J'aimerais réagir à votre remarque sur la terreur car les choses ne sont pas passées comme cela. Lorsque je suis arrivé dans cette maison en fête et qu'il fallait arrêter les dépenses – nous n'avions pas l'État derrière nous et c'étaient nos propres finances qui étaient mises à contribution –, une certaine panique s'est installée au sein du groupe Canal+. Lors d'un comité d'entreprise, un participant m'a dit : « Vous coupez les têtes et vous inspirez la terreur. » J'ai répondu en citant Mauriac : « La peur est le commencement de la sagesse. »
Honnêtement, je n'inspire la terreur à personne que je connais ; je ne l'inspire qu'à des gens qui ne m'ont jamais vu et qui croient un certain nombre de petites lettres me décrivant comme un type épouvantable qui fait des choses horribles. M. Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières, que vous avez évoqué tout à l'heure et qui est souffrant – j'en suis désolé –, a dit : « Là où Bolloré passe, le journalisme trépasse. » Avant même que j'arrive quelque part, les gens crédules ont peur et s'en vont. C'est donc une histoire de réputation, toujours alimentée par les mêmes journaux, les mêmes lettres… Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure : je suis un paratonnerre, un bouc émissaire. En réalité, je suis plutôt très gentil, plutôt rigolard, plutôt affable. Je me méfie de mes propres blagues. Des tas de gens avec qui je travaille depuis quarante ans sont très contents de moi. Mais Kipling disait : « Si tu peux supporter d'entendre tes paroles / Travesties par des gueux pour exciter des sots, / Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles / Sans mentir toi-même d'un mot / […] Tu seras un homme, mon fils. » Peut-être deviendrai-je un homme un jour !