Je tiens d'abord à vous remercier, chers collègues, pour vos propositions d'amendements nombreuses et sérieuses. Celles-ci démontrent notre volonté commune et notre impatience de pouvoir débattre de la programmation énergétique, afin de définir de façon démocratique notre feuille de route pour sortir des énergies fossiles et répondre à la crise climatique, tout en garantissant un approvisionnement en énergie suffisant pour tous nos compatriotes.
Nous sommes impatients car le projet de loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat (LPEC) se fait toujours attendre, alors qu'il aurait dû être débattu et adopté par le Parlement avant l'été 2023. L'examen a été plusieurs fois annoncé puis reporté, avant que la programmation ne fasse l'objet d'un volet particulier de l'avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, finalement retiré de cet avant-projet en janvier 2024.
Les récentes annonces du Premier ministre concernant le lancement d'un grand débat public sur la stratégie française pour l'énergie et le climat repoussent encore de plusieurs mois toute perspective d'examen d'une loi de programmation.
Certes, la consultation est toujours légitime sur des sujets aux conséquences si nombreuses, mais ces temps d'échange ont déjà eu lieu au cours des deux dernières années. Fin 2021, une première concertation publique volontaire a été lancée sur la stratégie française sur l'énergie et le climat. Puis, une nouvelle consultation a été menée fin 2022, sous la tutelle de la Commission nationale du débat public (CNDP). À cette occasion, plus de 31 000 contributions ont été recueillies. Un « tour de France des régions » et un forum des jeunesses ont également été organisés.
Plus récemment, sept groupes de travail représentant la société civile, les collectivités territoriales et les parlementaires – auxquels nous sommes plusieurs à avoir participé – ont travaillé en bonne intelligence, pendant plus de six mois, pour trouver un consensus et faire émerger des propositions concrètes, qui ont été soumises à la consultation le 22 novembre dernier.
À présent, le débat doit avoir lieu lors de l'examen d'une loi, pour permettre le plein exercice démocratique, déterminer de nouveaux objectifs mais aussi la programmation des moyens d'action. Si notre pays ne peut se passer encore longtemps de cette loi de programmation énergétique d'un point de vue légal, il s'agit aussi d'un impératif en matière de climat, d'économie et de souveraineté.
Nous avons pris du retard pour atteindre les cibles actuelles, qu'il s'agisse du rythme annuel de baisse des émissions de gaz à effet de serre ou du développement des énergies renouvelables. Mais surtout, nos objectifs définis à l'article L. 100-4 du code de l'énergie sont devenus obsolètes compte tenu de l'indispensable relèvement de l'ambition climatique. Ainsi, certains objectifs-cibles ont été fixés il y a dix ans, alors que la dégradation climatique s'accélère et que l'Union européenne (UE) a fermement renforcé ses exigences.
Plus largement, une tendance au recul des ambitions écologiques semble se développer au niveau international, alors que les scientifiques du monde entier continuent d'alerter sur l'urgence et exhortent nos pays développés à passer à la vitesse supérieure.
Ce n'est pas le moment de faire une pause en matière d'engagement, et plus nous tarderons à relever les ambitions de nos objectifs intermédiaires, plus les efforts à fournir pour atteindre la neutralité carbone en 2050 seront importants et difficiles. Non seulement l'absence de loi nous fait perdre un temps précieux à cet égard, mais elle a d'ores et déjà des répercussions concrètes sur la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique dans notre pays.
En effet, faute de cap clair validé de façon démocratique, les investisseurs et porteurs de projet ne peuvent identifier les axes qui seront privilégiés par l'État à moyen et long termes et les industriels, comme les autres professionnels, sont confrontés au manque de lisibilité des perspectives de développement des filières dans les secteurs des énergies renouvelables, de la rénovation énergétique, du renforcement et de l'adaptation des réseaux et de la maîtrise des consommations énergétiques. Les collectivités locales ne sont pas non plus en mesure d'évaluer l'ampleur des efforts à fournir.
Cette absence de loi quinquennale bride donc tous les acteurs. Ils dépendent du cap que nous devons nous fixer et attendent de se mobiliser massivement afin de relever les défis de demain.
Cette situation ne peut perdurer et je sais qu'une grande majorité d'entre nous partage l'idée qu'il est nécessaire de pouvoir rapidement débattre et légiférer sur une loi de programmation. J'ai donc décidé d'employer notre droit d'initiative parlementaire et de vous présenter cette proposition de loi.
