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Intervention de Vincent Bolloré

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Vincent Bolloré, conseiller du président du directoire de Vivendi, ancien président du conseil de surveillance de Vivendi et du conseil de surveillance du groupe Canal+ :

Lorsque Philippe Labro, Jean-Christophe Thiery et moi-même avons lancé Direct 8, je m'occupais de tout, parce que nous partions de zéro et ne pouvions faire autrement.

La période Canal+ est plus complexe. Lorsque je suis devenu président du conseil de surveillance de Vivendi, nous avions à peine 10 % du capital. Nous étions très minoritaires, aux côtés de nombreux actionnaires très majoritaires. Au sein de Vivendi, Canal+ posait problème. Comme vous l'a rappelé Maxime Saada, lorsque j'y suis arrivé, la chaîne essuyait des pertes de 460 millions – 400 sur le payant et 60 sur le clair – sur le marché français. Personne chez Vivendi n'osait s'aventurer chez Canal : Jean-Marie Messier, qui était le prédécesseur de mon prédécesseur, avait été jeté dehors, certes avec tout ce qu'il fallait, pour avoir essayé de changer l'équipe de Canal+ qui dépensait beaucoup.

Or, tout actionnaire minoritaire que j'étais, je regardais ce qui se faisait. J'ai moi-même des actionnaires qui en font autant. Alberto, un restaurateur italien qui travaille avec sa femme et des amis siciliens de six heures du matin à vingt-trois heures, a mis tout son argent dans des titres Vivendi-Bolloré. Si le titre baisse, je plonge dans le menu des pizzas. J'étais donc tenu, en vertu de l'obligation fiduciaire, de faire en sorte que les choses se redressent.

Dès lors, à mon arrivée chez Canal+, je n'ai pas l'impression d'avoir fait du micro-management. J'ai au contraire tout repris en main. La fermeture de la diffusion en clair a été un moment extraordinairement terrifiant. Le Monde a consacré trois ou quatre unes à l'arrêt des « Guignols », du « Grand Journal » et de la couverture du Festival de Cannes. Malheureusement, il fallait que quelqu'un fixe un cap. J'étais le seul à pouvoir le faire, ne risquant pas d'être renvoyé, ce qui au demeurant ne m'aurait pas posé de gros problèmes sociaux.

J'ai fixé un cap et nommé les équipes, en les renouvelant assez largement. Leur compétence n'était pas en cause : ils n'avaient pas envie de changer de train de vie. Dans ma famille dont j'ai rappelé qu'elle était très riche, lorsqu'il a fallu décider de vendre les belles voitures et les bateaux avec lesquels nous faisions de la voile le week-end et de faire les choses autrement, cela n'a pas plu du tout. Chez Canal+, c'était pareil.

Sur les contenus, on me ressert indéfiniment, depuis près de dix ans, la même tarte à la crème : l'histoire du documentaire sur le Crédit mutuel, en l'expliquant par le fait que cette banque me finance. Elle ne me finance pas plus que les quinze autres grandes banques françaises, notamment les cinq principales. Maxime Saada, que vous avez auditionné il y a deux semaines et qui l'a été il y a deux ans au Sénat et il y a six ans à l'Assemblée nationale, a toujours dit qu'il est seul chargé des programmes et que je ne lui ai rien demandé.

Toutes ces tartes à la crème sont mises en avant parce que, lorsque vous mettez fin à une fête, les gens disent non pas « C'est affreux, on arrête la fête ! », mais « Il se mêle de tout ! », « Il est d'extrême-droite ! », « C'est un type affreux ! » et d'autres accusations que chacun connaît. Je ne suis jamais intervenu dans le choix des contenus diffusé par le groupe Canal+, d'autant que je n'en avais pas le temps. Nous avons une vingtaine de chaînes offrant le meilleur des films, des séries et du reste, ce qui au demeurant n'est pas cher payé ; aucun patron, si interventionniste soit-il, n'est capable de s'en mêler.

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