Je remercie nos collègues qui soutiennent la proposition de loi. Nous considérons tous, me semble-t-il, que les médias sont un outil absolument indispensable à la démocratie. La Constitution le reconnaît : l'indépendance, le pluralisme, l'honnêteté, l'accessibilité et la qualité de l'information sont indispensables.
Les groupes de la majorité s'interrogent sur l'intérêt d'ouvrir le débat et d'envoyer un signal fort, comme j'ai voulu le faire en juillet dernier. Il est toujours aussi nécessaire d'envoyer un tel signal. Au demeurant, soixante-dix sociétés de journalistes, médias, syndicats et collectifs se sont exprimés en ce sens dans les colonnes du Monde de ce jour.
La profession des journalistes est très favorable à la présente proposition de loi. Un signal fort doit être envoyé sans attendre. Si la disposition que je propose n'est pas l'alpha et l'oméga de la garantie du respect des principes constitutionnels relatifs à la liberté de la presse, elle est forte et susceptible d'être mise en œuvre rapidement, pour répondre aux évolutions capitalistiques à l'œuvre.
Certes, les EGI sont en cours et livreront leurs conclusions d'ici l'été. Mais, lorsque nous demandons au Gouvernement – nous aurons l'occasion, le 4 avril prochain dans l'hémicycle, d'interroger la ministre de la culture à ce sujet – s'il peut garantir que les EGI auront une suite législative, la réponse est non. Le Gouvernement ne donne aucune garantie, ni sur le contenu des EGI, ni – c'est un élément de continuité entre Mmes Abdul-Malak et Dati – sur l'adoption d'un projet de loi.
Je vous enjoins à saisir l'occasion offerte par ce texte pour envoyer un signal positif, selon lequel nous considérons que l'indépendance des rédactions est absolument essentielle et qu'il faut la renforcer. Nous disposons d'un outil opérationnel, qui fonctionne d'ores et déjà. Il n'a pas fait fuir les actionnaires ni interrompu le fonctionnement des journaux. Il peut changer un peu la donne et rééquilibrer les choses. Les journalistes le présentent comme un outil de stabilité et de dialogue au sein des relations entre les actionnaires et les rédactions.
Nous sommes à un moment où il faut envoyer un signal, comme l'a encore démontré le récent rachat d'Altice Media par Rodolphe Saadé. On me dit que la grève à La Provence s'est bien terminée. Permettez-moi de penser, fût-ce un manque d'humilité, que l'inscription à notre ordre du jour de la présente proposition de loi n'y est pas pour rien. Il faut envoyer un signal fort. La proposition de loi permet de le faire.
Certes, elle ne résout pas tous les problèmes, mais elle n'interfère pas avec les EGI. De nombreuses questions demeurent en suspens – je remercie Laurent Esquenet-Goxes de les avoir rappelées avec force –, notamment les aides à la presse, les droits voisins, le modèle économique de la presse, la concentration dans les médias et la modification de la loi du 30 septembre 1986, dont tout le monde convient que la rédaction est obsolète. Ce signal fort, nous pouvons l'adresser ensemble à toute la profession ainsi qu'à nos concitoyennes et à nos concitoyens, qui s'interrogent, lorsqu'ils ouvrent un journal ou allument la télévision, sur le degré d'indépendance des journalistes vis-à-vis des actionnaires.
J'en viens aux questions qui m'ont été posées. L'examen du texte en commission et dans l'hémicycle m'offrira l'occasion de présenter des amendements visant à préciser le texte.
S'agissant du seuil d'applicabilité, je défendrai un amendement indiquant clairement que nous ne souhaitons pas appliquer à l'intégralité des sociétés éditrices et des titres de presse un droit d'agrément. Prévoir un seuil minimal de journalistes est indispensable pour que cette disposition présente un intérêt. Nombreux sont les acteurs qui l'ont indiqué. Dans les petites structures ne comptant qu'un, deux ou trois journalistes, introduire un droit d'agrément pourrait créer une confusion entre l'indépendance de la ligne éditoriale et le respect de la déontologie, d'une part, et d'autre part les questions sociales.
S'agissant de l'identification du responsable de la rédaction, un amendement vise à lever toute ambiguïté. Un autre amendement vise à introduire une échéance, tant il est vrai que ne pas borner une disposition dans le temps nuit à son applicabilité et encourage à l'appliquer une seule fois avant de s'en dispenser.
Dès lors que de nombreuses dispositions doivent être précisées, la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'État la définition de ses modalités d'application. Par ailleurs, il convient que la profession, dans son intégralité et sous l'égide du ministère de la culture, se mette autour de la table pour définir des principes universels de mise en œuvre du droit d'agrément, qui doit être affiné collectivement. Il est un outil de dialogue et doit être construit comme tel.
S'agissant de l'écueil constitutionnel qui a été soulevé, le libre choix des collaborateurs n'est pas mis en cause. La capacité de présenter un candidat demeure de l'entière compétence de l'actionnaire, auquel nul ne peut imposer un collaborateur qu'il n'aurait pas choisi. Par ailleurs, les mots « responsable de la rédaction » ne désignent pas le directeur de la publication.
S'agissant de l'audiovisuel public, un amendement vise à l'inclure dans le champ du texte. Il semble illogique de ne pas étendre le droit d'agrément à ses rédactions. Quant à la fuite des actionnaires, rien de tel n'a été constaté.
S'agissant du journal Les Échos, nous en avons auditionné la SDJ. Il n'y a pas de blocage. Le journal continue de paraître, avec une qualité inchangée. La responsable de la SDJ estime que la situation ne peut pas durer à long terme et nous a appelé à assortir les dispositions de la proposition de loi de bornes, ce que nous avons parfaitement entendu.
Le seul blocage, au journal Les Échos, tient au fait que l'actionnaire ne propose pas un nouveau candidat après que le sien a été rejeté. La rédaction, elle, travaille toujours. Le journal continue de paraître. Cela démontre, cher Quentin Bataillon, que le droit d'agrément n'est pas un dispositif de blocage.
J'en viens à « l'obsession Bolloré » dont on nous accuse. Mme Lechanteux a qualifié la proposition de loi de « stupide ». Je considère que, de sa part, c'est presque un compliment.