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Intervention de Françoise Buffet

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2024 à 15h00
Garantir un revenu digne aux agriculteurs et accompagner la transition agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Buffet :

…mais que de complexité cela entraînerait-il !

Même ainsi, rien ne garantit que ce prix minimal protégerait réellement les agriculteurs, bien au contraire. Le prix plancher que vous souhaitez créer nuirait à la compétitivité de nos agriculteurs, qui perdraient des parts de marché au profit de leurs homologues européens. On l'a constaté en 2004 : un prix minimum de 85 centimes le kilogramme de tomates avait été instauré, alors que le prix d'équilibre du marché s'établissait à 30 centimes. Résultat : de nombreux invendus se sont accumulés et les tomates françaises ont été remplacées sur les étals par des tomates en provenance de Belgique ou des Pays-Bas. Plus récemment, en 2015, alors que la filière du porc traversait une grave crise, les pouvoirs publics ont défini un prix plancher de 1,40 euro le kilogramme. Mêmes causes, mêmes effets : les porcs sont restés dans les porcheries, les ventes se sont taries et la qualité de la viande s'est dégradée. Dans un cas comme dans l'autre, le prix minimal était rémunérateur sur le papier, mais les volumes de vente se sont effondrés, car les acheteurs sont allés voir ailleurs.

Dans la mesure où l'agriculture et les industries agroalimentaires, cumulées, représentent le troisième excédent commercial français, une telle destruction de compétitivité n'aurait rien d'anecdotique : elle serait un coup dur porté à notre balance commerciale, donc à notre économie. D'ailleurs, peu de pays ont appliqué votre définition des prix planchers : seul le Canada semble y avoir cédé. Pour assurer aux producteurs un prix minimum garanti tout en évitant les effets pervers, il fixe d'ailleurs des quotas de production et contrôle strictement les importations, ce qui serait impossible au sein du marché unique européen. Il n'est d'ailleurs même pas certain que l'instauration de prix minimaux soit conforme au droit !

Enfin, chacun comprendra que le fait de fixer un prix plancher couvrant par principe l'intégralité des coûts, y compris celui du travail, reviendra à fixer en même temps un prix plafond : pour quelles raisons l'acheteur accepterait-il de payer davantage s'il sait que le prix minimal rémunère complètement le producteur ?

Nous devons écouter tous les producteurs, ceux qui sont compétitifs comme ceux qui le sont moins et rencontrent des difficultés. N'entravons pas les uns en prétendant aider les autres ! L'enjeu est de permettre aux agriculteurs d'être plus compétitifs grâce à la formation, à la constitution d'exploitations suffisamment grandes pour être rentables, ou encore à l'aide à l'investissement – autant de questions qui nous mobiliseront lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Si les lois Egalim ont permis de premières avancées pour rééquilibrer le pouvoir de marché entre producteurs, industriels et distributeurs, il nous faut les compléter et les enrichir. L'objectif n'est pas de fixer un prix, mais d'affirmer un principe : celui d'une interdiction de destruction de la valeur, rendant impossibles les ventes à perte.

Ne cédons pas à la précipitation. Les travaux actuellement menés par plusieurs de nos collègues nous éclaireront et nous permettront d'élaborer ensemble une solution plus adaptée qui permettra à tous les agriculteurs de vivre de leur métier et d'aborder sereinement les transitions écologiques qui s'imposent.

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