Intervention de Franck Claeys

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Franck Claeys :

Tout d'abord, je vous présente les excuses de François Rebsamen, qui a dû faire face à une obligation de dernière minute.

J'ai eu le temps de lire le projet de loi de finances et le projet de loi de programmation des finances publiques et j'aimerais mettre en exergue quelques points positifs que j'y ai relevés. J'ai également trouvé des réponses à certaines questions que nous nous posions. L'article 6 introduit la non-incidence de la baisse de la fiscalité sur l'énergie sur les budgets locaux. Nous pouvons nous en féliciter. L'article 7 prévoit une actualisation du tarif de la taxe d'aménagement, ce que nous attendions également. L'article 12 décrit le schéma de variable d'ajustement, qui est un bon schéma, sans entrer dans le détail. Il prévoit également une augmentation de la dotation de biodiversité. L'article 45 prévoit une hausse des dotations de péréquation (DSU, DSR et dotations d'intercommunalité). Cela n'apparaît pas encore dans le texte, mais la logique est celle d'un financement vertical, comme nous l'ont promis les ministres lors de nos derniers échanges. Ce retour à un financement vertical est très positif à nos yeux. Nous ne sommes pas en ligne avec l'avis exprimé précédemment à propos du critère sur la longueur de voirie, dans la mesure où l'unanimité du Comité des finances locales était en faveur de son remplacement. C'était fondamental à nos yeux. Nous constatons également le maintien d'une notion d'effort fiscal qui est moins mauvaise que celle qui avait été un temps envisagée. Enfin, je note la présence de deux dispositions techniques sur le FPIC, qui étaient également attendues à la suite des travaux de vos collègues sénateurs – je n'entrerai pas dans le détail de ces dispositions. Enfin, nous partageons l'analyse de Sébastien Miossec à propos du fonds vert.

Je suis venu ici investi d'une mission de la part de la présidente de France Urbaine : convaincre les députés de la commission des Finances du bien-fondé d'une suppression de l'article 5 relatif à la CVAE. Notre position est très claire, et l'un de nos arguments a déjà été exposé par Sébastien Miossec. Il est absurde selon nous de supprimer la CVAE. Nous avions bien conscience de l'existence d'un tel projet, qui avait été mentionné dans un courrier d'Emmanuel Macron daté du 26 mars. La CVAE n'est pas un impôt de production. Lire une telle idée dans la presse est insupportable à nos yeux. Si vous le souhaitez, je pourrai développer nos arguments à ce sujet. Notre deuxième objection tient au fait que les impôts économiques représentaient 41,5 % du panier des ressources des EPCI en 2009. Ce poids est passé à 25,4 % en 2020 après la division par deux des valeurs locatives des locaux industriels et la suppression de la CVAE le ferait descendre sensiblement en dessous de 20 %. Les impôts économiques locaux doivent être remplacés d'une manière ou d'une autre, comme tout un chacun peut le comprendre… Autre argument : lors des échanges avec les collectivités, les entreprises expriment des attentes légitimes en termes d'infrastructures, de formation, de mobilité, etc., mais elles ne réclament jamais la suppression de la CVAE. Cette revendication n'est portée que par quelques fédérations nationales, et si leur discours a apparemment su convaincre certains décideurs politiques, il ne correspond à aucune attente réelle des chefs d'entreprise. Enfin, nous avons le sentiment que la suppression de la CVAE, qui représente une charge de sept ou huit milliards d'euros, remettra en cause certaines politiques nationales et risque de se traduire par une croissance de l'endettement ou par un encadrement accru des dépenses des collectivités locales.

Ce point me permet d'effectuer une transition avec le projet de loi de programmation des finances publiques. Nous avons là encore noté des mesures positives.

Nous trouvons la réponse à une préoccupation exprimée il y a quelques semaines lors d'une réunion du Comité des finances locales : les collectivités locales se sont montrées capables, sur la période de deux lois de programmation, de respecter leurs délais. Sans prétendre que le passé commande le futur, l'idée selon laquelle les dépenses des collectivités locales pourraient déraper ne repose sur aucune base historique. Nous avons été entendus et l'introduction du concept de responsabilité collective me semble très positive. Si les contrats de Cahors ont laissé un souvenir aussi amer, c'est notamment en raison des conditions dans lesquelles ils ont été « négociés », ou plutôt imposés par les préfets. Les spécificités territoriales n'ont pas été prises en compte comme elles étaient censées l'être. Le dispositif proposé à l'article 23 du projet de loi de programmation présente un certain nombre d'avancées. Pour autant, sans entrer dans le détail, au moins quatre points mériteraient à nos yeux d'être amendés.

