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Intervention de Christophe Marion

Réunion du mardi 26 mars 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Marion :

Madame la rapporteure, je tiens à souligner combien votre proposition de loi est intéressante, car elle aborde des questions fondamentales relatives à la liberté de la presse et au droit à une information fiable, indépendante et pluraliste. Elle l'est aussi, parce qu'elle entendait répondre, au moment de son dépôt, à une inquiétude forte que nous sommes nombreux à avoir ressentie, après la nomination du nouveau directeur de la rédaction du JDD. C'est pour ces deux raisons qu'elle a rassemblé, en septembre, les signatures de députés issus de plusieurs groupes parlementaires, dont Renaissance. Leur ambition était d'envoyer un signal politique fort à destination des journalistes, mais aussi des actionnaires de médias et du public citoyen. Vous avez eu raison, vos cosignataires et vous-mêmes, d'envoyer un tel message.

Si je partage vos constats, à savoir que les lois de 1881, de 1986 et de 2016 ne sont plus suffisantes, ainsi que votre objectif de mieux protéger l'indépendance de l'information, je pense, en revanche, que votre proposition, que vous qualifiez vous-même de mesures d'urgence non exhaustives, n'y répond pas. L'urgence ne doit pas justifier la précipitation et la non-exhaustivité, en particulier lorsqu'une action importante a déjà été engagée – je pense au lancement des états généraux de l'information (EGI). Les professionnels du secteur, des chercheurs et des citoyens y travaillent, en toute indépendance, à établir des propositions concrètes sur un périmètre très large : indépendance et fiabilité de l'information, concentration des médias, pluralisme, protection contre les ingérences étrangères, et j'en passe.

Leurs recommandations auront vocation à répondre de manière transversale à de nombreuses problématiques, ce que ne peut pas faire, en l'état, votre proposition de loi. Nous-mêmes sommes en cours de réflexion. En effet, notre commission a entamé, sous l'impulsion de sa présidente, un cycle d'auditions en lien avec les EGI, qui n'est pas encore achevé. En légiférant maintenant, le risque est réel de venir percuter les recommandations des EGI et d'ainsi nuire à l'articulation des dispositifs qu'ils envisageraient. À l'issue de cette grande concertation, nous autres députés, aurons un rôle fondamental, celui de nous assurer que professions et ministère de la culture travailleront ensemble à la traduction législative et budgétaire des préconisations.

J'insiste sur un point : mon groupe et moi-même ne sommes pas opposés par principe au droit d'agrément, qui divise fortement le secteur, même s'il a été mis en place volontairement dans plusieurs rédactions. Cependant, les auditions d'excellente qualité que vous avez menées la semaine dernière ont révélé, selon moi, les lacunes de votre texte et les interrogations multiples qu'il soulève et auxquelles je n'ai pas encore trouvé de réponses. Ces auditions nous ont amenés à préciser les aides concernées, le périmètre ciblé, ainsi que la qualité de responsable de la rédaction. Sur ce dernier point, par exemple, je doute que la précision éclaircisse le cas des rédactions sous-traitées ou mutualisées. Par ailleurs, qu'advient-il de la responsabilité de la rédaction, lorsque l'agrément n'est pas obtenu malgré plusieurs candidatures ? Vous ne précisez pas non plus quelle sera l'autorité compétente pour acter du retrait ou de l'arrêt des aides publiques ni la temporalité de la sanction.

Votre proposition ne s'attaque pas davantage au départ forcé du responsable de la rédaction, un sujet d'une certaine actualité, ce qui me fait dire que d'autres dispositifs éludés par votre proposition de loi doivent être interrogés : l'élaboration d'une charte de déontologie unique et contraignante, la certification, la création d'un conseil de rédaction doté d'une personnalité morale, la motion de défense, le droit de révocation. De plus, si votre proposition s'intéresse, dans son article 2, aux médias audiovisuels, déjà particulièrement bien encadrés par l'Arcom – à se demander s'il est nécessaire d'aller plus loin –, qu'en est-il des nouveaux médias issus des réseaux sociaux absents de votre texte ? Cela pose la question de l'égalité en droit des journalistes.

Enfin, les contournements de votre dispositif me semblent nombreux : renoncement aux aides publiques pour les actionnaires qui en auraient les moyens, intervention dans la nomination des rédacteurs en chef ou des chefs de service, notamment.

Pour toutes ces raisons, madame la rapporteure, vous comprendrez que mon groupe votera contre votre proposition de loi, bien qu'il souhaite que le débat ait lieu et partage votre envie de fournir à nos concitoyens une information fiable et indépendante.

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