Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du mercredi 10 avril 2024 à 14h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

La volonté d'aboutir à une CMP conclusive nous a conduits à laisser subsister une nouvelle fois dans le texte des dispositions inconstitutionnelles. À titre personnel, je considère, mais je crois que nous sommes nombreux à le penser ici, que cela ne grandit pas notre institution.

À trop vouloir bien faire, nous avons instauré un dispositif inapplicable que le Conseil constitutionnel pourrait censurer. Je veux parler de l'article 5 bis qui crée un délit général d'outrage en ligne faisant l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle. Si l'objectif semble louable, nous ne saurions nous satisfaire de la rédaction retenue en CMP. Elle laisse penser qu'une injure publique serait moins grave si elle est exprimée en ligne plutôt que dans l'espace public.

Je vous rappellerai la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2023 au sujet de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) par laquelle les sages de la rue Montpensier ont détaillé les conditions de recours à l'amende forfaitaire délictuelle. Ils ont estimé qu'il fallait que les éléments constitutifs du délit puissent « être aisément constatés ». Or les infractions auxquelles cet article fait référence nécessitent des enquêtes parfois détaillées et minutieuses, notamment afin d'identifier les auteurs, ce qui est assez peu compatible avec le dispositif retenu.

De plus, la définition même de l'infraction, notamment de la circonstance aggravante tenant à la « personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur », rend la sanction compliquée à automatiser par le biais d'une telle amende.

Soulignons enfin que le propre de cette amende forfaitaire est d'éteindre l'action publique. Or le caractère de ces infractions impose que l'auteur passe devant un juge et que la victime puisse être elle aussi entendue. Il existe donc un risque de déqualifier certaines infractions.

Pour toutes ces raisons, l'article 5 bis m'apparaît comme une erreur mais sa rédaction peut nous servir de base pour opérer des améliorations.

Le groupe Démocrate votera toutefois en faveur du projet de loi, car il comporte à ses yeux des avancées.

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