Vous auriez aussi pu citer un rapport que j'avais rédigé lorsque j'étais membre du Conseil d'analyse économique, auprès du Premier ministre, M. de Villepin, à une époque où l'on s'interrogeait sur le destin de la PAC. J'étais partisan de maintenir les quotas laitiers, sur le modèle de l'agriculture suisse ou japonaise. En effet, si vous voulez complètement vous protéger et qu'il n'est pas question de devenir exportateur car vous usez de subventions, vous entrez dans un modèle de quotas laitiers attachés à la terre – j'allais donc très loin.
Je me suis assez vite rendu compte que ce n'était pas le sens de l'histoire. Aujourd'hui, dans les supermarchés, vous achetez des produits des marchés européens ou mondiaux. Le prix du porc, par exemple, dépend du niveau des importations chinoises – la France n'est pratiquement pas exportatrice de porc, alors que l'Europe l'est. Cela est également évident pour le prix de nos céréales, des oléagineux ou du sucre. Je ne renie donc pas ce que j'ai dit.
Pour le monde agricole, passer d'un univers stable à un environnement instable a représenté une véritable révolution culturelle, que l'on a sous-estimée. C'est que ce que les marchés financiers ont connu avec l'instabilité des changes après 1971 ou les pétroliers, avec la fin du cartel de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Au terme de cette révolution, un céréalier est confronté à une instabilité fondamentale : il couvre à peine ses coûts de production aujourd'hui, alors qu'il a fixé ses prix l'année précédente, lorsqu'ils étaient un peu plus élevés. Cette instabilité est une contrainte qui pèse sur le monde agricole.
La question a été partiellement résolue aux États-Unis, où l'instabilité des prix a toujours existé, avec des systèmes d'assurance largement subventionnés.