« Nous n'avons jamais connu une telle situation. » Voilà ce que me disent les services du département de la Marne comme les professionnels de l'aide sociale à l'enfance. Évidemment, comme ailleurs, le covid a aggravé la situation. Il a entraîné des difficultés de repérage. Si nous avons davantage d'enfants placés aujourd'hui, c'est sans doute dû aussi – et c'est positif – à un meilleur repérage par les forces de l'ordre et par la justice des violences conjugales et des conséquences de ces dernières sur les enfants.
L'accueil subit une pression inédite dans mon département. Or le métier d'assistant familial reste peu attractif, malgré les avancées de la loi de 2022 relative à la protection des enfants – des délais incompressibles sont notamment nécessaires pour créer des Mecs.
Dans la Marne, depuis un an, une vingtaine d'enfants font l'objet d'une décision de justice ordonnant leur placement. Ces décisions ne sont pas encore exécutées. Ces enfants sont ainsi contraints de rester dans leur famille, continuant potentiellement à subir de mauvais traitements. Dans mon département, 45 % des enfants font l'objet d'un suivi psychologique et psychiatrique ; c'est énorme. La défaillance de la pédopsychiatrie accroît la déshérence de l'ASE : les professionnels de l'aide sociale à l'enfance peinent à prendre en charge correctement ces enfants, lesquels peuvent par ailleurs se retourner contre les autres enfants ou contre eux-mêmes, sans être acceptés pour autant dans des IME – instituts médico-éducatifs –, ou des Itep.
Les prises en charge hospitalières des enfants handicapés ou souffrant d'un trouble psychiatrique lourd ne sont pas toujours à la hauteur. Encore une fois, les équipes de l'ASE se retrouvent à devoir gérer des crises très complexes. Les anciens enfants de l'ASE, qui s'exprimaient plus tôt lors de la table ronde, ont évoqué un manque de soins et de suivi psychologique et psychiatrique durant leur enfance.
Les acteurs réclament une plus grande coordination entre les services de l'ASE et les services de soins, notamment avec l'ARS – agence régionale de santé. Comment l'État pourrait-il soutenir davantage l'ASE en matière de soins psychiatriques afin de mieux accompagner les jeunes en souffrance ?