À l'époque, en 2004, j'étais simple reporter à « 90 Minutes », émission dirigée par Paul Moreira. La relation de confiance entre la direction de l'émission et la direction de la chaîne était plus forte à l'époque. Avant l'arrivée de Vincent Bolloré, nous avions encore affaire à des humains normaux qui nous traitaient avec un minimum de respect. Nous avons bien senti que lui-même était sujet à des pressions très fortes. Nous avons compris qu'il était problématique de diffuser nos images alors que la ministre de la Défense affirmait que l'armée française n'avait pas tiré. Le Canard Enchaîné avait d'ailleurs publié un article quelques jours avant la diffusion, annonçant que nous avions des images qui prouvaient le contraire. Pas besoin d'être grand clerc pour en déduire que cela dérangeait en haut lieu. Il n'était donc pas question que ces images soient rediffusées. Il a fallu que Paul Moreira se batte activement pour qu'une équipe puisse réaliser un complément d'enquête sur place quelques mois plus tard.
Au sujet de José Manuel Barroso, « patron » de l'Europe sur qui nous ne devions plus travailler, nous avions le sentiment que Canal+ était en train de négocier avec l'Union européenne une opération avec des enjeux importants pour la chaîne.
Quant à Nicolas Sarkozy, j'ignore pourquoi son portrait politique devait disparaître. Après la diffusion de ce reportage, j'ai croisé son chargé de communication Franck Louvrier dans un commissariat parisien. Je lui ai annoncé une « suite » prochaine sur le ton de la plaisanterie et il m'a répondu « ça m'étonnerait ». Deux ans plus tard, l'émission était supprimée…