On tourne autour de la dualité entre politique agricole et politique alimentaire. Si un pays en a les moyens, il peut se doter d'un système similaire à celui de la politique agricole commune de 1962, qui était tout à fait cohérente. Nous avons fait d'autres choix. La notion de pénurie n'existe presque pas, puisque le marché anticipe. Le prix est la somme des anticipations que font les observateurs et les acteurs de ce que sera demain le rapport entre l'offre et la demande.
Au printemps 2022, on a pu imaginer que le blé ne pourrait pas sortir des côtes de la mer Noire. Les prix sont alors montés à plus de 400 euros la tonne, ce qui a permis de régler le problème de l'éventuelle pénurie. En France, les boulangers ont augmenté le prix de leur baguette, pour bien d'autres raisons d'ailleurs. Mais des pays structurellement importateurs de blé comme l'Égypte, l'Algérie, le Maroc ou une partie des États de la côte africaine ont vu leurs factures augmenter très fortement.
S'agit-il d'une politique agricole ou alimentaire ? Du point de vue politique, qu'est-ce qui est important : le vote des villes ou celui des campagnes ? Dans les démocraties fragiles, le vote des villes conduit plus souvent aux changements politiques, d'où l'importance de maintenir des prix alimentaires faibles dans les villes, quitte à utiliser des importations.
Encore une fois, le concept de souveraineté alimentaire a un sens pour de très nombreux pays. Je ne lui vois aucun intérêt en Europe.