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Intervention de Florence Lustman

Réunion du lundi 18 mars 2024 à 14h30
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Florence Lustman, présidente de France Assureurs :

En 2022 – ce sont les derniers chiffres dont je dispose –, les cotisations d'assurance pour l'outre-mer s'élevaient à 2,9 milliards d'euros, dont 1,7 milliard en assurance non-vie et 1,2 milliard en assurance vie. À titre de comparaison, les cotisations s'élevaient pour la France entière à 239 milliards, dont 94 milliards en assurance non-vie et 145 milliards en assurance vie.

Grâce à une présence marquée des assureurs, l'offre de produits d'assurance outre-mer est large : assurances automobile, multirisques habitation (MRH), santé, assurances destinées aux professionnels. Une enquête récente de France Assureurs indique que 1 300 points de vente sont répartis de manière cohérente selon les zones d'activité économique, les contraintes géographiques et les dynamiques démographiques. Cela représente 4,8 points de vente pour 10 000 habitants et 5,6 points de vente pour 1 000 entreprises. Il y a donc bien outre-mer un marché de l'assurance, avec une vraie concurrence.

Néanmoins, le taux de pénétration de l'assurance est moindre dans les outre-mer que dans la France entière : pour l'assurance multirisques habitation, il varie ainsi selon les territoires de 50 % à 80 %, quand il est de 98 % pour la France entière. C'est un défi collectif qui est devant nous.

Une autre façon d'illustrer la présence des assureurs outre-mer est de revenir sur les événements de grande ampleur qui ont touché ces territoires. Depuis 2002, on en a dénombré pas moins de douze – neuf cyclones, deux séismes et une tempête –, pour un coût cumulé de 3,3 milliards d'euros en euros constants de 2023. Ce montant est dû à 70 % aux conséquences de l'ouragan Irma, en 2017 : c'est l'événement le plus coûteux de l'histoire de l'assurance française outre-mer.

La forte présence sur place des assureurs leur permet de mobiliser rapidement les ressources en cas d'événement de grande ampleur. Cela a été en particulier le cas au moment du passage d'Irma : 25 600 sinistres ont été enregistrés, pour un coût total estimé à 1,9 milliard d'euros. La mobilisation du secteur de l'assurance a été exceptionnelle – certains se souviennent sans doute de l'envoi d'experts sur des catamarans trois jours après le passage de l'ouragan. Le préfet Philippe Gustin a souligné à l'époque l'efficacité des assureurs et le soutien que nous avons apporté à la reconstruction de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il est vrai qu'il y a eu au départ quelques retards d'indemnisation, liés aux conditions très complexes dans lesquelles les experts ont travaillé : les deux îles étaient difficiles d'accès pendant la première semaine qui a suivi le passage de l'ouragan. Mais les autorités locales ont toujours reconnu l'engagement des assureurs à leurs côtés et surtout aux côtés des populations touchées par ces événements tragiques. Nous nous efforçons donc de répondre au mieux aux besoins de nos assurés.

Je voudrais souligner l'importance du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Spécificité française, c'est un partenariat public-privé qui a été établi en 1982 et étendu en 1990 puis en 2000. Il instaure une solidarité nationale face aux événements climatiques extrêmes que sont les vents cycloniques, les séismes, les inondations, les sécheresses… C'est une garantie adossée systématiquement aux contrats d'assurance dommages. Le taux de surprime, homogène sur tout le territoire, est de 12 % pour les contrats d'assurance contre des dommages aux biens, c'est-à-dire les assurances multirisques habitation ; il passera à 20 % au 1er janvier 2025 en raison de l'augmentation significative du nombre des risques naturels. Ce régime est pour nous un véritable trésor national puisqu'il permet une mutualisation des risques naturels sur l'ensemble du territoire.

Les territoires ultramarins sont exposés à six risques naturels majeurs : les cyclones, les éruptions volcaniques, les inondations, les mouvements de terrain, les séismes et les tsunamis. Localement, l'intérêt du régime Cat nat a été illustré par les importantes différences de prise en charge entre la partie française de l'île de Saint-Martin et sa partie néerlandaise.

Je voudrais aussi souligner l'importance d'un combat qu'il nous revient à tous de mener : celui de l'acculturation au risque.

En 2022, pour toute la France, le coût de la sinistralité climatique a dépassé les 10 milliards. Notre métier, en tant qu'assureurs, est d'étudier les risques pour les gérer toujours mieux. Nous avons donc mené une étude avec des scientifiques, des météorologues, des économistes, pour établir une projection de ce que pourraient coûter les événements naturels au cours des trente prochaines années. Il en ressort que ce coût pourrait doubler par rapport à celui des trente dernières années, passant de 74 milliards à 143 milliards d'euros. S'agissant des outre-mer, une étude menée par la Caisse centrale de réassurance (CCR), Météo-France et Risk Weather Tech et consacrée au risque cyclonique, indique qu'à l'horizon 2050 la sinistralité augmenterait de 20 %, en particulier du fait de l'augmentation du niveau des mers.

Dans ce contexte d'aggravation globale des risques, les assureurs mènent des actions de prévention et d'acculturation au risque. Une association est dédiée à ce thème : Assurance Prévention, intégralement financée par les assureurs. Elle sensibilise les populations et les aide à mieux réagir si survient un cyclone, une tempête, une inondation ou une vague de submersion. S'agissant des territoires ultramarins, Assurance Prévention a consacré un guide de prévention aux cyclones et engagé des actions de prévention et de sensibilisation face aux risques d'inondation cyclonique et de tsunami. Son budget était de 240 000 euros en 2022. Cette association est, comme les assureurs, présente en cas d'événement de grande ampleur.

Nous disposons maintenant, au niveau de la fédération, d'une procédure spéciale pour gérer de tels événements. Elle prévoit que la fédération constitue un relais pour les pouvoirs publics dans la gestion des suites. Elle a été utilisée dans le contexte de la tempête tropicale de la vallée de la Roya, lors des tempêtes en Bretagne et en Normandie, ou encore lors des inondations qui ont ravagé le Nord et le Pas-de-Calais. La relation directe entre l'assuré et son assureur est essentielle ; elle doit perdurer. Les assureurs s'efforcent de faire au mieux : lors de la tempête de la vallée de la Roya, il y a eu 13 000 sinistres, mais seulement trois contentieux : tous les autres ont été réglés de façon amiable, grâce à l'engagement des assureurs et des pouvoirs publics. Il peut toujours y avoir des incompréhensions, et la fédération fait office de relais vis-à-vis de la préfecture pour des dossiers qui semblent, localement, poser problème : on met de l'huile dans les rouages. Cette procédure est maintenant systématiquement appliquée lors des événements de grande ampleur.

Les territoires d'outre-mer sont particulièrement sensibles aux événements climatiques, notamment parce qu'ils sont souvent insulaires. Il est à notre sens d'autant plus important d'amplifier la prévention et l'acculturation au risque de tous les habitants.

Il faut aussi aller plus loin dans la mise en place des plans locaux d'urbanisme (PLU). Un meilleur aménagement du territoire est également souhaitable, avec plus de prévention, plus de mitigation du risque, afin d'installer un cercle vertueux. Il faut enfin démultiplier les actions. Il existe maintenant une Journée nationale de la résilience, fixée au 13 octobre. Reste à l'adapter localement, car c'est bien là l'échelle pertinente pour identifier les périls les plus probables, qui diffèrent d'un point du territoire à l'autre.

Au total, il nous semble crucial de pérenniser le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et de développer des actions de prévention, de façon à améliorer la résilience de nos territoires vis-à-vis de risques qui ne feront que s'aggraver.

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