Intervention de Sébastien Miossec

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Sébastien Miossec :

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dans la mesure où il arrive souvent que nos remarques se rejoignent dans le cadre d'auditions conjointes, j'essaierai de ne pas être redondant par rapport à l'intervention précédente, dont je partage globalement le diagnostic sur le contexte très difficile pour les finances locales en 2022 et 2023. Je m'efforcerai donc d'insister sur quelques nuances par rapport à son discours. Nous devons nous demander comment faire en sorte que les collectivités locales puissent avoir les moyens de mettre en œuvre leurs propres ambitions pour leur territoire ainsi que les ambitions qui leur sont déléguées par l'État. Je pense notamment aux enjeux de transition écologique et énergétique qui se trouvent en toile de fond de la préparation des budgets locaux et nationaux.

Cela m'amène à une question sur laquelle nous revenons tous les ans, et qui nous apparaît de plus en plus prégnante : à un moment ou un autre, il faudra reconsidérer fortement le panier de ressources des communes et des intercommunalités – ainsi que des régions et des départements, mais notre débat du jour est centré sur le bloc communal. J'attire votre attention sur un travail commandé par la commission des finances du Sénat, qui devrait être restitué début octobre, et qui semble dessiner un certain nombre de perspectives intéressantes qui mériteraient un échange entre les deux chambres et les associations d'élus. La question de la péréquation est de plus en plus centrale, dans l'idée d'instaurer une plus grande justice entre les territoires.

J'évoquerai sensiblement les mêmes thèmes que Pierre Breteau. À l'instar des autres associations d'élus, Intercommunalités de France est plus que réservée à propos de la suppression de la CVAE, qui constitue une ressource importante pour les intercommunalités (un quart de nos ressources fiscales). L'argumentaire pour justifier cette suppression nous semble erroné. La CVAE est assise sur la valeur ajoutée créée par les entreprises et ce n'est donc pas un impôt de production que l'on paierait avant même d'avoir généré le moindre euro de chiffre d'affaires. Nous réitérons donc notre opposition de principe à la suppression de la CVAE. Cela étant, si le Gouvernement et le Parlement entérinent cette suppression, il nous semble important de tenir compte d'un certain nombre d'enjeux lorsqu'il s'agira de déterminer le mécanisme de compensation.

Nous plaidons également pour une ressource fiscale dynamique et en ce sens, la TVA serait une référence plutôt bonne. En revanche, je partage la préoccupation de Pierre Breteau à propos des années de référence. En l'état actuel du projet de loi de finances, les collectivités locales percevraient la CVAE en 2023 à hauteur de 50 % du montant habituel. Ce sera une très bonne année, qui compensera largement les baisses de 2021 et 2022 observées à l'échelon national. Or le projet de loi de finances mentionne une période de référence comprenant les années 2020, 2021 et 2022. Nous pensons que cette période de référence pourrait au moins intégrer l'année 2023, et éventuellement avec un coefficient de pondération supérieur par rapport aux « mauvaises années » que sont 2021 et 2022. Nous voudrions parvenir à un résultat où la période de référence serait favorable aux territoires, dans l'hypothèse d'une reprise économique en 2023. J'insiste sur le fait que si la CVAE est supprimée en deux étapes, les entreprises contribueront bien à la CVAE en 2023, générant des recettes en 2024. Nous avons la capacité de connaître ces montants.

Le deuxième enjeu lié à la suppression de la CVAE est celui de la territorialisation. Ce sujet est très important pour les intercommunalités. L'une des fortes critiques est liée au fait que nous craignons que la suppression de la CVAE ne désincite les entreprises à contribuer au développement économique des territoires. La création d'un fonds de soutien à l'attractivité économique – l'option envisagée aujourd'hui – ne nous semble pas pertinente. Nous souhaitons que la disparition de la CVAE soit compensée par des ressources fiscales (une fraction de TVA par exemple). Nous pensons que la dynamique de reversement de ces ressources fiscales aux collectivités doit se traduire par une adaptation à la dynamique territoriale mais certainement pas par un fonds indépendant de la compensation fiscale. Nous avons un peu de temps pour préparer cette réforme, étant donné que la suppression de la CVAE ne serait effective qu'en 2024. D'ici l'été 2023, nous pourrions, en concertation – j'insiste sur ce mot –, définir les indicateurs de territorialisation.

