« Notre fin sera votre faim » : voilà le cri de désespoir lancé par nos agriculteurs lors des manifestations de cet hiver. Ce cri, on ne peut l'oublier à l'heure où en France, un agriculteur se suicide tous les deux jours, où 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté et où les retraités ne touchent en moyenne que 864 euros par mois – une misère. Oui, une misère ! Pour couronner le tout, dans l'Hérault, une concurrence déloyale fait rage entre viticulteurs français et espagnols. Dernier événement en date : entre le 1er
Pour répondre à la grogne plus que légitime de nos agriculteurs, un projet de loi d'orientation agricole, tant attendu, a été présenté en Conseil des ministres hier, le 3 avril. Ce texte vise notamment à reconnaître l'agriculture, l'alimentation, la pêche et l'aquaculture comme « d'intérêt général majeur ». Il était temps !
Autre objectif du texte : simplifier les lourdeurs administratives. Une revendication qui ne date pas d'hier et qui, malheureusement, n'a pas empêché l'inflation des lois, décrets et normes depuis soixante ans – et pas seulement dans le monde agricole.
Ce projet de loi devrait également introduire une « présomption d'urgence » en matière de projets de stockage d'eau et de construction de bâtiments d'élevage : l'idée est de déterminer le plus rapidement possible si des projets comme les mégabassines ou les retenues hivernales sont autorisés ou non afin d'éviter que les agriculteurs ne s'enferrent dans des combats judiciaires sans fin.
Autre sujet crucial : la transmission des exploitations agricoles, enjeu majeur puisque la majorité des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite d'ici à 2030. Pour relever ce défi, le Gouvernement mise sur la création d'un guichet unique qui réunira cédants d'exploitation et potentiels repreneurs.
Malheureusement, le projet de loi ne semble pas répondre aux attentes du monde agricole, pas plus que cette proposition de loi, au reste, qui propose comme mesure phare d'instaurer un prix minimal d'achat – autrement dit, un prix plancher – des produits agricoles tenant compte des coûts de production.
C'est une fausse bonne idée car, comme nous l'avons bien constaté lors des crises récentes liées aux phénomènes météorologiques et aux incertitudes géopolitiques, il est impossible de prévoir les coûts de production pour assurer une juste rétribution à nos agriculteurs. Souvenez-vous : une mesure semblable avait déjà été adoptée en 2004 lorsque le Gouvernement avait signé un accord avec les producteurs de tomates pour leur assurer un prix minimum garanti de 85 centimes le kilogramme, sachant qu'auparavant, le kilogramme de tomates leur rapportait 30 centimes. Mais en trois jours, cette mesure a entraîné une concurrence déloyale entre les tomates françaises et celles provenant de l'étranger, souvent bien moins chères.
En outre, ce dispositif risquerait in fine de transformer le prix plancher en un prix plafond : ce serait un effet pervers et tout à fait contre-productif. Garantir un revenu digne à nos agriculteurs en instaurant un prix minimal est certes un vœu louable, mais ne perdons pas de vue que les prix planchers sont loin d'être revendiqués par tous. Les agriculteurs veulent tout simplement vivre de leur métier ! Voilà pourquoi ils dénoncent en particulier les contraintes liées à la transition écologique sur leurs activités, contraintes perçues à raison comme une distorsion de concurrence avec les produits des agriculteurs étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes normes. Ils réclament également une plus grande réactivité dans l'obtention des aides, surtout lorsqu'elles ont été promises par le Premier ministre !
En ce qui concerne la filière viticole, il faudrait autoriser rapidement et de manière simple un statut de négociant en vin pour les vignerons, se limiter à une déclaration de stock annuelle – en supprimant les déclarations de récolte, d'inventaire et de production – et surtout, simplifier le cadre administratif des exploitations viticoles, bref, en finir avec les doublons pour qu'une seule administration gère les surfaces exploitées avec, à tout le moins, les mêmes règles de calcul.
Vous l'avez compris : cette proposition de loi est certes pétrie de bonnes intentions mais, malheureusement, elle pourrait aggraver encore un peu plus la situation déjà dramatique de nos agriculteurs, ce que personne ne souhaite.