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Intervention de Stéphane Perrin

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Stéphane Perrin :

Tout d'abord, la cyclicité se gérera nécessairement par le dispositif de mise en réserve que nous appelons de nos vœux et dont je redis qu'il peut être un élément de contractualisation. Nous devons absolument mettre en place ce mécanisme.

Durant la période de crise liée à l'épidémie de Covid-19, nous avons fait ce que la comptabilité publique nous permettait de faire, parfois en provisionnant des risques de dépenses supplémentaires. Toutefois, nous n'avons pas comptablement la possibilité de le faire sur les recettes.

Le mécanisme mis en place doit être à la main de la collectivité et peut évidemment être un élément de contractualisation pour responsabiliser chacune des régions. La présidente Carole Delga appelle un tel mécanisme de ses vœux. Le précédent des mises en réserve des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) par les départements fait que le dispositif doit pouvoir être étendu à la TVA sans que ce soit un travail législatif difficile à envisager.

Concernant l'atterrissage et la capacité de désendettement, réaliser des exercices de prévisions est un peu compliqués. Nous le faisons dans nos documentations d'orientation budgétaires puisque nous sommes tenus d'effectuer de la projection.

Le précédent de la période de crise liée à l'épidémie de Covid-19 montre que nous avons absorbé le trou d'air : après une forte dégradation de la capacité de désendettement en 2020, nous avons retrouvé les trajectoires financières que nous nous étions fixées à partir de 2021.

Nous pouvons absorber des chocs mais si ces derniers se répètent, nous n'y arriverons plus, même avec un mécanisme de mise en réserve. Les régions étant des collectivités locales comme les autres, elles devront in fine réduire l'investissement.

Les marges de manœuvre sont limitées du côté des dépenses de fonctionnement. Il faudrait neutraliser les effets des transferts de compétences. Néanmoins, dans ma collectivité par exemple, nous avons absorbé les baisses de DGF en réduisant la dépense de fonctionnement de 0,75 % chaque année.

La notion de dépense de fonctionnement me paraît impropre car elle ne renvoie pas à une réalité. Derrière les dépenses de fonctionnement ne se cachent pas les bons plaisirs de la collectivité mais des politiques publiques. Il s'agit de dépenses de formation professionnelle ou encore de fonctionnement des lycées.

Il ne faudrait donc pas qu'une norme de réduction de la dépense de fonctionnement se traduise par une réduction de la production de services publics, notamment sur des sujets sur lesquels nous sommes appelés à intervenir plutôt de manière plus importante, tels que la formation professionnelle, lorsque nous sommes sollicités au titre des PRIC, ou la politique de mobilité, puisque nous sommes tous appelés à développer les transports collectifs.

Ce point sera déterminant s'agissant de la contribution des régions au redressement des finances publiques. Nous nous sommes livrés une première fois à cet exercice à la fin du quinquennat de François Hollande. Cet exercice a été suivi d'une période de modération de l'augmentation des dépenses, bien que la crise liée à l'épidémie de Covid-19 ait remis en cause les mécanismes à l'œuvre.

L'inflation est réapparue alors que nous l'avions quasiment vu disparaître, avec des taux d'intérêt parfois négatifs ; il faudra nécessairement reconstruire sur des bases complètement différentes.

La question de la territorialisation renvoie à un débat beaucoup plus général.

La non-territorialisation de l'impôt ne nous a pas empêchés de conduire les politiques publiques que nous souhaitions conduire. D'ailleurs, dans un état fédéral comme l'Allemagne, les Länder sont attributaires d'une part d'impôt national et il n'y a pas d'autonomie fiscale. Nous ne pouvons même pas faire de lien direct et évident entre une organisation de l'État et un modèle de répartition des recettes.

Je ne voudrais pas que, si nous déconnections complètement le citoyen des élus locaux que nous sommes, y compris en supprimant le lien fiscal, cela aboutisse à une déresponsabilisation collective. Finalement, en dernier ressort, l'État est garant de toutes les dépenses. Si nous globalisons tout, il ne faudrait pas déresponsabiliser non plus l'impôt et le vote de l'impôt, qui constituent une forme de responsabilité que prennent les élus face à leurs citoyens, auxquels ils rendent compte.

Par ailleurs, les régions ont aujourd'hui fixé une large part du volume de leur dette. Dans nos comptes, la part de la dette à taux fixe est assez importante. Dans ma collectivité, 70 % du volume de la dette actuelle est à taux fixe.

En raison de la remontée des taux et de l'inflation (y compris sur l'investissement), la variable d'ajustement sera le volume des plans d'investissement des collectivités. Si la charge de la dette augmente — de surcroît sur la section de fonctionnement — et que le coût de l'investissement est inflationniste, nous n'arriverons plus à maintenir le volume d'investissement que nous avions projeté. Ce n'est pas tellement le sujet d'un surendettement des régions qui doit nous inquiéter mais plutôt une révision à la baisse des volumes d'investissement que nous serions conduits à réaliser.

