Ce document représente la coupe d'un terrain perpendiculaire à une rivière. Dans une zone humide, l'eau transite de différentes manières. Elle transite en premier lieu sous forme de précipitation. Une partie de cette eau va ensuite ruisseler. Sur les sols agricoles mal gérés et donc imperméabilisés, ces ruissellements sont notamment de plus en plus importants. Normalement, l'eau s'infiltre dans le sol, et le plus souvent en profondeur, qui dépend toutefois de l'état d'imperméabilité du sous-sol.
Dans certains cas, des écoulements hypodermiques se produisent dans les premiers mètres du sol. Ces écoulements sont dus à une eau qui ne parvient pas à s'infiltrer en profondeur, notamment à cause de la teneur en argile du sol. Dans le Lauragais, cette teneur est d'environ 30 %. L'eau qui ne parvient pas à s'infiltrer va donc rester en subsurface, et va par endroit saturer le sol.
Lorsque le sol est saturé en eau, et que celle-ci modifie son aspect, nous utilisons alors la notion d'hydromorphie. Ces phénomènes qui se produisent sur l'ensemble de notre territoire caractérisent le fonctionnement d'une zone humide de type soligène. L'eau s'écoule dans le sol de manière gravitaire, par opposition à beaucoup d'autres types de zones humides qui existent en France métropolitaine.
Dès les premières pages de son étude, la société Biotope explique que les principaux mouvements d'eau qui génère les zones humides du bassin sont des mouvements de type alluvial. C'est-à-dire que la rivière humecterait les sols de part et d'autre de son cours. Pour qu'une nappe d'accompagnement du cours d'eau puisse s'établir, le niveau d'eau devrait se situer de zéro à un mètre de profondeur. Le plus souvent, il doit être compris entre vingt et cinquante centimètres de profondeur par rapport au terrain naturel.
Or, le Lauragais, le Girou et le Bernazobre sont des cours d'eau extrêmement encaissés. À titre d'exemple, le Girou atteint un mètre de profondeur au niveau de sa source, à Puylaurens. Il est donc déjà trop bas pour pouvoir générer un phénomène d'alimentation par nappe alluviale. À hauteur de Cuq-Toulza, il atteint deux mètres de profondeur, puis cinq mètres à Verfeil.
Cette situation est due à des travaux de calibration du cours d'eau lancés dans les années 1980. Ces travaux destinés à éviter les débordements ont conduit à percer des couches de terrain. Ils l'ont rendu de plus en plus érosif, et ils ont fragilisé le lit mineur de ce cours d'eau. Si la société Biotope avait analysé la nature du Girou et la profondeur du cours, elle aurait conclu qu'elle ne pouvait qualifier cette zone de zone humide de type alluvial.
Or, toute l'introduction de son dossier se base sur ce principe. Biotope évoque des zones humides de type-plateau, sans toutefois expliquer la provenance de l'eau. Ce point fragilise très largement son raisonnement, puisqu'une erreur commise sur la provenance de l'eau empêche de bien identifier les zones humides présentes sur le territoire. Dans ces conditions, il n'est pas possible d'établir un diagnostic précis.
De manière étrange, cette confusion se rétablit lorsque Biotope dresse un tableau des zones humides connues. Dès lors, le rapport s'inverse. Biotope indique alors que près de 90 % des surfaces inventoriées seraient de type-plateau ou de nappe perchée soligène, et qu'environ 10 % seraient de type alluvial, ce que je conteste dans tous les cas, puisque ce type de zone humide ne peut pas exister du fait des conditions géologiques et sédimentaires du terrain, ainsi que de l'incision des cours d'eau présents.
J'observe donc ce qui pourrait être éventuellement qualifié de supercherie, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur. Biotope devrait dans tous les cas vérifier l'état de son diagnostic, dont les conséquences sont fâcheuses. En premier lieu, il ne permet pas d'identifier correctement les zones humides présentes dans le paysage. Surtout, il génère des confusions quant aux impacts des infrastructures sur ces zones. Faute de connaître exactement la provenance de l'eau, il n'est pas possible de déterminer si l'infrastructure entraînera des répercussions sur l'alimentation de la zone concernée.
L'inventaire des zones humides est également problématique. Biotope commence par indiquer que la doctrine de l'État sera respectée, et indique que : « afin de délimiter une zone humide grâce aux critères pédologiques, l'examen des sols doit porter prioritairement sur des points à situer de part et d'autre de la frontière supposée de la zone humide ». Ces points correspondent aux sondages pédologiques qui doivent être réalisés afin de déterminer la présence éventuelle de traitements d'hydromorphie.
