Concernant le bilan de la bascule de la DGF vers la TVA, qui est intervenue il y a un certain temps, la question est d'autant plus intéressante que, d'après ce qui est annoncé, beaucoup de collectivités sont vouées à connaître le même scénario de financement. Nous n'allons pas dire que nous regrettons la DGF dans la mesure où cette dotation était stagnante, voire diminuait. Je rappelle que, durant la fin du quinquennat 2012-2017, des prélèvements et une diminution de la DGF avaient eu lieu. Il faut aussi s'interroger sur les modalités de calcul de la DGF au regard des enjeux environnementaux, qu'elle n'implique pas forcément.
La TVA est intéressante car elle permet de bénéficier de cette dynamique, avec une garantie plancher. Si nous avions dû appliquer jusqu'au bout la seule affectation de TVA durant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, nous aurions connu une baisse encore bien plus forte. De ce point de vue, la recette est intéressante.
Néanmoins, la recette de TVA a quelques inconvénients, tels que le fait que nous n'ayons aucun lien avec le contribuable local. Si nous avions un scénario de bonne tenue de la consommation fondée exclusivement sur l'importation de biens produits à l'étranger, cela représenterait beaucoup de recettes de TVA mais je ne suis pas sûr que cela permettrait beaucoup de développement économique sur nos territoires. En raison de notre système de recette, nous ne sommes plus intéressés au développement économique de nos territoires. Cela ne signifie pas que les présidents de régions mènent des politiques qui se désintéressent du sujet mais, de fait, la recette de TVA est complètement déconnectée de nos préoccupations locales. Il n'y a plus aucune territorialité de l'impôt ni de pouvoir de taux puisque, hormis le certificat d'immatriculation, nous ne votons plus de taux. La modulation TICPE est un élément marginal puisque l'assiette est assez limitée. L'absence de lien avec le territoire et le contribuable interroge politiquement même si, budgétairement, elle ne nous a pas posé de difficultés jusqu'à aujourd'hui.
Le scénario qui consiste à attribuer une part d'impôt national à toutes les collectivités rencontrera ses limites. M. Gilles Carrez, ancien président de la commission des finances, s'était fortement opposé à ce mécanisme d'attribution de parts d'impôt national. Une difficulté que nous rencontrerons est que, si d'autres collectivités émargent à cet impôt, l'État ne sera bénéficiaire que d'une part minoritaire du produit de la TVA. Une autre difficulté est que nous avons systématiquement recours à de l'impôt indirect, qui a le mérite de ne pas être trop perceptible par nos concitoyens mais qui efface de fait le lien que représente la contribution à la dépense publique par l'impôt. Au-delà des problèmes budgétaires, ce point pose des problèmes politiques qui devront, à mon avis, être questionnés.
En outre, si nous allons encore plus loin dans l'attribution de cet impôt lié à la consommation, nous serons de plus en plus exposés aux cycles économiques. La difficulté à laquelle nous serons confrontés est que, le jour où le cycle se retournera et où il faudra effectuer des politiques contracycliques, nous n'aurons plus les moyens de les mettre en place. Nous n'avons plus aucune imposition de stock telle que le foncier ou des taxes d'équipements. Forcément, nous sommes de plus en plus exposés aux cycles économiques.
En se fondant sur le précédent des départements, qui ont été autorisés à mettre en réserve les droits de mutation lorsqu'ils sont très dynamiques, la présidente Carole Delga a formulé la demande d'une mise en réserve en cas de bonne dynamique. Il faudrait que nous puissions a minima reproduire pour les régions le même mécanisme de mise en réserve que pour les départements, pouvant ensuite faire partie d'un élément de discussion dans le cadre des exercices de contractualisation. Ce mécanisme pourrait au moins servir d'amortisseur, à ceci près que si le cycle est déprimé sur une période assez longue, la réserve va s'épuiser. Des questions de faisabilité, de pertinence politique ainsi que de bonne tenue du modèle dans la durée se poseraient si nous devions généraliser ce mécanisme d'attribution de part d'impôt.
Concernant les frais de gestion liés à la CVAE, nous avons obtenu un mécanisme plutôt favorable, ayant bien fonctionné. Nous devrons trouver un élément alternatif car percevoir des frais de gestion sur un impôt qui n'existe plus devient un exercice intellectuel compliqué. Évidemment, élargir un peu l'attribution de TVA constitue, à court terme, le scénario le plus simple. Néanmoins, dans un débat plus général sur l'évolution des paniers de recettes des collectivités, il sera compliqué de faire prospérer cette solution.
S'agissant du transport ferroviaire, le manque à gagner serait de l'ordre de 10 milliards d'euros par an entre 2023 et 2027, dont 8,5 milliards d'euros par an pour les collectivités. Ce sujet alimente déjà les débats au Parlement. La question de l'investissement dans les infrastructures ferroviaires a fait l'objet d'un engagement très fort des régions alors que ces infrastructures ne leur appartiennent absolument pas. Les investissements des régions, parfois aidées par les intercommunalités, sur les lignes secondaires sont beaucoup plus importants que les sommes allouées par SNCF Réseau. De plus, lorsque nous faisons circuler nos transports express régionaux (TER) sur ces infrastructures, nous payons à nouveau une redevance ferroviaire pour l'usage. Si les régions font ce qu'elles peuvent pour assurer le maintien de l'infrastructure et si certaines d'entre elles, comme la région Grand Est, ont même pris en charge quelques petites lignes, nous voyons bien que nous sommes arrivés au bout d'un système de financement du ferroviaire, qui doit être revu de manière beaucoup plus générale.
