Je ne pense pas qu'il existe de mauvaises intentions au sujet de la demande de décalage du dépôt de dossier. Lorsque celui-ci entre dans la mécanique administrative, le délai de deux mois commence à courir. Nous avons simplement alerté rapidement la DEB pour indiquer qu'un décalage de l'envoi de ce dossier par l'administration locale serait idéal afin d'attendre fin septembre et recevoir le pétitionnaire. Je pense simplement que le dossier avait été envoyé et qu'il n'était plus possible de faire marche arrière.
S'agissant du nombre d'hectares artificialisés, je m'en tiens au dossier reçu à l'époque de la consultation de ce projet, mais je ne sais pas s'il a évolué. En effet, nous sommes saisis sur un dossier, rendons un avis, mais ne connaissons pas la suite administrative dont il fait l'objet. Par conséquent, nous ne savons pas lesquelles de nos recommandations seront, par exemple, reprises dans l'arrêté environnemental d'un préfet. Nous ne savons d'ailleurs pas si le dossier va être finalement accepté ou refusé.
Nous n'avons donc pas connaissance de la suite de la procédure, à part si l'administration demande, sur la base de notre avis défavorable, un mémoire en réponse au pétitionnaire, dont nous ne sommes toutefois pas destinataires. L'administration peut alors décider que les réponses sont satisfaisantes et que nos remarques ont été couvertes par les réponses du porteur de projet, ce qui permet au dossier de poursuivre sa vie administrative. Dans d'autres cas, les réponses ne sont pas encore satisfaisantes du point de vue de l'administration – ou elles sont satisfaisantes mais l'administration souhaite une confirmation du CNPN – et celle-ci demande un nouveau passage en CNPN. Dans ce cas, nous avons accès au mémoire de réponse, sur lequel nous nous prononçons. Ce passage est parfois utile lorsque l'administration a besoin d'un avis favorable. D'ailleurs, elle a tout à fait le droit de ne pas reprendre nos recommandations.
Je ne sais donc pas si le projet a évolué ou pas depuis la version de 2022 sur le nombre d'hectares, car nous n'avons pas été saisis à nouveau, à la suite de cet avis défavorable. Il était question à l'époque de 356 hectares d'emprise définitive et de 135 hectares d'emprise temporaire dans le cadre des travaux.
S'agissant des terres agricoles, l'aménagement foncier agricole forestier environnemental (Afafe) correspond généralement à un remembrement. Concrètement, les grandes infrastructures linéaires découpent le paysage agricole et un arrangement est trouvé entre la chambre d'agriculture, la DDT et les agriculteurs pour réorganiser les parcelles. Un Afafe peut avoir des impacts encore plus importants qu'une route, car il modifie les chemins et les haies existant autour de ces chemins. Cependant, il passe souvent en dessous des radars et n'est pas traité dans la même temporalité que le projet. Le porteur confie en outre cette tâche à la chambre d'agriculture et à la DDT.
L'Afafe et le projet autoroutier sont intimement liés mais n'ont pas la même temporalité. Celle-ci ne permet pas d'avoir une réelle vue d'ensemble et d'apprécier la cohérence globale du projet. Nous n'avons donc pas connaissance de tous les impacts induits par le projet, même si nous pouvons comprendre qu'il n'est pas forcément possible matériellement de tous les inscrire dans un seul et même dossier. Une appréciation des enjeux à la bonne échelle est toutefois nécessaire, ces routes impliquant d'autres aménagements que nous ne voyons pas et, par conséquent, des impacts sur les espèces et les fonctions écologiques.
À l'époque, une partie des mesures compensatoires et du foncier pour la compensation n'avait pas encore été trouvée ou faisait l'objet de discussion. À nouveau, nous ne sommes pas dogmatiques en la matière, car nous savons à quel point la situation est tendue sur la disponibilité du foncier. Certains territoires ne disposent plus de ressource foncière pour la compensation, ce qui n'est toutefois pas le cas dans le projet en question. Néanmoins, la loi rappelle que les mesures compensatoires doivent être mobilisées au moment où le projet se lance, ce qui n'est presque jamais appliqué. Cependant, comme nous ne revoyons pas les dossiers, nous ne pouvons pas nous contenter d'intentions. Nous devons vérifier l'absence de perte nette de biodiversité, ce qui nécessite de connaître la localisation des parcelles concernées et ce qu'elles accueillent afin de recréer de la biodiversité. Nous essayons donc d'évaluer la proportion de mesures compensatoires déjà mobilisées pour chaque projet et nous rappelons dans nos recommandations qu'il sera nécessaire de les trouver rapidement. Nous déléguons en quelque sorte cette responsabilité aux services de l'État, mais dans le cas du projet A69, les arguments relatifs à la compensation n'étaient pas suffisamment mûrs.
Par ailleurs, le dossier comprenait tout ce que le pétitionnaire voulait nous mettre à disposition avec le bureau d'étude. Nous avions donc la possibilité de rendre un avis, même si nous aurions volontiers pris en compte des informations supplémentaires. Ce dossier de demande de dérogation comptait tout de même 600 pages, auxquelles s'ajoutent 600 pages d'annexes. De plus, l'étude d'impact représentait plusieurs milliers de pages. Il peut donc nous arriver de passer à côté d'informations, car nous nous impliquons dans ces dossiers pendant notre temps libre. En outre, plus les délais sont réduits pour obtenir une autorisation environnementale, plus certains éléments importants peuvent être éclipsés, ce que nous regrettons.
Je fais partie de cette commission depuis 2017 et je constate que celles et ceux qui jouent le jeu, c'est-à-dire qui mobilisent la DEP dans l'esprit de la loi et des objectifs, parviennent à leurs résultats. En revanche, il arrive que certains souhaitent avancer rapidement et soient rattrapés par les nécessités réglementaires. Nous comprenons par exemple que des dossiers non aboutis nous parviennent, car les délais des programmations européennes de financement doivent être tenus, mais aller trop vite s'avère parfois contre-productif.