Dans le dossier et les cartes qui référencent les points positifs ou négatifs des sondages pédologiques, il apparaît que ces sondages sont très peu nombreux. A minima, ils sont insuffisants pour pouvoir dresser un polygone. Biotope a expliqué que la surface serait maximisée à l'échelle de la parcelle, et qu'elle ne se donnerait donc pas les moyens de véritablement déterminer la limite. Cette approche est totalement contraire à la doctrine de l'État. En début de paragraphe, Biotope avait pourtant mentionné la méthode qui serait mise en œuvre. Elle n'a finalement pas respecté ses propres consignes, ce que j'estime désastreux.
Par ailleurs, une norme de l'Association française de normalisation (Afnor) fixe la quantité de sondage à réaliser selon la superficie du terrain pour établir une cartographie suffisamment précise. Une précision au 5000e correspondrait au niveau de précision nécessaire pour un document d'aménagement et une analyse des impacts de l'infrastructure. En prenant en compte ce critère, il apparaît alors que les 600 sondages menés par Biotope représentent 25 % seulement de l'effort requis par cette norme Afnor. Par conséquent, j'estime que les moyens mis en œuvre pour réaliser des sondages performants ont été insuffisants.
De plus, ce déficit se cumule à un faible niveau d'expertise pour la reconnaissance d'une zone humide dans ce type de paysage.
Ces éléments traduisent la présence d'un problème dans l'inventaire des zones humides connues ou devant l'être sur cet espace. Ce problème aura nécessairement des répercussions sur les surfaces, sur le jugement des surfaces impactées, et sur la qualité des mesures compensatoires à mettre en œuvre.
La société Biotope s'appuie systématiquement sur un raisonnement de type alluvial, ce qui conduit à envisager des mesures de compensation qui privilégient d'hypothétiques remontées de nappes d'eau à proximité des cours d'eau. Cette approche peut aussi conduire à considérer qu'un débordement de rivière créerait une zone humide alluviale, ce qui est parfaitement impossible.
À titre d'exemple, le site de compensation de Cuq Toulza comprend un bassin avec talus. La parcelle S18 située à une centaine de mètres serait susceptible de devenir une parcelle de compensation de zone humide. À cet endroit, la profondeur du Girou atteint deux mètres. En outre, cette parcelle ne correspond pas véritablement à une zone humide. Le fossé n'indique pas non plus d'indices de zones humides. Il est pourtant situé cinquante centimètres plus bas. Enfin, aucun écoulement d'eau susceptible d'engorger la parcelle n'est identifié au pied du talus.
Pour mettre en place une éventuelle zone humide sur ce site, Biotope propose de décaisser le sol sur trente ou cinquante centimètres. Ce décaissement permettrait de se rapprocher du lit mineur de la rivière. Il devrait en outre faire remonter l'eau, ce qui est impossible. Surtout, un fossé est déjà présent à cinquante centimètres de profondeur, et il ne présente aucun indice de zone humide.
Par ailleurs, l'espace du parc du château de Scopont est situé en zone humide. Cet espace abrite une grande station de jacinthes de Rome. Contrairement à ce que prétend Biotope, elle n'a pas été prise en compte parmi les zones humides impactées. Elle a été citée dans l'inventaire des stations du dossier du CNPN. Elle a toutefois été très vite écartée, puisqu'elle se situe au-delà de l'emprise de l'autoroute, à 200 mètres de distance. Elle n'a donc pas été formellement prise en compte parmi les zones impactées, alors qu'elle l'est totalement.
La prairie à jacinthes de Rome la plus proche de la rivière est située à deux mètres ou deux mètres cinquante au-dessus du lit mineur. Un fonctionnement de type alluvial à cet endroit n'est donc pas possible. L'eau provient de l'amont, là où se trouve justement le projet d'autoroute. Madame Boyer a indiqué que le besoin d'une mesure de réduction des impacts à cet endroit avait été signalé à Atosca. Je conteste toutefois la mesure qui repose sur un ouvrage de prétendue transparence des arrivées d'eau.
Cet ouvrage est composé d'un film-géotextile équipé de drains. Sa capacité à collecter des eaux se limiterait à une très faible épaisseur du sol. Les eaux qui alimentent la station proviennent d'un Talweg, où un pont et un petit rond-point devraient être construits. Or, rien n'est prévu à cet endroit pour conduire les eaux vers la prairie. Pourtant, une infrastructure qui permettrait ce déplacement aurait pu être mise en place. Manifestement, il est prévu de renvoyer les eaux le plus rapidement possible vers le Girou, en étant dans le même temps déconnecté des prairies.
