En matière de céréales, plusieurs phénomènes expliquent qu'il y ait une certaine insécurité, du moins ressentie. Premièrement, alors que les rendements en blé avaient connu une augmentation fulgurante au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ils stagnent depuis vingt ans et n'alimentent plus la croissance.
Deuxièmement, de nouveaux acteurs sont apparus : la Russie, l'Ukraine, les pays de la mer Noire sont devenus des producteurs très importants, qui pèsent lourd dans le marché mondial. Ils bénéficient de conditions de production exceptionnelles grâce à la grande fertilité de leurs terres. Tant qu'ils étaient sous le régime soviétique, ils ne produisaient pas à la hauteur de leur potentiel ; puis, les privatisations ont ouvert une assez longue période de reconstruction de leur système de production et de leur logistique, au cours de laquelle ils n'ont progressé que lentement ; désormais, ils donnent toute la mesure de leur potentiel. Ce sont des concurrents géographiquement à nos portes. Ils ont assez rapidement visé nos clients fidèles du bassin méditerranéen, qui sont également les plus proches d'eux. La place qu'a prise le blé russe en Égypte ou en Algérie – des clients dont la fidélité ne s'était pas démentie pendant vingt ans, de façon presque continue – le montre bien. Cela peut être déstabilisant pour les filières.
La troisième raison tient à la forte dépendance de ces matières premières aux cours mondiaux. Quelles que soient les conditions de production en France, elles n'auront aucun impact sur le cours du blé au niveau mondial – notre pays est trop petit, en surface, pour avoir du poids. En 2016, alors que notre production était très faible en raison de mauvaises conditions climatiques, les cours mondiaux étaient très bas, ce qui a eu une forte incidence sur le revenu des agriculteurs. À l'inverse, le niveau atteint par le cours du blé à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie a entraîné une augmentation de leur revenu. L'absence de maîtrise sur le prix auquel ils vendent peut ainsi expliquer une partie des inquiétudes et des insatisfactions des acteurs économiques. Le niveau d'incertitude, déjà élevé en agriculture en raison des aléas climatiques, l'est encore plus sur ce marché totalement indépendant des conditions de production sur notre territoire.