Merci, monsieur le président et madame la rapporteure. Je vous propose de nous présenter rapidement et de resituer l'OFB, notamment sur son aspect historique, à même d'expliquer les différents avis émis. Nous pourrons ensuite nous intéresser à l'intervention de l'OFB, à la fois sur la DUP et sur la phase d'autorisation environnementale.
Je suis Étienne Frejefond, ingénieur des ponts et des eaux et forêts, directeur de l'OFB Occitanie depuis 2024. En 2020, j'étais directeur adjoint du secteur. Mon rôle consiste à garantir les moyens, la priorisation, la façon dont nous abordons les dossiers et dont les équipes s'engagent. J'ai souhaité aujourd'hui être accompagné d'un collaborateur qui a suivi les principales phases du projet A69, initié en 2016.
Vous le savez probablement, l'OFB est un établissement public d'État créé en 2020 par fusion de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui a apporté sa compétence du milieu terrestre, et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), en charge du milieu aquatique et du milieu marin. La fusion des deux entités permet de couvrir tous les champs du milieu naturel.
Il convient de préciser que l'AFB est elle-même issue de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), dont la compétence se limitait aux milieux aquatiques. C'est la raison pour laquelle les premiers avis ont été émis par l'Onema, avant de l'être par l'OFB, dont le champ s'est progressivement élargi.
L'OFB est un établissement public chargé de la protection et de la restauration de la biodiversité en métropole et dans les outre-mer. Cinq grandes missions lui sont assignées : police de l'environnement et police sanitaire de la faune sauvage, connaissance et expertise pour asseoir ses missions de police, appui à la mise en œuvre des politiques publiques, gestion ou appui aux gestionnaires d'aires protégées, sensibilisation et mobilisation autour des sujets de biodiversité.
Au total, l'OFB regroupe 3 000 agents, à raison de 280 en Occitanie, dont un certain nombre spécialisé sur les avis techniques.
Pour répondre plus précisément à la question sur l'implication de l'OFB dans les phases de DUP et d'autorisation environnementale, il faut retenir que l'Office produit un certain nombre d'avis, d'ailleurs transmis au secrétariat de la commission et accessibles dans le détail. Ces avis forment l'appui technique que l'OFB peut apporter aux services de l'État. Une note technique du ministère, produite en 2019, apporte un cadre précis, au titre des instructions de police administrative.
Les avis techniques portent sur la prise en compte des milieux naturels et de la biodiversité, c'est-à-dire la caractérisation de l'aire d'étude, l'estimation des incidences, les mesures proposées au titre de l'ERC. En revanche, ces avis ne se prononcent pas sur l'opportunité du projet ou sur son intérêt général. Il s'agit bien de l'état des lieux, des incidences et des pistes d'accompagnement.
D'un point de vue juridique, ce sont des avis simples et facultatifs. Vous ne les retrouvez pas dans les dossiers d'enquêtes publiques. Ils sont produits uniquement sur sollicitation des services de l'autorité administrative, que ce soit la DDT ou la DREAL, selon les volets. Nous le verrons par la suite, ces avis ont une portée relative, ils sont assis sur une expertise et ils interviennent pour un certain nombre de phases du projet sur sollicitation de l'autorité administrative.
Nous pouvons recevoir des sollicitations en phase amont, pour des cadrages préalables avant le dépôt du dossier de DUP ou d'autorisation environnementale. C'est un peu l‘équivalent d'un appui au porter à connaissance de l'État. Nous fournissons un certain nombre d'éléments aux services de l'État pour qu'ils puissent les transmettre aux pétitionnaires, en considérant que le sujet est important.
La phase d'examen de l'autorisation environnementale ressort du champ de notre expertise pour le compte de la DDT ou de la DREAL et ensuite du pétitionnaire. Nous intervenons aussi en aval, et c'est le cas ici, lorsqu'un projet évolue et que les services de l'État attendent une expertise de l'OFB sur un certain nombre d'éléments techniques après la signature de l'acte administratif.
D'une manière générale, la sollicitation de l'OFB est systématique pour les grands projets d'infrastructure, qui constituent les dossiers les plus complexes à instruire, principalement du fait de leur volume. Nous sommes sollicités sur des questions très techniques en termes de continuité écologique, par exemple sur des projets d'hydroélectricité.