Concernant les efforts effectués par les collectivités dans l'accompagnement de leurs concitoyens et des communes, deux sujets concernent directement les familles.

Premièrement, s'agissant de la restauration scolaire, nous absorbons pour le moment la hausse du coût des denrées alimentaires, que nous ne répercutons pas sur le tarif final payé par l'usager, ce que nous continuerons tant que nous le pourrons. Comme cela passe par le truchement des budgets des lycées, cette absorption nécessite d'instaurer une solidarité financière vis-à-vis des établissements scolaires. Nous ne pourrons pas durablement le faire.

Tout comme les communes, nous connaîtrons dans les semaines à venir un surcoût substantiel de notre investissement. Ce surcoût avait déjà commencé avant la guerre en Ukraine en raison de pénuries de matériaux. À un moment donné, nous n'aurons pas la capacité de faire l'effort d'accompagner les communes car nous sommes également une collectivité territoriale.

Concernant la structure des recettes, plus de la moitié des recettes de la région sont exposées aux cycles économiques. En 2021, 51,6 % des recettes provenaient de la TVA, 16 % des recettes étaient liées à la TICPE et 8 % étaient issus des certificats d'immatriculation.

Le solde concerne d'autres dotations, parmi lesquelles la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui fait l'objet de ponctions chaque année, à notre grand regret. Cette dotation très ancienne, ayant été évoquée en commission des finances, a été créée pour compenser les effets négatifs de la suppression de la taxe professionnelle. Or la DCRTP est ponctionnée sur les collectivités ayant eu à subir le plus d'effets négatifs de cette suppression. Nous sommes quasiment dans de l'anti-péréquation. L'existence de très vieilles dotations dont plus personne ne sait ce qu'elles compensent constitue l'un des problèmes des finances locales.

Un toilettage devra éventuellement être effectué car nous perdons en lisibilité. Il nous parait assez discutable que ces prélèvements visent à financer la péréquation à un autre niveau de collectivité, d'autant plus que, dans la loi de finances pour 2022, seules les régions avaient été concernées, ce que nous n'avions pas très bien compris.

La capacité de désendettement moyenne des régions est de 5,7 années en 2021. Concernant les régions métropolitaines, la capacité de désendettement se situe dans une fourchette comprise entre 3,7 années et 9,14 années, avec une concentration assez importante autour de la moyenne. Ces chiffres ne concernent pas nos collègues ultramarins, qui ont d'autres systèmes de recettes pour lesquels nous avons construit, entre régions, un système de péréquation afin d'être solidaires.

Lorsque la capacité de désendettement des régions se situe au-dessus de la moyenne, c'est lié à des historiques, parfois très anciens, de trajectoires d'endettement plutôt qu'à une situation conjoncturelle.

Le seul message que je voudrais vous faire passer est que nous avons besoin de visibilité. Tout doit pouvoir être discuté ensuite, y compris notre propre contribution au redressement des finances publiques. Sans visibilité, nous risquons une perte de confiance entre les régions et l'État, ce qui n'est pas ce qui est recherché de part et d'autre aujourd'hui.

Concernant la suppression de la CVAE, la situation aurait pu être pire si nous étions toujours attributaires d'une part de CVAE. Il faut distinguer la question de l'impact budgétaire pour nos collectivités et des questions de politique fiscale générale. Nos recettes sont plutôt assises sur la taxation de la consommation puisque la TVA n'est pas forcément l'impôt le plus progressif et solidaire. Si nous réduisons les assiettes possibles de taxation, en supprimant les impôts de production par exemple, nous ferons peser l'essentiel de la pression fiscale sur une fiscalité assise sur la consommation. Le jour où nous serons en difficulté ou lorsqu'il faudra effectuer un effort supplémentaire, imposerons-nous un peu plus les ménages au titre de leur consommation ? Hormis ce que j'ai dit sur l'exposition au risque de conjoncture, le résultat de la suppression de la CVAE est plutôt positif.

Les recettes de TICPE sont aujourd'hui plutôt stagnantes ou en légère croissance. Je présente une décision budgétaire modificative dans ma région, par laquelle nous réinscrivons 50 millions d'euros supplémentaires de recettes de TVA mais nous retranchons 20 millions d'euros sur les certificats d'immatriculation. En outre, nous avons 4 millions d'euros de TICPE. La fin du moteur thermique en 2035, annoncée par la Commission européenne, conduira à la disparition de cette recette.

La question du type d'imposition concerne des sujets éminemment politiques, qui dépassent le rôle des élus régionaux. En tout cas, si le seul levier de financement de la dépense publique locale ou nationale est l'impôt sur la consommation et la TVA, nous arriverons rapidement aux limites de l'exercice.

S'agissant du bilan du contrat de Cahors, nous avons fait la démonstration, par la variété de la position des régions, de l'inutilité du dispositif. En effet, certaines régions ont signé tandis que d'autres n'ont pas signé, ce qui n'était d'ailleurs pas toujours lié à la coloration politique des présidents des régions. Toutes les régions ont respecté la norme de progression de dépenses, qu'elles aient été signataires ou non du contrat de Cahors. La raison en est que le pilotage de nos budgets est lié à d'autres sujets qu'une norme imposée.