Au-delà du ferroviaire se pose la question du financement de la mobilité, qui constitue un sujet en soi. Les régions ont une compétence sur les mobilités, pour lesquelles elles ne perçoivent pas de versement. Il ne faudrait pas qu'une forme de concurrence s'instaure entre les autorités organisatrices de la mobilité, notamment entre les grandes agglomérations et les régions. Nous devrons réfléchir à une évolution du système.
Concernant la part de l'énergie, je vous propose de communiquer à la commission l'enquête que nous avons conduite, qui détaille tous les chapitres de dépenses. Ces chapitres, qui sont au nombre de trois, sont relatifs à l'énergie, qui concerne essentiellement les lycées car ils constituent l'essentiel de notre patrimoine immobilier et donc des coûts de chauffage, aux transports, avec des sujets d'application des délégations de service public et des clauses de révision ou des interventions lorsque nous sommes face à la théorie de l'imprévision et qu'il nous faut intervenir pour combler les déficits de délégation, et enfin aux effets du « dégel du point d'indice », qui s'imposeront à nous.
S'agissant du dialogue avec le Gouvernement, la question qui va se poser concerne le fait de disposer d'un bouclier tarifaire. En effet, lorsque nos contrats de fournitures d'énergie tombent, nous avons parfois l'impression de jouer à la loterie en fonction du jour où nous « topons ». Au sein de ma collectivité, nous avons eu une défaillance d'un de nos opérateurs de fourniture d'énergie. Nous avons dû basculer sur des contrats de secours beaucoup moins intéressants et refaire un appel d'offres. Nous sommes sur le prix spot, avec des variations de plusieurs dizaines de millions d'euros de différence en fonction du jour et parfois de l'heure de la conclusion du marché.
Nous devrons voir comment se traduira l'annonce du Président de la République de revoir les modalités de calcul du prix de l'électricité car il existe un vrai sujet. Si cela n'épuise pas toute la question, il faudra vraisemblablement que nous ayons un plafond au-delà duquel nous n'irons pas. La difficulté dans laquelle nous nous trouvons est qu'il est inenvisageable de fermer des lycées et de réduire la restauration scolaire. J'imagine que personne ne souhaite revenir à ce que nous avons vécu pendant l'épidémie de Covid-19 concernant l'éducation, qui a eu un impact très puissant sur les jeunes.
Les accords régionaux de relance représentent 15 milliards d'euros sur les 20 milliards d'euros du total des CPER, sachant que nous n'avons pas encore négocié la partie mobilité. Nous attendons que les préfets soient destinataires des mandats de négociation. Quoi qu'il en soit, une hausse des investissements du côté des régions nous permet de nous rapprocher de ce qui a été contractualisé dans ces accords de relance. Je crois pouvoir dire que nous serons au rendez-vous.
Concernant le décalage de TVA, je rappelle que nous recevons assez rapidement les encaissements de TVA, contrairement à d'autres recettes. Ainsi, je pense que nous percevrons assez vite, dans nos comptes, l'impact des effets sur la TVA.
S'agissant de l'exercice de modération des dépenses, ce qui nous détermine d'abord est la capacité de désendettement. Soyez assurés que si la situation de nos comptes se dégradait, nous serions face à des prêteurs qui nous feraient beaucoup moins confiance. Dans ma collectivité, il n'est en aucun cas possible de dépasser une capacité de désendettement de huit ans car nous avons contractualisé de l'emprunt avec la Banque européenne d'investissements (BEI). En cas de dépassement de ce seuil, des pénalités substantielles nous seraient infligées. Nous sommes donc nécessairement dans des exercices de modération de la dépense au regard de notre souhait de garder notre capacité de désendettement, qui est très en deçà de ce que prévoyait la LPFP.
Il ne faudrait pas opposer la dépense de fonctionnement et la dépense d'investissement. Derrière la première, il y a le fonctionnement de nos lycées, le financement de la mobilité mais aussi, des exercices dans lesquels nous sommes d'ailleurs en contractualisation avec l'État, tels que la formation professionnelle.
J'en profite pour vous dire qu'il faudra peut-être, au regard de la situation du marché de l'emploi, revoir la manière dont nous avons contractualisé pour les pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). Il faudra nécessairement que nous travaillions sur ce que seront les PRIC à l'avenir et sur leur importance, en part relative, dans nos dépenses de fonctionnement.
Concernant la perspective d'un nouveau panier de recettes, la TICPE nous intéresse assez peu. En effet, plus nous développerons le transport collectif — tel que l'exige notre mission —, moins nous percevrons de TICPE. Cela est également vrai pour l'État, qui est dans la même situation.
Les recettes liées aux certificats d'immatriculation disparaîtront forcément puisqu'il existe des exonérations de 50 % ou 100 % sur les véhicules propres, dont tout le monde appelle le développement.
L'attribution d'une part d'impôt sur les sociétés a été évoquée, ce qui nous ramènerait sur nos compétences de développement économique, même en l'absence de territorialisation. Cette recette serait, comme la TVA, dynamique lorsque la conjoncture est favorable et moins dynamique, voire en retrait, lorsque la situation est moins favorable. Si nous sommes dans des mécanismes de recettes liées aux cycles économiques, il faudra intégrer l'existence de trous d'air et prévoir les mécanismes pour savoir comment les gérer.
Le dialogue est engagé avec le Gouvernement. Des offres de services sont formulées de part et d'autre afin que les contractualisations soient assez riches. Nous sommes disponibles mais nous devrons être cohérents sur les attentes des uns et des autres et disposer de mécanismes de financement pérennes ne s'effondrant pas à la première crise venue.