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Intervention de Bruno Cabrol

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Bruno Cabrol, membre de la Confédération paysanne du Tarn :

J'entends bien que le tracé de l'autoroute affecte directement 100 hectares. Mais les pertes de surface agricole atteignent 350 hectares, auxquels il faut ajouter 150 hectares qui seront délaissés.

Ensuite, dans certaines zones aux portes de Castres, l'agriculture doit batailler pour sauver ses terres. En pratique, il est impossible de maintenir des terres agricoles et des zones naturelles hors de portée de l'urbanisation. On a ainsi vu qu'à Soual une zone humide avait été déclassée afin de réaliser une zone artisanale et commerciale. À force de commander des études, on finit toujours par y arriver. Il suffit de savoir où placer opportunément les instruments de mesure…

En ce qui concerne le tracé de l'autoroute, je vais parler plus précisément des 500 mètres que je connais et de la manière d'appliquer l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols.

Quatre maisons ont été rasées, mais l'hectare de bois qui les entourait et qui constituait leur jardin a été considéré comme une zone artificialisée. Cela n'a donc donné lieu à aucune étude ou compensation écologiques.

Les terres agricoles sont considérées comme des surfaces artificialisées, même comme lorsqu'on y pratique l'agriculture de conservation – ce qui est mon cas. On ne tient donc pas compte de l'amélioration du stockage de matière organique dans le sol, de la biodiversité et de la contribution au cycle de l'eau.

Sur la partie du tracé de l'autoroute que j'évoque, on trouve des zones humides. Sur l'ensemble du tracé, 700 points d'analyse ont été choisis, soit un par hectare. Si l'on avait vraiment voulu trouver des zones humides sur la partie qui me concerne, il aurait suffi de m'interroger et on les aurait vite identifiées. Comme cela n'a pas été le cas, on n'a pas non plus trouvé la flore et les espèces protégées associées. Cette zone représente pourtant un demi-hectare. Les bulldozeurs s'y enlisent, donc on creuse des fossés pour assécher. C'est le principe de l'artificialisation. Mais j'ai pour ma part besoin de ces prairies humides pour travailler et éviter d'avoir à irriguer, en particulier avec le changement climatique. Cela n'est pas du tout pris en compte.

Puisque nous parlons de l'eau, j'aborde la question des effets sur les nappes phréatiques. Ils ne sont pas intégrés pour une raison simple : ces nappes ne sont pas valorisées parce qu'elles appartiennent à la collectivité et que tout le monde y puise. Comme personne n'a réalisé un diagnostic initial – je n'ai pour ma part pas les moyens de payer une étude – on ne peut pas mesurer les conséquences. Sur mon site, on se doute bien que la nappe s'assèchera car on creuse en profondeur.

Je trouve donc que les procédures sont un peu légères en ce qui concerne la compensation.

Comme l'ont rappelé les chambres d'agriculture et les syndicats agricoles, la compensation écologique ne doit pas consommer de foncier agricole. On fait donc la compensation écologique sur des zones naturelles. C'est parfois un peu tiré par les cheveux. Dans certains cas, cette compensation concerne aussi des zones classées industrielles par le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), mais en réalité les zones en question pourraient aussi bien être classées naturelles, car il s'agit parfois de forêts.

Enfin, une partie de la compensation a lieu en utilisant des terres agricoles. C'est inévitable compte tenu de la pression qui existe pour compenser des centaines d'hectares artificialisés.

La construction de l'autoroute va entraîner une artificialisation de terres, et comme mon exploitation est située aux portes d'une ville, je constate qu'on ne peut pas protéger les terres agricoles de l'artificialisation. Même le fait de signer un contrat comportant une obligation réelle environnementale (ORE) ne protège pas contre une déclaration d'utilité publique. Et, comme je l'ai déjà dit, avec de la persévérance et de l'argent on parvient toujours à déclasser une zone humide.

Je prends conscience que la ville gagne sur l'agriculture et cette autoroute me donne le sentiment d'être enclavé. D'autres agriculteurs qui habitent à Soual bataillent comme ils peuvent pour préserver leur petit territoire.

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