Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 21h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Nous entamons l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Sur les 1 486 amendements déposés, 1 170 sont à discuter, une fois enlevés les amendements irrecevables et ceux retirés avant discussion.

Le taux d'irrecevabilité, de 16 %, peut sembler élevé. Il l'est cependant significativement moins que les années passées, où il oscillait entre 21 % et 24 %. Je l'assume pleinement, ayant souhaité favoriser l'initiative parlementaire, tout en gardant la logique du contrôle de la recevabilité financière.

Ainsi, dans le cas d'amendements visant à instituer une nouvelle recette publique, j'ai considéré qu'une recette qualifiée de « redevance » ne constitue pas la preuve indubitable qu'elle n'est pas fiscale. De la sorte, l'amendement est recevable alors qu'il ne le serait pas s'il s'agissait d'une vraie redevance pour service rendu.

J'ai également considéré qu'un amendement augmentant le barème de l'amende pour non-respect de l'encadrement des loyers était une disposition non pas répressive mais de « rendement », ce que pouvait suggérer le changement proposé du bénéficiaire du produit de ces amendes.

Enfin, les amendements comprenant à la fois une partie de dispositif opérante et une autre inopérante ont été « sauvés » pour permettre de discuter la partie opérante.

De façon générale, la nouvelle architecture de la première partie du projet de loi de finances a été comprise, et les amendements fiscaux qui auraient auparavant dû être déposés en seconde partie l'ont bien été en première partie. Restent toutefois quelques erreurs de lecture de la réforme organique du 28 décembre 2021.

Les demandes de rapport au Gouvernement constituent la première d'entre elles : elles doivent toujours faire l'objet d'amendements déposés en seconde partie puisqu'il s'agit de dispositions relatives à l'information du Parlement sur les finances publiques, y compris s'il s'agit de rapports portant sur des mesures fiscales. Peuvent seules être déposées en première partie, les demandes de rapport se rattachant à un article introduisant des dispositions fiscales nouvelles.

Deuxième erreur, le dépôt en première partie d'amendements relatifs à des dispositifs de péréquation horizontale entre collectivités, de répartition des concours de l'État à ces collectivités ou de répartition de recettes fiscales entre collectivités sans modification des caractéristiques d'assiette et de taux de cette fiscalité. La nouvelle rédaction de l'article 34 de la loi organique relative aux finances publiques (Lolf) confirme que de telles dispositions conservent leur place en seconde partie. Ont été notamment concernés des amendements relatifs au partage des ressources tirées de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer) entre les collectivités, au partage des fractions de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) affectées aux collectivités et aux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ou au partage des ressources entre la métropole du Grand Paris et les établissements publics territoriaux.

Les amendements ayant trait à des demandes de rapport ou à des dispositions concernant les collectivités, qui ne modifient pas la fiscalité locale ou les prélèvements sur recettes à leur profit, pourront être redéposés pour l'examen de la seconde partie. Soixante-quinze amendements irrecevables en première partie pourront ainsi trouver leur place en seconde partie, généralement sans avoir à être modifiés.

Une dernière erreur liée aux récentes réformes organiques concerne les amendements proposant d'instituer ou de prolonger des dispositifs d'exonération de cotisations et de contributions sociales. La réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) interdit que de tels dispositifs puissent désormais être institués, en dehors des lois de financement de la sécurité sociale, pour une durée supérieure à trois ans. Quelques amendements qui omettaient un tel bornage du dispositif qu'ils proposaient ont dû être déclarés irrecevables, mais il s'agit, là encore, d'une erreur aisément rectifiable d'ici à la séance publique.

Une autre catégorie d'erreurs nouvelles résulte de l'abrogation par une ordonnance du 21 décembre 2021 d'un certain nombre d'articles du code général des impôts et du code des douanes, recodifiés dans le nouveau code des impositions sur les biens et services, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 – ce qui explique que les fameux gages tabacs et alcools ont dû être modifiés pour y faire référence. Plusieurs amendements ont néanmoins porté sur les articles en question : inopérants, ils ne pouvaient être mis en discussion. Leurs auteurs pourront, s'ils le souhaitent, les rectifier en vue de la séance.

J'ai également dû déclarer irrecevables des amendements qui n'étaient pas gagés. Leurs auteurs pourront les redéposer, assortis du bon gage, en vue de la séance publique. Sont concernés soixante amendements, certains relatifs au plafonnement de la hausse des bases des impôts locaux ou à la décorrélation des taux de taxe foncière et de taxe d'habitation sur les résidences secondaires, d'autres proposant de modifier les plafonds des taxes affectées.

Ne pourront, en revanche, bénéficier d'une seconde chance les vingt-neuf « cavaliers budgétaires » qui n'avaient aucun lien avec les lois de finances. Entrent dans cette catégorie des amendements relatifs à l'utilisation des tickets restaurant qui n'ont pas d'incidence sur l'avantage fiscal qui l'accompagne, ou des amendements relatifs au tarif des péages, qui n'abondent pas les comptes publics, ainsi que quelques amendements qui auraient pu ou dû trouver leur place dans le projet de loi de programmation des finances publiques.

Enfin, quelques amendements se sont heurtés à la jurisprudence habituelle, qui n'est pas propre aux lois de finances, de l'article 40 de la Constitution, à savoir l'impossibilité d'augmenter une charge publique. Il en va ainsi des amendements qui visent à instaurer une dotation budgétaire de l'État au profit de l'Agence de la transition écologique (Ademe), ou de ceux qui tendent à supprimer la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, puisqu'ils accroîtraient les dépenses de prestations sociales. Il en va de même des amendements proposant d'étendre le bouclier tarifaire applicable aux plus petites collectivités, du fait de la compensation budgétaire en résultant, pour indemniser les fournisseurs d'électricité, ou encore des amendements qui visaient à élargir le public pouvant bénéficier du dispositif d'indemnisation de l'activité partielle, du fait du coût de celle-ci pour l'État comme pour l'Unedic. Seuls trente-deux amendements tendant à accroître une charge publique ont ainsi été déclarés irrecevables.

Sur les 240 amendements irrecevables, 166 pourraient donc être corrigés, soit en ajoutant un gage, soit en les déposant en seconde partie ou sur un autre texte, soit en visant une disposition non abrogée ou en bornant une exonération d'allégement social, de telle sorte qu'ils seraient discutés lors des discussions budgétaires de l'automne. Cela diminuerait d'autant le taux d'irrecevabilité.

S'agissant de l'organisation des travaux de notre commission, il semble possible de tenir les délais impartis, si chacun fait preuve, dès le début de la discussion, du respect des temps de présentation des amendements et s'attache à éviter les redondances lorsque des amendements identiques sont présentés. Hormis sur certains amendements qui font débat, je vous propose de limiter le temps de défense de l'amendement à une minute puis d'accepter une prise de parole pour et une contre.

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