Le concept de souveraineté alimentaire doit s'entendre comme le droit souverain des peuples à définir leur sécurité, en s'interrogeant sur ce qui en fait le fondement. Dans le domaine de l'alimentation, ce sont d'abord les kilocalories, qui apportent l'énergie que l'on dépense au travail et dans les loisirs : excédentaire, notre pays ne rencontre pas de problème dans ce domaine. Ensuite, viennent les protéines ; or nous accusons une grande dépendance en matière de protéines végétales, dont nous avons besoin pour notre alimentation – les légumes secs par exemple. J'ajoute qu'il y a urgence en France à consommer davantage de plantes à fibres, comme les lentilles, les pois chiches, les haricots ou les fèves, afin de lutter contre le cancer du côlon. Pour en revenir à mon classement, après les calories et les protéines, nous avons besoin de minéraux et de vitamines : nous sommes très dépendants de l'extérieur pour certains fruits, en particulier la tomate que nous importons du Maroc ou d'Espagne. La fin de ce classement est occupée par les fibres et les antioxydants.
Vient ensuite notre dépendance aux énergies fossiles, qui ne concerne pas le carburant du tracteur mais les engrais azotés de synthèse – nous le disons depuis quarante ans, mais nous ne sommes écoutés que depuis le début de la guerre en Ukraine – et les pesticides, qui en requièrent une grande quantité. Or des alternatives gratuites existent : nous n'utilisons pas suffisamment l'énergie solaire, ni l'azote de l'air. Nous importons du soja pour des animaux qui ne sont pas élevés sur de la paille : leur urine produit des algues vertes ; mais comme la disparition de l'élevage dans le Bassin parisien a entraîné celle de l'urine, nous importons de l'urée, coûteuse en énergies fossiles. Les peuples devraient se montrer plus raisonnables et utiliser intensivement les ressources gratuites et renouvelables. Les rendements des pois fourragers et féveroles sont certes faibles, mais nous pouvons parfaitement remplacer les tourteaux de soja par des luzernes, des trèfles, des sainfoins ou des lotiers : pourquoi ne pas utiliser ces légumineuses en Bretagne et en Normandie ? Remplacer 1,3 million d'hectares de céréales par des légumineuses capables de fixer l'azote serait très bénéfique.
On entend dire, et c'est insupportable, qu'il y a de l'azote dans les tourteaux de colza ou de tournesol qui servent à fabriquer les hydrocarbures : mais d'où provient cet azote ? De l'énergie solaire pour les légumineuses, mais des engrais azotés de synthèse pour les produits que nous importons – ce qui crée une autre dépendance ! Dire que l'utilisation de tourteaux de soja accroît notre indépendance en matière de protéines est un mensonge absolu. N'oublions pas les intrants de synthèse dans le coût énergétique de la production agricole.