Avec ce texte, je propose de traduire nos engagements internationaux et européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, et de renforcer nos objectifs énergétiques pour répondre aux nouvelles ambitions de baisse des émissions.
Ainsi, l'article 1er prévoit de réviser sans plus attendre l'objectif actuel de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, en lui substituant l'objectif du paquet européen Fit for 55, qui vise une baisse de 55 % des émissions nettes.
Ce même article prévoit également d'accélérer le rythme de baisse de la consommation d'énergie et d'accélérer la sortie des énergies fossiles, en proposant de baisser de 30 % notre consommation et de diviser par deux notre utilisation des énergies fossiles.
De plus, en cohérence avec la directive européenne RED III, l'article prévoit de rehausser nos objectifs en matière de développement des énergies renouvelables, pour rattraper notre retard considérable en la matière et accélérer la fin de notre dépendance aux énergies fossiles.
Enfin, l'article définit une trajectoire annuelle de rénovation énergétique des logements, pour donner un cap ambitieux aux filières professionnelles et faire en sorte que l'État s'engage de façon crédible et sur le temps long, mais aussi pour en finir avec le stop and go qui ralentit ce chantier crucial pour la transition énergétique.
L'article 2 propose une interdiction totale de la production d'électricité à partir du charbon sur notre sol à l'horizon 2027, conformément à la promesse formulée par le Président de la République le 25 septembre 2023, qui doit désormais se traduire en actes, de manière pérenne.
En 2020, la production d'électricité utilisant le charbon représentait moins de 1,2 % de la consommation nationale, mais générait environ 30 % des émissions du secteur électrique. Il serait donc particulièrement irresponsable de repousser l'échéance de la fermeture de ces centrales et de continuer à brûler la plus désastreuse des énergies fossiles.
Enfin, l'article 3 propose d'accélérer la fin des titres d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures, pour cesser au plus vite les forages pétrogaziers sur notre territoire.
Je suis consciente qu'il est peu commun de présenter un tel texte à l'occasion d'une niche parlementaire. Néanmoins, avec l'ensemble des députés du groupe Écologiste, nous considérons qu'il est de notre responsabilité de parlementaires d'engager ce débat structurant sur l'énergie, qui constitue la pierre angulaire de la bataille climatique. Nous souhaitons montrer que sur un enjeu aussi fondamental, une majorité peut et doit être trouvée à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement considère que ce débat représente sûrement une impasse. Mais il est sain que les divergences puissent s'exprimer et la perspective d'une absence de consensus ne devrait pas empêcher de présenter un projet de loi.
Notre objectif absolu reste le même : cesser de recourir aux énergies fossiles. Et je présente cette proposition de loi parce que j'identifie un chemin de consensus pour les dix prochaines années : celui de l'amélioration de la performance énergétique, de la sobriété et de la massification des énergies renouvelables. Le constat de la nécessité d'agir est partagé par l'ensemble des scénarios de prospective en matière d'énergie et se retrouve dans les conclusions des groupes de travail remises à la ministre Agnès Pannier-Runacher l'été dernier.
Avec ou sans nouveau nucléaire, seul le développement rapide et substantiel des énergies renouvelables pourra répondre au problème qui sera posé d'ici à 2035 par l'écart entre nos besoins en électricité, voués à augmenter en raison de nos efforts pour nous libérer des énergies fossiles, et les disponibilités nationales de production.
Sur la base de ces éléments, mettons-nous d'accord sur un texte de programmation énergétique transpartisan, en débattant des simples objectifs que je vous propose.
J'aurais pu vous soumettre une proposition de loi plus ambitieuse, plus volontaire, en cohérence avec mes engagements politiques. Mais je souhaite que nous avancions collectivement et j'ai donc décidé de vous proposer des objectifs qui sont basés sur les recommandations et les travaux du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), de Réseau de transport d'électricité (RTE) et des groupes de travail réunis autour du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat, et qui correspondent aux engagements européens que nous avons votés. Mon engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, l'un des défis majeurs de notre siècle, répond à une promesse que j'ai faites à mes enfants.
J'espère que nous ferons preuve d'ouverture et de responsabilité pour aboutir à un texte commun, qui pourrait nous donner les moyens de lutter concrètement contre le réchauffement climatique et de faire face au mur énergétique qui nous attend dès 2030.