J'aimerais commencer mon intervention en évoquant le contexte totalement inédit dans lequel nous nous trouvons, le « nous » incluant l'État, les collectivités territoriales, les entreprises, les ménages, etc. Nous ne faisons plus face à une crise sanitaire mais à une crise énergétique, qui pèse très notoirement sur les comptes des collectivités territoriales. Nous examinons le projet de loi de finances dans ce contexte. J'aimerais m'attarder sur quatre points.
Le premier, probablement le plus significatif, est lié à l'annonce de suppression de la CVAE de la part du Gouvernement. Je rappelle que l'AMF n'a pas affiché un enthousiasme débordant à cette annonce, qui pour autant ne constituait pas une réelle surprise. Ce manque d'enthousiasme s'explique tout d'abord par notre conviction qu'il doit y avoir un lien fort entre le développement économique de nos territoires et les recettes que reçoivent ces derniers. Ce point liminaire étant dit, la suppression de la CVAE pose un certain nombre de difficultés. La question centrale est bien évidemment celle de la forme de la compensation proposée. Nous avons pris note du fait que la proposition émise, à savoir remplacer cette ressource par une fraction de la TVA, correspond à la « moins mauvaise » des options, eu égard notamment aux questions de dynamique, sous réserve de satisfaire trois conditions. La première condition est que cette fraction de TVA puisse être, d'une manière ou d'une autre, territorialisée : l'idée est d'établir un lien fort entre les recettes fiscales et le développement économique d'un territoire donné. La deuxième condition est que cette territorialisation ne souffre pas d'effets de bord trop substantiels. Je pense en particulier aux pistes évoquées à propos de la CFE. J'ai consulté les fichiers fiscaux de mon département et j'ai constaté des glissements importants de ressources fiscales. La troisième condition est que la période de référence soit convenablement choisie. À cet égard, il me semble que prendre en compte une année marquée par le Covid, durant laquelle la CVAE a été pénalisée, n'est guère pertinent. Dans le cadre des rencontres préalables auxquelles nous avons pu participer avec le Gouvernement, nous avons constaté un esprit ouvert et constructif, mais nous estimons n'avoir pas encore été entendus sur ce point. Dans la mesure où le Gouvernement a l'intention de supprimer de la CVAE en deux ans, nous avons proposé l'application de mesures techniques de dégrèvement, ce qui nous permettrait de poursuivre l'alimentation des bases et donc de faire en sorte que le mécanisme de compensation corresponde à ces bases. Cela permettrait alors, si la mesure devait être adoptée, de pouvoir sortir de cette période de référence et surtout de disposer de bases de compensation fiables. Cela nous laisserait aussi le temps de mettre au point un mécanisme de répartition de la fraction de TVA destinée à compenser la disparition de la CVAE – si telle était l'option retenue
Le deuxième point important de mon intervention est lié à la DGF. Nous avons bien noté que la prise en charge de la hausse de la DSU (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale), de la DSR (dotation de solidarité rurale) et de la dotation d'intercommunalité, pour environ deux cents millions d'euros, serait assurée par un prélèvement sur les recettes de l'État, ce qui constitue un effort par rapport à ce qui a pu être réalisé par le passé. Pour autant, si l'on considère le panier de recettes du bloc communal et des communes en particulier – et mon propos s'applique d'autant plus que les communes sont petites –cette dotation continue d'être une ressource essentielle à l'équilibre des budgets des communes, au-delà d'être une simple ressource de péréquation. Nous avons bien conscience du contexte actuel mais nous considérons que la progression de la fiscalité ne peut pas porter que sur les valeurs locatives. Pour certaines collectivités, ce sera très inéquitable et cela provoquera des difficultés réelles. Nous pensons par ailleurs que le système de répartition de la DGF se trouve à bout de souffle après les réformes fiscales successives et que nous devons trouver les moyens d'en faire évoluer le mode de répartition. Nous savons bien que lorsque l'on réforme un système aussi complexe que celui de la dotation forfaitaire, si elle est figée, on se condamne en réalité à ne jamais la réformer, ce qui aboutit à un accroissement des inégalités auxquelles elle conduit.
Nous voyons deux motivations au fait de redonner une nouvelle dynamique à cette enveloppe. Tout d'abord, cela permettrait d'équilibrer l'effort au niveau du panier de recettes, et ensuite, cela ne ferme pas la porte à une évolution de la base de répartition de ces dotations, qui doit à l'évidence comprendre une partie forfaitaire et une partie de péréquation – sans doute la plus importante.
Le troisième point de mon intervention est lié à l'encadrement des dépenses de fonctionnement. Nous nous réjouissons que nous n'ayons plus un dispositif aussi « mécanique » et inadaptée que ne l'était celui des contrats de Cahors. Pour autant, l'encadrement des dépenses de fonctionnement proposé aux collectivités territoriales présente finalement un seuil assez bas. Plus de cinq cents collectivités seront concernées – cinq cents selon les notes de présentation mais vraisemblablement près de six cents en réalité. Nous avons bien compris que le dispositif s'appliquerait par catégorie de collectivités et qu'il s'agissait de mesures avant tout collectives, mais, en fin de compte, des sanctions réelles et individuelles sont bel et bien prévues. Nous pouvons comprendre qu'il faille faire passer des messages, mais pas qu'alors même que les collectivités territoriales ne contribuent pas au déficit public, un garde-fou apparaîtrait nécessaire comme si elles se mettaient à diverger soudainement par rapport à la trajectoire que la France a présentée à l'Europe, alors qu'elles ne l'ont pas fait ces dernières années. Cela ne constituerait donc pas vraiment un pacte de confiance mais plutôt un a priori de défiance.
Le dernier point de mon intervention est lié à la crise énergétique et à son incidence sur nos collectivités. Tous les acteurs sont bien entendu confrontés à ces tensions. Notre position sur la crise énergétique dépendra des réponses apportées en vue d'assurer la progression des recettes locales. Si notre panier de recettes ne progresse pas, nous adopterons bien évidemment une position plus dure sur le volet énergétique et inversement, si nous disposons de leviers au niveau du panier de recettes, nous pourrons envisager des positions plus modérées. Il n'en demeure pas moins que des solutions doivent être trouvées. J'ai le témoignage de collectivités de premier plan qui montrent que les équilibres budgétaires de fonctionnement se retrouvent menacés. En d'autres termes, du fait de la progression des prix de l'énergie, certaines collectivités sont susceptibles de se retrouver avec un budget en déséquilibre, ce qui constituerait une première pour la plupart d'entre elles.