Ségolène Amiot :
Ce projet de loi n'est pas seulement inadapté, mais profondément moralisateur et liberticide. Les dispositifs de vérification de l'âge figurant aux articles 1er et 15 bis sont tous incompatibles avec le droit à l'anonymat en ligne et à la vie privée consacré par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi informatique et libertés, le droit de l'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'homme. Sans solution technique sécurisée, le référentiel auquel vous vous accrochez est une chimère ; or, selon les spécialistes, cette solution n'existe pas. La peine de bannissement numérique prévue à l'article 5 implique une vérification approfondie de l'identité de chaque utilisateur par les plateformes : celles-ci seront donc dans l'obligation de stocker des millions de données, ce qui entraînera à court terme le fichage d'une partie de la population par des entreprises privées. De plus, cette mesure constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d'information, au droit d'accéder à internet, composantes de la liberté d'expression ; les personnes condamnées seront privées d'accès aux nombreux services publics et administrations qui communiquent notamment sur les réseaux sociaux.
Dans la même perspective liberticide, l'article 4 AC fixe l'objectif qu'en 2027 tous « puissent avoir accès à une identité numérique gratuite » : cheval de Troie, là encore, qui conduit à imaginer une dystopie très proche où cette possibilité deviendrait une obligation, permettant le contrôle social des Français. La Chine le pratique déjà, la France, dans une moindre mesure, commencera à le faire dès cet été, pendant les Jeux olympiques et paralympiques, avec la vidéosurveillance algorithmique.