et combien cette dépendance pouvait nous mettre en difficulté.
Un exemple : dans les années 2018-2019, la Chine a connu une très grave crise due à la peste porcine africaine. Son cheptel a été éradiqué et elle s'est massivement tournée vers les importations, majoritairement européennes. Les Espagnols ont été les principaux bénéficiaires de cet appel d'air. Le secteur porcin espagnol en a tiré un large profit et a orienté une bonne partie de sa production vers le débouché chinois, qui s'est fermé brutalement lorsque la Chine a décidé de se doter à nouveau de capacités de production locales. Le porc espagnol destiné au marché chinois s'est alors avéré difficile à écouler et l'a été sur le marché européen, qui s'en est trouvé un peu déstabilisé.
Il faut donc être moins dépendants d'un seul débouché ou d'un seul pays importateur afin de sécuriser les dépendances que nous jugeons nécessaires ou inévitables.