La norme d'effort demandée sur les dépenses de fonctionnement (baisse de 0,5 % en deçà de l'inflation) conduit à ce que le solde structurel soit de + 0,5. Quel est le sens d'une mesure visant à demander aux collectivités de passer de + 0,1 (peu ou prou la situation de ces dernières années) à + 0,5. Cela signifie que les collectivités sur-fiscalisent ou sous-investissent. De notre point de vue, ce solde structurel n'a pas de sens. Dans le même état d'esprit, cela conduit à faire baisser la dette de structures telles que la Société du Grand Paris de 9,4 % à 7,4 %. Les collectivités investissent. Leur dette (exprimée en points de PIB) se maintient sur le long terme. Nous n'observons aucune dérive. Pourquoi demanderait-on aux collectivités de se désendetter parce que l'État n'en est pas capable ? Nous ne sommes pas opposés au principe mais nous aimerions qu'une réflexion soit menée sur le curseur, et que les chiffres mentionnés dans le projet de loi de programmation et ses annexes soient réétudiés.

Il est étrange que la première année de mise en œuvre soit 2023. L'arrêté, qui se basera sur une loi votée en décembre ou en janvier, imposera une contrainte de facto sur les budgets 2023 des collectivités locales alors que ces budgets auront déjà été votés dans la majorité des cas. Les collectivités locales vont donc être dans l'obligation de modifier leurs budgets pour tenir compte d'un texte dont elles n'avaient pas connaissance au moment d'approuver leur budget initial. Nous plaidons donc pour que la première année de mise en œuvre soit 2024 et non pas 2023.

Si les ministres ont déclaré à plusieurs reprises que nous ne connaîtrions pas une deuxième génération des contrats de Cahors, mais un dispositif alternatif – et d'ailleurs la Cour des comptes a fort bien illustré les effets de bord constatés à propos des contrats de Cahors – un point mérite notre attention : la désincitation à la mutualisation des services au sein du bloc communal qui est analysée page 160 du rapport de la Cour des comptes de juin 2020 sur les finances publiques locales. Le risque d'une reprise – c'est-à-dire d'une amende – pèse sur les plus grosses collectivités. Ce sont, soit dit au passage, celles qui n'ont pas retrouvé leur niveau d'épargne brute et qui ont été en première ligne pendant la crise financière. La nature des pactes financiers et fiscaux évolue entre les collectivités susceptibles de faire l'objet d'une reprise et celles qui en sont dispensées. J'exprime sans doute l'idée moins bien que la Cour des comptes mais ce sujet a été documenté.

À propos des modulations prévues à l'article 23, la communauté d'agglomération de Cergy, dont la démographie est particulièrement dynamique, a pu obtenir une capacité de dépenses supplémentaires à hauteur de deux cents mille euros dans le cadre des contrats de Cahors. Or la simple ouverture de classes dans les écoles primaires a pesé pour huit cents mille euros dans son budget. Nous considérons donc que ces curseurs doivent être portés à 0,5 au lieu de 0,15, comme le préconisait d'ailleurs le rapport Richard-Bur de 2018 sur la refonte de la fiscalité locale.

J'ai longuement insisté sur le projet de loi de programmation car ces points me semblaient importants. J'aimerais pour terminer évoquer la crise de l'énergie. Nous espérons d'ailleurs qu'elle ne s'étendra pas au-delà de 2023 grâce aux actions entreprises par l'État à l'échelon européen. Nous ne nous attendons pas à ce que les prix de l'énergie retrouvent les niveaux de 2018 ou 2019, mais ils pourraient retrouver un niveau acceptable. L'État nous demande en substance de patienter et de ne pas signer les contrats. Ce n'est pas très réaliste, et, en tout cas, j'espère qu'il nous aidera à renégocier des contrats signés sous la pression. Les budgets 2023 sont élaborés en ce moment. Nous devrions introduire des avances remboursables. Une nouvelle fois, il ne s'agirait pas que l'État se substitue aux obligations des collectivités mais qu'il les aide à passer le cap. Nous raisonnerions dans la même logique que durant la crise sanitaire pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Des discussions sont en cours avec Matignon. Cela ne fera pas l'objet d'un amendement mais cela nous semble essentiel.

Enfin, nous nous félicitons qu'au sein du projet de loi de finances, la disposition relative aux revalorisations forfaitaires annuelles n'ait pas été remise en cause. Nous avions demandé que la DGF soit indexée et le ministre Gabriel Attal nous avait répondu que cela représentait un coût important, mais que nous n'avions pas à nous inquiéter car l'année 2023 serait excellente grâce à la revalorisation, qui devrait être de l'ordre de 6 à 7 %. Sans préjuger du vote, pour en avoir discuté avec des parlementaires de la majorité présidentielle, ce chiffre devrait être finalement divisé par deux, et si telle était la décision, il me semble indispensable de traiter cela sous la forme d'un dégrèvement. Il ne serait pas acceptable de porter aux collectivités un message selon lequel elles n'auraient pas besoin d'indexation de la DGF car elles bénéficieraient de revalorisations conséquentes, pour ensuite diminuer ces revalorisations sans leur accorder de mesure d'indexation. Je pense donc que la question devrait être traitée en dégrèvement, c'est-à-dire en responsabilité, et non pas en imposant une non-recette aux collectivités en décalage avec les engagements du gouvernement.

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