Le contrat de Cahors était tout sauf un contrat. Il nous a été indiqué que le taux d'évolution des dépenses était de 2 %, sans que nous sachions à quoi ce pourcentage correspondait. En cours d'exécution, il y a eu des débats sur l'assiette à laquelle nous appliquions ce taux de 2 %, avec des dépenses que nous retraitions ou non. Nous avons parfois eu l'impression que la règle du jeu pouvait changer en cours de route.

Ce point renvoie à un autre problème. En effet, nos interlocuteurs étaient localement les préfets. Or l'État local n'est plus outillé pour effectuer de l'analyse financière de la situation des collectivités. La solution de facilité était donc de retenir la dépense de fonctionnement. Le faire sur la capacité de désendettement aurait déjà été un mécanisme un peu plus intelligent et dans l'esprit de la commande finale, qui était de piloter l'évolution de l'endettement public global.

Cet outil est pauvre, a fait la démonstration de son inutilité et n'avait qu'une dimension, à savoir son caractère vexatoire. La présidente Carole Delga a clairement dit qu'il n'était pas question de repartir sur un contrat de Cahors, ce qu'elle a fait savoir aux ministres Christophe Béchu et Gabriel Attal.

Nous ne sommes pas opposés à tout dispositif de contractualisation. Nous devons avoir des contractualisations plus riches. Les propos de la Première Ministre et de la présidente Carole Delga permettent de l'augurer. Ces contrats ne porteraient pas uniquement sur l'aspect budgétaire et nous pourrions imaginer des outils, y compris de différenciation et d'expérimentation, pour tenir compte aussi de la variabilité des territoires. Ils comprendraient en outre une dimension budgétaire, assise non pas sur la seule norme de la dépense de fonctionnement mais sur un indicateur plus riche.

Si nous établissons des contrats plus globaux, nous parviendrons à une relation de confiance. Nous pouvons même imaginer un mécanisme de gouvernance à l'échelle nationale entre le Gouvernement et Régions de France, avec un cadre général ayant des déclinaisons locales entre les présidents de région et les préfets de région. Une telle organisation serait très respectueuse du principe de subsidiarité, auquel nous devrions être collectivement attachés. Il ne s'agit pas de ne pas rendre de comptes, mais un pilotage conjoint de ces contrats, avec l'État, rendrait l'exercice beaucoup plus riche.

Les discussions sont engagées avec le Gouvernement concernant le bouclier tarifaire. Une telle variabilité des marchés n'est de toute façon pas tenable. Un mécanisme devra nécessairement être inventé. Le Président de la République a annoncé d'autres modalités de calcul de l'électricité, ce qui résoudra peut-être une partie du problème. Nous devrons ensuite nécessairement disposer d'un encadrement de cette évolution du marché.

La CSG présente une limite. En effet, elle n'est pas vraiment liée à nos compétences. Il avait d'ailleurs été imaginé que les départements puissent être attributaires de cette contribution. Comme l'objet principal de la CSG est le financement de la protection sociale, je ne suis pas certain que nous pourrions faire prospérer ce sujet, même constitutionnellement. La question est plutôt de savoir si ce ne sont pas les départements qui devraient être attributaires.

Par ailleurs, je dis à nouveau que les régions sont dans des exercices de recherche de baisse des dépenses. La question de notre contribution à la baisse des dépenses est décisive car nous devons garder de la capacité à investir. Les lycées, qui sont soit des bâtiments remarquables de centre-ville soit des édifices à bout de souffle construits dans les années 1970, constituent l'essentiel du bâti des régions. Nos charges d'investissement, qui sont très importantes, sont construites en tenant compte des obligations en termes de trajectoires carbone.

Nous avons plutôt un regain d'investissement dans nos établissements, dans le but de faire baisser la dépense énergétique. Ce mouvement d'investissement doit même être accéléré. La première contrainte que nous rencontrons est la capacité du secteur du bâtiment, qui connaît notamment des problèmes de main-d'œuvre, à y répondre. La deuxième contrainte concerne notre capacité à maintenir ce haut niveau d'investissement. Ce point sera décisif si nous voulons faire diminuer nos dépenses d'énergie.

Enfin, nos budgets ont vocation à ne plus être lus seulement en euros mais aussi en impact sur le climat. Je crois comprendre que le Gouvernement a la volonté que cette démarche de budgets verts soit plutôt généralisée. Si nous voulons être cohérents, il faudra bien que nous puissions investir pour avoir des budgets respectueux des objectifs climatiques. Il ne s'agit pas simplement d'un sujet d'écologiste puisque nos prêteurs, à savoir les banques, évalueront la part des actifs conformes aux objectifs environnementaux. Si nous voulons accéder au financement bancaire, nos projets devront être vertueux, y compris sur le plan climatique.

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