Sur le front strictement agricole, il me semble que, depuis le développement de l'élevage intensif, notre seule dépendance structurelle – sans parler des produits de la mer – a trait aux protéagineux, tout simplement car notre climat ne permet pas de produire du soja ; or les tourteaux de colza ou de tournesol ne sont pas aussi bons pour les bêtes que les tourteaux de soja. Nos tentatives pour développer les lentilles, les féveroles ou les pois protéagineux n'ont jamais permis de limiter notre dépendance.
En revanche, il est vrai que l'agriculture actuelle est totalement dépendante des énergies fossiles. Nous devons importer de l'ammoniaque car celui-ci est produit à partir de gaz naturel, dont nous sommes dépourvus, de la potasse car les ressources en Alsace se sont taries, et du phosphate depuis le Maroc. Nous sommes donc totalement dépendants de l'extérieur pour les engrais, alors que notre modèle d'agriculture est fondé sur la transformation d'énergie fossile. Mais cette question est extérieure au champ de la souveraineté.
Le poids de cette dépendance est moins lourd car nous avons diversifié nos sources d'approvisionnement en important un peu des États-Unis et davantage du Brésil et de l'Argentine. Néanmoins, le système n'est pas dépourvu d'absurdités : le principal exportateur européen de viande porcine est l'Espagne, qui vend beaucoup de porc de faible qualité à la Chine, première importatrice mondiale de porc. Pour produire ces porcs, l'Espagne importait beaucoup de maïs d'Ukraine. Il n'y a pas d'avantage comparatif particulier à développer des élevages de porcs en Estrémadure grâce à du maïs ukrainien pour vendre du jambon bas de gamme à la Chine.