La réussite de Canal+ est incontestable, comme le montre le nombre de ses abonnés, qui est supérieur à 25 millions et atteindra prochainement 50 millions, et surtout ses résultats – un profit de près d'un demi-milliard a été annoncé pour l'exercice 2023 et il sera supérieur pour l'exercice 2024. Par sa taille, par le nombre de ses salariés et par ses développements, Canal+ est le premier groupe européen, en passe de devenir un grand groupe mondial. Le groupe Canal+ dans son ensemble – c'est ce qui m'intéresse et intéresse nos actionnaires – est un succès formidable.
À l'intérieur de Canal+, vous avez du gratuit et du payant. Lorsque je suis arrivé dans le groupe, ses chaînes payantes diffusaient chaque jour six heures d'émission en clair, donc gratuites. Si vous payez un abonnement à 20 ou 25 euros, avoir le meilleur du sport, des films et du reste est peut-être formidable, mais si vous voyez par la fenêtre votre voisin y avoir aussi accès sans payer, il y a un petit problème. Les dirigeants de Canal+ ont donc pratiquement supprimé la diffusion en clair, qui coûtait beaucoup d'argent – c'était l'époque du « Grand Journal » et des « Guignols », sur laquelle certains de mes amis ici présents reviendront certainement.
Canal+ s'est alors lancé dans la diffusion de chaînes gratuites. C'est à cette occasion que j'y suis entré. Lors de l'un de mes « dîners bretons », Bertrand Méheut m'a proposé d'acheter Direct 8. J'étais d'autant moins vendeur que mon fils s'en occupait, mais j'ai fini par l'intégrer dans Vivendi, ce qui m'a permis d'en gravir les échelons, de stagiaire à président du conseil de surveillance.
Lorsque je me suis lancé dans la TNT, le pari pouvait sembler un peu fou. À l'époque, personne n'y croyait, à raison. Les téléviseurs ne la recevaient pas, à moins d'acheter un énorme appareil qu'il fallait poser dessus. Il a fallu attendre cinq ou six ans avant que les téléviseurs ne soient compatibles avec la TNT. Celle-ci n'en était pas moins un progrès formidable, grâce auquel les Français avaient accès à vingt chaînes gratuites. Lorsque je revenais des États-Unis, je racontais à mes enfants qu'on y avait le choix, chaque soir, entre douze films, quatre séries et cinq émissions de variétés, tandis que la France n'avait que six chaînes.
La TNT offrait des potentialités importantes. Avec Philippe Labro, que j'avais rencontré lorsqu'il travaillait à RTL et avec lequel j'avais toujours dit que je ferais de la télévision, nous avons décidé de les saisir. Nous avons commencé avec Jean-Christophe Thiery, un haut fonctionnaire de la direction générale des finances publiques que nous avons débauché. Nous avons transformé un étage de notre tour en studio. Sur Direct 8, tout était en direct et tout pouvait arriver – ce concept nous semblait de nature à intéresser les gens. Après un certain temps, nous sommes devenus la première chaîne de la TNT.
Quant à CNews, elle perdait de l'argent à son lancement et en perd toujours, mais elle s'est fait une place. Depuis trois mois, elle est régulièrement devant BFM TV, laquelle, dit-on, gagne beaucoup d'argent. CNews sera à l'équilibre non pas dans plusieurs années, comme vous l'ont dit les gens de mon équipe, mais assez rapidement. Dans la télévision gratuite, les choses sont simples : tout est fonction de l'audience. Plus elle est importante, plus les publicitaires paient. Dès lors que C8 est devenue la première chaîne de la TNT et CNews la première chaîne d'info, je ne doute pas qu'elles gagneront de l'argent.
Les équipes de Canal+, dont j'ai suivi l'audition, sont extraordinairement attachées aux chaînes gratuites, qui sont un pilier interne du groupe. Chaînes gratuites et chaînes payantes forment un tout, qui soutient le cinéma, la production de séries et une grande part du sport français, ainsi que de nombreuses émissions de variétés et de nombreux documentaires. Canal+ est un énorme soutien de la création française.