Je vous remercie pour cette invitation renouvelée à échanger sur les enjeux de l'accès à l'information et aux programmes audiovisuels. Je me réjouis de la confirmation que l'Assemblée nationale a la capacité de rendre accessibles ses commissions d'enquête et les réunions qu'elle organise.
Le Conseil national consultatif des personnes handicapées privilégie la co-construction des politiques publiques, en s'assurant de la participation et de la représentation des personnes handicapées, quel que soit leur handicap, mais aussi de leurs familles et des professionnels qui contribuent à leur autonomie au quotidien. Nous veillons à l'accès aux droits fondamentaux de toutes les personnes que nous représentons. Le sujet que nous évoquons aujourd'hui est vraiment au cœur de notre implication, puisque l'accès aux programmes audiovisuels est la condition de l'accès à l'information, à la citoyenneté et à l'éclairage du citoyen.
Il y a exactement vingt ans, en février 2004, débutaient les débats parlementaires qui aboutirent à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. À l'époque, nous essayions de convaincre de l'intérêt d'engager une obligation d'accessibilité sur les programmes télévisés dans la loi et le législateur a finalement retenu ce principe, créant une obligation pour l'ensemble les chaînes de rendre accessibles leurs programmes, d'une part avec le sous-titrage ; et d'autre part avec l'audio description, dans des proportions qui n'étaient pas précisées à l'époque. En outre, les chaînes publiques et les chaînes privées dont l'audience annuelle est supérieure à 2,5 % avaient cinq ans pour rendre accessible la totalité de leurs programmes. En 2010, l'objectif avait quasiment été atteint, notamment grâce à une montée en puissance très importante en 2007, à la veille de l'élection présidentielle. En l'espace de quinze jours, à la fin mars 2007, en plus de France 2 qui le faisait déjà, TF1, M6 et Canal+ ont commencé à sous-titrer leurs programmes en temps réel. Nous avons ensuite continué à interagir avec le régulateur et les chaînes, notamment les chaînes publiques. Malheureusement, notre collaboration avec les autres chaînes s'est ensuite un peu affaissée.
Désormais, il reste un certain nombre de défis à relever, afin que cette accessibilité demeure efficace et pertinente, au quotidien, dans la vie des personnes. Le premier concerne les enfants, pour leur permettre d'avoir accès à l'ensemble des programmes télévisés qui leur sont destinés. En effet, le sous-titrage suppose de savoir lire, ce qui n'est pas toujours le cas des jeunes enfants. Il est donc important de disposer de programmes jeunesse accessibles grâce aux autres langues et outils de communication, comme la langue française parlée complété (LFPC), qui peuvent être parfois utilisées par les jeunes sourds.
Un autre défi porte sur le volume de programmes accessibles en langue des signes. En effet, dans ce domaine, à part quelques engagements pris collectivement, notamment par les chaînes d'information continue, il n'existe pas de cadre précis pour inciter les chaînes à progresser dans la diffusion de programmes accessibles en langue des signes.
Le sujet des télévisions locales a également pris de plus en plus d'importance, à mesure que celles-ci se sont développées. Il est nécessaire de pouvoir les embarquer dans notre dynamique d'accessibilité.
En outre, la qualité des modalités d'accessibilité est essentielle. Le sous-titrage, la langue des signes et l'audiodescription ont fait l'objet de trois chartes distinctes. Malheureusement, notamment pour les programmes diffusés en direct, toutes les chaînes ne sont pas en mesure d'afficher un sous-titrage permettant de comprendre ce qui est dit, en temps réel. À ce sujet, il existe aujourd'hui des solutions très intéressantes. Lors de certaines occasions, notamment lorsque le Président de la République intervient, le nombre d'interprètes à l'écran est parfois doublé pour améliorer la simultanéité des interventions. Tel a été par exemple le cas lors du débat de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle, avec un interprète pour chaque candidat. Ce modèle, mis en place pour la première fois à titre expérimental en 2007 par La Chaîne parlementaire (LCP), qui s'est arrêtée un peu après, n'est pas encore le choix de l'ensemble des chaînes de télévision. Il peut aussi s'appliquer au sous-titrage.
Un autre défi concerne la meilleure quantification de l'objectif d'accessibilité avec l'audiodescription, qui n'est pas encore suffisamment disponible sur les programmes. Il convient aussi de mentionner la possibilité de rendre accessibles les mêmes programmes sur les sessions de rattrapage – en replay – quelles que soient les modalités de consommation (télévision, tablette ou téléphone).
Enfin, nous devons également penser notre accessibilité au-delà des seuls publics de personnes sourdes, malentendantes, aveugles ou malvoyantes. En effet, d'autres publics sont aussi en difficulté face aux programmes télévisés. Je pense notamment aux personnes qui souffrent d'un handicap de la compréhension, comme les personnes aphasiques ou les personnes consommatrices du français facile à lire et à comprendre. Ces modalités peuvent également être déclinées dans la diffusion de programmes, qu'il s'agisse de l'animation de certains programmes ou d'un sous-titrage qui pourrait être adapté en fonction des circonstances.
Le dernier concerne les publics « dys », qui éprouvent des difficultés face à l'écrit. Des initiatives intéressantes ont vu le jour dans ce domaine. Je pense notamment à Canal+, qui a développé un sous-titrage spécifique pour les personnes dys, qui peuvent le choisir dans les réglages « préférences ». Ce dispositif est encore très récent et ne peut encore faire l'objet d'un bilan, mais il a le mérite d'exister.