Bien que je puisse m'exprimer ici à plusieurs titres, mon propos restera aujourd'hui centré sur la problématique de la présence et de l'image des femmes dans les médias.
J'ai eu la chance d'arriver au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) au moment où la loi du 4 août 2014 présentée par Najat Vallaud-Belkacem confiait au CSA le pouvoir de réguler l'image des femmes dans les médias audiovisuels. J'ai donc, en concertation avec le secteur concerné, conduit dix-huit réunions qui ont permis d'aboutir à la délibération qui régit encore aujourd'hui les obligations et la remise de rapports annuels d'auto-évaluation des chaînes de télévision et de radio. Bien que les négociations aient été âpres, de grands progrès ont été effectués et les acteurs sont désormais habitués à ces comptes rendus. La vue de plateaux entièrement masculins apparaît de plus en plus insupportable aux téléspectateurs, et cela est en partie dû aux progrès de la régulation, particulièrement importants pour les femmes, à l'image de l'accroissement du taux d'expertes que citait Mme Pécaut-Rivolier. Il convient de louer, sur ce sujet, l'exemplarité du service public, dont les chiffres sont nettement supérieurs à ceux du secteur privé.
Si un long chemin reste encore à parcourir, il convient donc de féliciter l'Arcom pour avoir mis en place des critères qualitatifs et pour avoir affiné les critères quantitatifs afin de parvenir à une meilleure analyse. Nous avions en effet constaté, lorsque j'étais en fonction au CSA, que les moyennes masquaient des constats tels qu'une moindre présence des femmes aux heures de grande écoute, un nombre inférieur de femmes consultées sur certains sujets, ou encore leur moindre accès aux fonctions les plus importantes. Derrière l'aspect quantitatif pur, se cachaient ainsi des discriminations vivaces, qui évoluent aujourd'hui lentement, mais positivement. Le dernier rapport public de l'Arcom démontre d'ailleurs que d'importantes différences existent entre les chaînes, avec un retard notable des chaînes d'information. On constate toujours que les sujets nobles, qui occupent la moitié de l'antenne, sont généralement commentés par des journalistes hommes, les femmes étant reléguées sur les sujets les moins considérés ou à des heures de moindre écoute. Sur des sujets tels que le sport, sur lesquels les femmes sont habituellement moins consultées, on constate en revanche des progrès, et les chaînes diffusent davantage de manifestations sportives féminines.
Les efforts appréciables fournis par les chaînes sont cependant éprouvés par le vent de l'histoire et les événements inattendus. On a ainsi pu observer, lors du confinement, que les médecins qui intervenaient étaient des hommes et les infirmières des femmes. Les crises économiques sont, de même, le prétexte à faire intervenir des experts masculins sans que l'on ne trouve leurs équivalents féminins. Le temps de parole des femmes par rapport à leur taux de présence, également calculé par l'Arcom, démontre également un important déficit. J'estime donc que la dimension qualitative doit désormais prévaloir sur la dimension quantitative, qui doit néanmoins être surveillée afin de tendre vers une réelle parité. Ce travail doit être mené en bonne intelligence avec les chaînes, en recourant sans hésitation à l'outil des sanctions en cas de manquement. Les sanctions sont utiles : c'est le collège du régulateur auquel je participais qui a prononcé les sanctions les plus lourdes contre certaines émissions, qui se tiennent désormais à carreaux sur le sujet des femmes.
Je poursuis en attirant votre attention sur la nécessité d'une régulation dans le secteur du numérique. Bien que le sujet de l'audiovisuel soit central, et que l'image des femmes s'y soit considérablement améliorée, les acteurs du numérique doivent aujourd'hui se plier à l'exercice de l'auto-évaluation annuelle. M. Laurent Solly et M. Sébastien Missoffe, respectivement vice-président Europe du Sud de Meta et dirigeant de Google France, ont d'ailleurs donné leur accord pour s'auto-évaluer chaque année sur les cent séquences les plus visionnées en France afin de mesurer le degré de stéréotype et de sexisme de leurs contenus. J'estime donc que le législateur doit s'emparer de la question et imaginer, pour le secteur du numérique, une loi similaire à celle qui encadre le secteur de l'audiovisuel, au moins sur le sujet de l'image des femmes.
Je réitère, pour terminer, la proposition du HCE. Afin de favoriser une meilleure représentation des femmes sur le plan de la qualité, la loi sur l'audiovisuel doit intégrer, en plus de l'auto-évaluation, une obligation des chaînes à progresser chaque année en matière de parité et appliquer des sanctions en cas d'immobilisme.