J'essaierai de décrire les grands développements de la PAC en distinguant tout d'abord une première période qui s'est étendue de sa création à la première réforme d'ampleur en 1992. Il s'agissait d'une politique de prix garantis, de subventions à l'exportation pour écouler dans les pays tiers, et de protection à l'entrée pour éviter les importations.
En 1992, sous la pression internationale du GATT qui est devenu l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une grande réforme de la PAC a remplacé la politique des prix garantis par une politique d'aides directes. Nous sommes passés d'un soutien accordé essentiellement par le consommateur via les prix garantis – et des compléments budgétaires payés par le contribuable – à une politique davantage payée par le contribuable sous la forme d'aides directes qui, à leurs débuts, compensaient la réduction des prix garantis.
Depuis 1992, la PAC est en réforme permanente au gré des révisions budgétaires tous les sept ans, voire avec des révisions à mi-parcours. La dernière réforme s'applique depuis le 1er janvier 2023 et des réflexions sont déjà engagées sur la PAC 2027.
Des aides directes se sont substituées à des revenus avec une compensation d'abord totale puis partielle. Peu à peu, ces aides ont été déconnectées des choix et des niveaux de production pour être compatibles avec les règles de l'OMC. Puis, des mesures sur l'environnement – les nitrates et la qualité de l'eau notamment – et le climat s'y sont ajoutées.
Depuis 2023, la PAC repose sur deux piliers : un premier pilier qui vise le soutien des revenus ; un second pilier dit « du développement rural » qui comprend diverses mesures dont les mesures agro-environnementales et climatiques.
Le soutien des revenus se décompense en une aide de base à laquelle s'ajoute un paiement redistributif donné sur les premiers hectares, puis l'aide de l'éco-régime, qui est une mesure environnementale. Les jeunes touchent quant à eux une aide spécifique, et des aides couplées peuvent aussi être attribuées. En France, ce pilier absorbe la majeure partie du budget.
Le second pilier regroupe un ensemble disparate de mesures, dont en France l'indemnité compensatoire de handicaps naturels qui constitue une large part des dépenses de ce pilier.
Outre le soutien des revenus, des mesures au titre de la protection de l'environnement ont été peu à peu introduites dont les mesures agro-environnementales et climatiques. Aujourd'hui, il existe donc un dispositif dit « d'architecture verte » qui cible l'environnement via plusieurs mesures.
La conditionnalité est la première de ces mesures. L'octroi des aides du premier et du second pilier est conditionné au respect de règlements et de directives et au maintien de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Il s'agit de respecter un certain nombre de conditions telles que l'existence de zones tampons ou le maintien des zones humides.
Les efforts réalisés au-delà de la conditionnalité permettent en revanche d'obtenir des aides au titre de l'éco-régime dans le premier pilier ou des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) dans le second pilier.
La PAC appliquée actuellement vise donc principalement deux objectifs, le soutien des revenus et la protection de l'environnement.
La protection de l'environnement est appliquée différemment selon les États membres. En France, l'ambition environnementale affichée n'est pas beaucoup plus forte dans la PAC d'aujourd'hui qu'elle ne l'était dans la PAC d'hier. La conditionnalité est restée à peu près identique et les MAEC, outil pourtant efficace de protection de l'environnement, n'ont pas en moyenne un budget plus élevé que dans la PAC précédente. Quant à l'éco-régime, instrument principal de la nouvelle PAC au titre de l'environnement, les agriculteurs français y accèdent sans changer de pratiques. Il peut dès lors s'apparenter à une mesure de soutien des revenus.
L'ambition climatique et environnementale de la nouvelle PAC telle qu'elle est appliquée en France n'est pas très grande par rapport à la PAC précédente. L'Allemagne et le Danemark se sont montrés plus ambitieux au titre de l'éco-régime mais comme il en découle un nombre moins important d'agriculteurs qui y adhèrent, les critères d'octroi de l'éco-régime pourraient être assouplis. Il existe ainsi à court terme un arbitrage entre soutien des revenus et protection de l'environnement, qui est au centre des débats sur la PAC.
S'agissant de la souveraineté alimentaire, il existe deux visions : une vision qui la mesure à l'aune des volumes de production sans tenir forcément compte des intrants et des inputs importés ; une vision qui est plutôt celle du Green Deal et qui prône une plus grande autonomie en remplaçant des intrants importés hors d'Europe par des solutions basées sur la nature. Chacune de ces visions entraîne des gagnants et des perdants mais le débat entre ces deux options n'est pas tranché.
Je pense qu'il faudrait identifier de façon claire et nette les perdants de chaque option et minimiser les impacts négatifs.