Je considère, tout comme Pierre Breteau, que les bases de CFE portent en elles beaucoup d'incohérences. La question des effectifs et les modalités techniques de déclaration de la CVAE peuvent être sujettes à débat mais la dynamique de développement de l'emploi sur les territoires doit pouvoir être compensée, et nous devons pouvoir travailler sur d'autres indicateurs.

Sur la question de la DGF, je partage l'essentiel de l'intervention de Pierre Breteau. Pour ce qui concerne la crise énergétique, l'impératif premier est de revenir à des prix de marché, sinon « normaux », tout du moins que les prix exorbitants ne soient plus appliqués. Le Parlement pourrait donner aux collectivités la possibilité de casser des contrats qu'elles auraient été contraintes de signer dans des conditions anormales de marché. Quant aux collectivités qui recherchent une solution pour éviter ces hausses tarifaires, la possibilité pourrait leur être offerte de renégocier leurs contrats dans quelques mois. L'objectif qui a été assigné aux collectivités locales pour les années à venir correspond à une baisse de 0,5 % de leurs dépenses par rapport au niveau de l'inflation. Cela représente un effort sans précédent d'encadrement de la dépense publique locale. Nos collectivités n'ont jamais opéré un tel effort sur cinq années, même hors inflation. Le projet de loi de finances fait d'ailleurs référence à un objectif qui pourrait être différent pour les régions, les départements et le bloc communal. Le bloc communal souhaiterait donc savoir à quelle sauce il sera mangé. Sera-t-il astreint au même objectif de réduction de ses dépenses de 0,5 % par an ou à un effort encore plus substantiel ? Nous aurions besoin de le savoir rapidement, d'autant plus dans un contexte où les hausses de prix de d'énergie ne portent pas sur 6 ou 7 % puisque la facture est parfois multipliée par trois, cinq, voire dix, d'une année sur l'autre. Nous sommes néanmoins davantage satisfaits par la méthode qui est proposée cette fois-ci, par rapport au contrat de Cahors. Nous aurions plutôt préféré raisonner en fonction du solde, c'est-à-dire en termes de capacité d'autofinancement, et non pas simplement en fonction de la variation de nos dépenses. Je fais en effet le lien avec les recettes, qui pourraient être très dynamiques l'année prochaine. La TVA devrait être assez dynamique fin 2022, ce qui devrait permettre de compenser une partie de l'accroissement des dépenses. Si nous avons des recettes supplémentaires, nous devons avoir la capacité d'engager des dépenses.

Je fais le lien avec la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Ce propos s'applique d'ailleurs à l'ensemble des valeurs foncières. La révision des valeurs locatives en 2023 en fonction de l'inflation de novembre 2022 devrait faire augmenter les valeurs locatives de 6 ou 7 %. Pour Intercommunalités de France, il est important que cette augmentation ne soit pas remise en cause car le pouvoir d'achat des collectivités se retrouverait mis à mal si les valeurs locatives n'augmentaient pas dans ces proportions. Un débat semble en cours au Parlement à ce sujet et je vous invite à la sagesse afin de nous laisser les moyens de prendre en charge nos dépenses, compte tenu des contraintes auxquelles nous ferons face l'année prochaine.

J'aimerais enfin évoquer le fonds vert, dont il est question dans le projet de loi de finances. Nous avons cru comprendre qu'il serait doté de 1,5 milliard d'euros en 2023. J'aimerais être rassuré sur ce point, et qu'il s'agit bien du montant prévu pour 2023 et pas pour l'ensemble du quinquennat. Nous encourageons les parlementaires à exhorter l'État à prendre des engagements pluriannuels pour soutenir le financement de projets locaux. Nous avons besoin de visibilité au-delà d'un an. Le CRTE (contrat de relance et de transition écologique) pourrait être un bon vecteur. Nous avons besoin que l'État soit capable de nous dire à quelle hauteur il sera capable de nous aider en 2023, en 2024, en 2025 ou en 2026. Nous sommes capables de le faire entre les départements et le bloc communal, l'État en est certainement aussi capable. Cette réponse ne coûterait rien mais jetterait les bases d'un réel dialogue de confiance entre l'État et les collectivités locales.

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