Intervention de Jérémie Pellet

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Jérémie Pellet, directeur général d'Expertise France :

Je suis très heureux de m'exprimer pour la troisième fois depuis 2018 devant cette commission, à un moment charnière pour l'agence : d'une part, nous allons fêter à la fin de l'année les dix ans de l'agence et, d'autre part, nous sortons d'un premier cycle de contrats d'objectifs et de moyens avec l'État. Nous vous transmettrons d'ici quelques jours la nouvelle version de ce COM qui fixe la stratégie de l'agence à trois ans.

Vous avez rappelé les chiffres, monsieur le président, de ce qu'on appelait historiquement la coopération technique. Depuis la création de l'agence, sous l'impulsion des gouvernements successifs, les comités interministériels de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018 et de 2023 ont permis la reprise de cette coopération technique sous une forme nouvelle. Nous ne parlons plus de « coopérants techniques » mais d'experts techniques internationaux.

Ensuite, la majorité de notre activité s'effectue dans le cadre de projets structurés de renforcement de politiques publiques, comme aujourd'hui toutes les agences de coopération technique dans le monde. Ces actions se sont effectivement traduites par un renforcement et un déploiement sur le terrain de 1 250 personnes, dont 500 Français, loin des 22 000 personnes de notre homologue allemande, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ). Cependant, nous sommes devenus au fil des années la deuxième agence de coopération technique en Europe, même si nous devrions être plus nombreux compte tenu de l'importance de notre politique étrangère.

La reprise de cette coopération est liée à la qualité de nos actions. Notre expertise des politiques publiques et l'appui que nous sommes capables de fournir pour aider les pays à renforcer leurs finances publiques, leurs politiques sociales, leur défense et leur justice sont très appréciés. Il était donc indispensable de rationaliser le dispositif français, tant nous étions très en retard. Il a fallu l'impulsion du Parlement pour aboutir à la création, en 2014, de l'Agence de coopération technique internationale. Depuis 2014, l'activité de celle-ci a ainsi quadruplé et elle continuera à croître jusqu'en 2027, l'horizon de notre futur contrat d'objectifs et de moyens.

Notre modèle économique est désormais stabilisé, conformément à la promesse que j'avais formulée lors du précédent COM. L'agence ne bénéficie plus de subventions de fonctionnement depuis 2019 ; elle est à l'équilibre et se finance sur les marges tirées de ses projets. Ceux-ci se fondent à peu près à parts égales, d'une part, sur l'activité que nous menons avec la France – 25 % avec l'AFD et 25 % avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères – et, d'autre part, sur l'activité avec l'Union européenne, qui était de l'ordre de 60 % il y a encore quelques années.

Depuis la loi du 4 août 2021, l'architecture française de l'aide au développement est plus lisible et plus cohérente. D'abord, elle définit notre mission de service public, qui a pour objet de mobiliser l'expertise française à l'international, sur ressources bilatérales et multilatérales, dans tous les domaines. Notre rôle consiste, quant à lui, à être un ensemblier de compétences. Nous mobilisons l'expertise issue de l'État, des collectivités locales, des organisations non-gouvernementales (ONG) et du secteur privé, au service d'un objectif : l'appui aux politiques publiques de nos partenaires. Ce métier s'est extrêmement professionnalisé et renforcé dans sa gestion au quotidien. Nous sommes également soumis au contrôle de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, qui s'assurera de la bonne utilisation de l'argent public.

Nous sommes actifs dans quatre grands domaines. Le premier concerne la gouvernance et l'appui à la réforme de l'État. Nous avons à ce titre contribué au doublement des recettes fiscales sur les petites et moyennes entreprises (PME) en Guinée et au renforcement du ministère de la justice en Ukraine.

Ensuite, nous intervenons dans les domaines du développement durable, du climat et de la biodiversité. Nous avons travaillé avec la Colombie pour préparer sa stratégie bas carbone 2050. Nous sommes également actifs dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la protection sociale. À ce titre, le travail que nous avons mené dans le cadre de notre dispositif en santé mondiale appelé « L'Initiative » a été essentiel depuis dix ans pour éliminer quasiment la malaria dans le bassin du Mékong.

Nous agissons enfin dans le champ des fragilités, de la paix et de la sécurité. Je pense notamment à l'action que nous menons dans un pays comme la Libye, où nous travaillons à la diversification des ressources économiques depuis quelques années. Nous accompagnons également la coopération l'Assemblée nationale avec la chambre des représentants du Maroc.

La loi de 2021 a intégré Expertise France au sein du groupe Agence française de développement. Depuis bientôt deux années d'intégration, le bilan est très positif. Au sein du groupe AFD renforcé, Expertise France est la plateforme de mobilisation de l'expertise, notamment l'expertise publique, en compagnie de Proparco. Avec le financement des contreparties publiques, ce groupe permet de proposer une offre complète. De nombreux pays s'intéressent maintenant au modèle français pour renforcer leurs efficacité et lisibilité.

Nous structurons les offres du groupe dans différents secteurs : l'accès aux produits de santé, le développement de la finance durable, la protection civile, le climat. Cette action nous permet également de renforcer le dialogue avec les instances européennes et notre présence dans les « équipes Europe ». Elle nous permet aussi de nourrir le dialogue politique avec nos partenaires locaux, en accroissant également leurs capacités. Aux termes de la loi de 2021, le législateur a souhaité que nous conservions un mandat spécifique et une gouvernance particulière, à l'image de notre conseil d'administration auquel participent quatre parlementaires, dont deux députés : Mme Ersilia Soudais et M. Mansour Kamardine.

Notre cadre stratégique est par ailleurs défini avec l'État dans le cadre d'un COM, qui vous sera soumis, au même titre que celui de l'AFD. Notre mandat n'est pas exactement le même que celui de l'Agence française de développement. Il s'en distingue notamment par son champ géographique : Expertise France n'est pas limitée au champ des pays en développement, même s'ils représentent près de 90 % de notre activité. Je pense par exemple à l'appui que nous fournissons à la diplomatie européenne sur les questions de cybersécurité ou de sécurité maritime en Indopacifique, où nous travaillons avec le Japon, avec Singapour, avec l'Inde.

Je pense également au travail que nous menons au sein de l'Union européenne. En effet, nous accompagnons la Grèce depuis la crise financière de 2012, avec succès d'ailleurs. Les Grecs sont extrêmement reconnaissants de l'assistance technique apportée par la France, qui n'est sans doute pas étrangère à la trajectoire positive de ce pays aujourd'hui. Ensuite, notre action n'est pas strictement limitée aux questions de développement. Nous sommes ainsi actifs dans la sécurité et la défense et nous sommes également exposés dans les pays en conflit comme le Yémen. Enfin, nous sommes l'une des très rares agences actives dans les zones du Nord-Est syrien non contrôlées par le régime central.

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