S'agissant du projet d'A69, la technicité n'apparaît pas très élevée, mais le dossier revêt une large ampleur. Des dizaines de cours d'eau sont interceptés, il y a un grand linéaire, une grande surface impactée, une variété de milieux. Les dossiers, épais de centaines voire de milliers de pages, apparaissent complexes et sont par nature évolutifs. Je ne connais pas les chiffres relatifs au nombre de projets d'infrastructures autoroutiers de ce type, qui restent peu nombreux, sur lesquels nous sommes consultés, mais nous en comptons un certain nombre.
En 2023, nous avons produit 991 avis techniques à l'échelle de l'Occitanie, qui vont du tout petit avis pour une pêche de sauvegarde ou un petit aménagement jusqu'à un parc photovoltaïque de 20 hectares ou à des grandes infrastructures comme l'A69, la liaison vers Gimont ou encore le contournement de Nîmes.
Je rappelle qu'il n'y a pas d'avis défavorable ou même réservé de l'OFB au sens où nous ne sommes pas décisionnaires. Nous apportons des éléments aux services de l'État. En revanche, cette expertise, en tout cas cette analyse technique destinée à l'autorité administrative, met en évidence un certain nombre de cadrages méthodologiques, d'écarts par rapport à ces cadrages ou encore de points justifiant une certaine attention.
Aujourd'hui, vous ne verrez jamais un avis de l'OFB signé « avis défavorable pour telle raison ». L'avis indique plutôt que nous avons effectué notre examen et que des compléments sur tel ou tel élément méritent d'être apportés.
L'Onema a produit un premier avis au moment de la DUP, le 8 avril 2016, sur la prise en compte des enjeux liés aux milieux aquatiques et zones humides. Notre avis précise ainsi que la continuité écologique des cours d'eau et la définition des mesures « éviter, réduire, compenser » forment des éléments essentiels. Il s'agit presque d'un message préventif, puisque le dossier, à ce stade, ne laisse voir qu'une approche globale. Le pétitionnaire apporte ses éléments au dossier au fur et à mesure de ses études.
Viennent ensuite les trois phases que j'évoquais précédemment, c'est-à-dire le cadrage classique, intervenu en 2021. Il reprend la liste de l'intégralité des enjeux dont nous avons connaissance et au sujet desquels nous alertons les services de l'État, qui se rapprochent ensuite du pétitionnaire.
En avril 2022, un premier avis est émis sur la version initiale du dossier déposé par le pétitionnaire. L'avis liste une série de remarques méthodologiques. Les services de l'État intègrent probablement d'autres avis intermédiaires et se retournent une nouvelle fois vers le pétitionnaire.
Nous répondons à la deuxième sollicitation en juillet 2022, ce qui nous permet de lister les différentes évolutions. Certains éléments peuvent ne pas avoir évolué, mais le pétitionnaire a fait part de considérations méthodologiques et a apporté un certain nombre de réponses. Il s'agit de notre dernier avis avant l'autorisation environnementale.
L'autorité administrative intègre les avis qu'elle reçoit et délivre au final son autorisation.
Nous sommes saisis une troisième fois, du fait que certains éléments ont été pointés, notamment sur les mesures compensatoires nécessitant une nouvelle approche.
En 2023, le pétitionnaire affine les mesures compensatoires et l'autorité administrative nous consulte à plusieurs reprises puisque nous produisons au total 19 avis, que vous trouvez synthétisés dans le document transmis à votre secrétariat. Ces avis portent sur les évolutions des propositions liées aux mesures compensatoires.
Il convient de noter ici le volume du dossier, l'évolution du projet et la complémentarité des réponses apportées. C'est une difficulté pour le pétitionnaire, pour le service instructeur, pour les entités consultées et pour l'OFB. Le dossier de base n'est pas toujours remis à jour, puisque l'opération s'avère impossible. Il convient donc d'être capable d'une certaine gymnastique intellectuelle.
Pour répondre à vos questions relatives au respect du droit, monsieur le président, je redis que l'avis de l'OFB est sollicité en appui des services de l'État à certaines étapes. Vu de l'extérieur, la procédure semble respectée, mais seule l'autorité administrative peut l'attester. La procédure s'appuie sur un cadrage, des avis techniques, un dialogue, des mémoires en réponse au pétitionnaire. Au final, interviennent la consultation et l'avis.
Vous souhaitez savoir si nous sommes consultés sur les grands projets. Techniquement, les services instructeurs ont besoin de s'appuyer sur notre connaissance du terrain et nos expertises des milieux aquatiques. Je constate qu'ils nous consultent à des moments un peu critiques.
Faisons-nous toujours preuve d'autant de réserves ? J'avoue ne pas être en mesure de vous fournir de statistiques. Concrètement, pour les projets très techniques, la séquence ERC reste difficile à mettre en œuvre. Notre rôle consiste aussi à conseiller, apporter des compléments aux services instructeurs afin que le dossier s'améliore tout au long de la vie du projet.
