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Intervention de Jean-Baptiste Rivoire

Réunion du jeudi 7 mars 2024 à 14h30
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Jean-Baptiste Rivoire, ancien rédacteur en chef adjoint de « Spécial Investigation » sur Canal+ :

Pendant cinq ans, j'ai refusé de signer ces clauses de silence qui m'apparaissaient inacceptables. Mais venir tous les jours au bureau pendant cinq ans sans rien avoir à faire, il faut être solide pour affronter cela. J'ai trois enfants, un prêt immobilier, et j'ai fini par céder en faisant un peu modifier les clauses. Je m'engageais tout d'abord à renoncer à tous mes droits en justice. J'avais trois procédures en cours contre Canal+, dont un à propos d'un faux témoignage de la part d'une responsable concernant mon affaire. Ce témoignage écrit a été envoyé aux prud'hommes, ce qui avait donc vocation à tromper la justice. J'ai donc porté plainte mais Canal+ a très fortement insisté pour que cette plainte soit retirée. Ces clauses m'interdisaient aussi de témoigner dans le cadre de procès. Je devais aussi m'engager à ne rien dire qui puisse porter atteinte à l'honneur de Vincent Bolloré, ses subordonnés, ses entreprises et leurs filiales – dont je ne connais pas la liste – et surtout sans limite de date – et c'est la raison pour laquelle nous faisons appel. Il est tout à fait concevable qu'une entreprise puisse demander à un ancien employé de ne pas la dénigrer ou de travailler pour la concurrence pendant un an, et ce genre de clause est tout à fait classique, mais en l'occurrence, dans mon cas, cette clause n'avait aucune limite de durée. Quand on voit l'importance que Vincent Bolloré a prise dans les médias français et les maisons d'édition, comment est-il envisageable de faire signer de telles clauses à des centaines de journalistes ? Cela revient à les bâillonner. C'est d'autant plus compliqué à gérer que l'existence même de ces clauses est confidentielle. Lorsque mes collègues partaient de Canal+, ils ne pouvaient même pas organiser de pot de départ car ils n'avaient pas le droit de leur annoncer qu'ils avaient conclu une transaction. Sinon, Vincent Bolloré les aurait poursuivis et leur aurait réclamé de restituer les fonds. Ils partaient donc en rasant les murs sans pouvoir parler à personne. Et j'imagine que la situation n'était pas différente au JDD, à Paris Match ou à Europe 1. Vincent Bolloré a acheté le silence de centaines de personnes. C'est la réalité.

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