La phase de cadrage ou d'état des lieux reste très importante. Une bonne anticipation du porteur du projet facilite le respect de la séquence ERC. Ici, le dossier est volumineux, ce qui représente une difficulté.
J'aborde maintenant les questions posées par Mme la rapporteure. Nos avis ne contiennent pas stricto sensu de réserves ; ce sont des avis techniques. Sur la DUP d'ailleurs, nous n'avions pas beaucoup de remarques.
Nos avis sont-ils suivis ? Nous produisons à un moment une expertise relative à un dossier. C'est surtout le cas lors de la phase préalable à l'autorisation environnementale. Nous émettons donc un certain nombre de recommandations ou d'alertes, à travers lesquelles nous estimons que la méthodologie ne s'avère pas être la bonne. Je peux reprendre l'exemple des densités de sondages pédologiques pour déterminer les zones humides, sujet qui a suscité un long débat.
Le pétitionnaire a la capacité de répondre aux services instructeurs en expliquant qu'il procède à un choix, qui n'est peut-être pas celui préconisé, notamment par l'OFB. Néanmoins, il justifie son choix. Il est toujours possible de proposer des méthodes différentes, mais, à un moment donné, un arbitrage s'impose. Si je reprends l'exemple que je viens de citer, le pétitionnaire considère qu'il faut maximiser les zones humides susceptibles d'être impactées en raison d'une précision moindre. Auquel cas, nous émettons un nouvel avis qui montre que certaines zones humides ne le sont finalement pas. Un dialogue s'installe avec les services de l'État et le pétitionnaire, au cours duquel nous supprimons un certain nombre de zones humides ou de mesures de compensation. Le projet évolue, nous retirons ces zones dès lors que la partie contradictoire a estimé que la démarche était acceptable.
Nos avis interviennent à un certain moment du projet et, in fine, le pétitionnaire rédige son rapport. L'autorité administrative en tient compte ou pas. À l'arrivée, nous ne nous positionnons jamais pour savoir si toutes les recommandations de l'OFB ont bien été prises en considération. Sinon, nous sortons de notre rôle de conseil et d'expertise.
L'autorité administrative doit également intégrer tous les autres avis ou toutes les autres considérations. Je relisais ce matin une recommandation anecdotique en rapport avec le retard de fauche, un sujet pertinent pour les pollinisateurs et pour la biodiversité. Il peut donc y avoir une considération de sécurité, sans qu'elle ne soit retenue pour autant.
Je cherche surtout à expliquer que l'avis technique apporte sa contribution, mais que la décision revient à l'autorité administrative. L'OFB ne se positionne pas pour savoir si tous les avis ont été pris en compte. Dans la vie du dossier, nous signalons les éléments qui n'ont pas été pris en considération et nous notons ceux qui l'ont été.
Faut-il revoir le modèle ERC ? Il convient de mentionner tous les aménagements induits que le pétitionnaire ne maîtrise pas nécessairement. Si nous parlons d'échanges de parcelles, de haies qui sortent de l'emprise, il y a forcément un impact induit, qui n'est pas à la main du pétitionnaire et qui passe donc sous le radar de la séance ERC. Je ne connais pas la solution et je ne suis pas sûr que les services de l'État la connaissent, en raison de la temporalité. C'est une vraie difficulté.
La compensation ne se veut pas parfaite, surtout lorsque nous souhaitons recréer des milieux de manière artificielle pour remplacer ceux qui ont été détruits. Nous ne savons pas toujours bien imiter la nature. Ici aussi, une difficulté se pose, d'ordre technique.
Les milieux à enjeux forts du projet laissent voir une marge en termes de sécurité et de surfaces compensées. Je ne dis pas que tout fonctionnera à la fin.
L'autre filet de sécurité est celui du suivi et de l'obligation de moyens, qui doit démontrer que la solution proposée est susceptible de fonctionner. Si tel n'est pas le cas, il s'avère obligatoire de proposer des mesures complémentaires ou de réfléchir à une autre solution. Nous pouvons considérer qu'entre-temps, nous avons perdu toutes les fonctionnalités de la zone humide ou tout ce que n'a pas produit la compensation. Nous avons continué à aggraver la dette biologique. Mon propos consiste à dire que la compensation ne marque pas la fin de toute opération, puisqu'un suivi est ensuite mis en œuvre.
J'espère ne pas avoir oublié de répondre à toutes vos questions, sinon n'hésitez pas à y revenir.