Pour toutes ces raisons, je conteste formellement l'effet positif que pourrait avoir cette mesure de réduction d'impact. Elle pourrait éventuellement avoir des effets sur le premier bois, ce qui n'est toutefois pas certain. À cet endroit, le terrain est haut et accidenté, et les écoulements d'eau doivent être très limités. Il aurait été souhaitable d'étayer ces propositions par un examen de fosses pédologiques, et par des mesures des capacités d'infiltration des sols et de leur conductivité hydraulique.
Pourtant, aucune investigation de cette nature n'a été incluse dans le dossier, ce qui à mon sens constitue une grave lacune. Nous ne disposons d'aucun diagnostic sur les mesures de conductivité horizontale ou verticale de ces sols. Seules deux dimensions ont été prises en compte, d'une part la surface, et d'autre part le revêtement porteur de végétaux indicateurs. Le véritable fonctionnement d'une zone humide qui repose sur des transferts d'eau dans le sol et le sous-sol n'a pas été pris en considération.
Cette mesure de décaissement MC15 est présente sur les onze sites. Finalement, la seule véritable mesure d'action hydraulique sur les espaces de compensation consiste à décaper le sol pour se rapprocher d'une hypothétique nappe d'eau. Bien entendu, une telle opération serait assez facile à mettre en œuvre pour une équipe du génie civil, et elle serait peu coûteuse. Elle serait en revanche parfaitement inefficace pour remettre en eau une nappe perchée ou une zone humide soligène,
Je démontre par ailleurs que 40 % des surfaces de mesures compensatoires disparaîtront du dossier. Cette suppression est liée au bassin de rétention des eaux d'inondation. Fort heureusement, le projet prévoit de compenser les effets délétères de l'ouvrage, et notamment du remblai, qui accentueront les inondations en interrompant les écoulements d'eau. À cet effet, il est prévu de construire des zones de compensation d'inondation. Or, j'ai découvert un cumul entre, d'une part des espaces de compensation de zones humides proposées par Biotope, et d'autre part les bassins de compensation d'inondation issus du dossier des hydrologues, ce que le dossier de Biotope ne mentionne pas.
Sur ce point, le dossier des hydrologues est solide. En revanche, l'arrêté préfectoral de mars 2023 indique que « les fonds de ces zones humides de compensation doivent se situer au-dessus du niveau des nappes en hautes eaux pour ne pas les drainer ». Dans ces conditions, et alors que l'ouvrage empêche les écoulements latéraux d'humecter le sol en petite profondeur, il n'est pas possible de créer une zone humide.
Bien entendu, la première disposition est conforme à l'autorisation préfectorale. Cependant, elle ne permettra pas de créer une zone humide. La deuxième disposition n'est pas conforme, et elle ne permettra pas non plus de créer une zone humide. Avec un niveau inférieur de quelques dizaines de centimètres inférieur à celui de la nappe de hautes eaux, la création aboutit à un plan d'eau. Il ne s'agit donc pas d'une véritable zone humide, puisque la végétation qui s'implantera à cet endroit ne sera pas une végétation de sols saturés. De plus, les sols s'assécheront très rapidement en été faute d'arrivée d'eau pour maintenir la saturation de la zone.
Ce type de dispositif couvre 22 hectares sur les 55 hectares proposés pour la compensation, soit un rapport de 40 %. Par conséquent, 40 % des zones humides mentionnées par Biotope ne peuvent pas être des espaces de compensation de zones humides. Il convient d'y ajouter les espaces destinés à la création de zones humides alluviales. Cette compensation n'est également pas envisageable, puisque la rivière atteint plus d'un mètre de profondeur. Dans le meilleur des cas, et avec beaucoup de prudence, je suis donc convaincu qu'il ne sera pas possible de créer 18 hectares de compensation de zones humides.
Certains sites déjà situés en zone humide figurent parmi les propositions de mesures compensatoires. Ces sites ont été décapés sans qu'un diagnostic sur la conductivité hydraulique ou sur le bien-fondé de ce décapage ait été préalablement réalisé. Je considère donc que des zones humides seront également détruites au sein des zones humides de compensation. Cette conséquence paradoxale générera de nouveaux besoins de compensation, à hauteur de 9 ou 10 hectares.
Je ne suis pas la première personne à avoir soulevé ces points. Les équipes de l'OFB, du CNPN, de l'Autorité environnementale, de la DDT, de la Dreal et des syndicats de bassin ont déjà alerté Atosca et Biotope sur le caractère illusoire des mesures proposées. À titre personnel, je ne suis pas persuadé qu'Atosca ait répondu aux questions des services de l'État sur le bien-fondé des compensations de zones humides.
Outre les surfaces de compensation, madame Boyer a aussi évoqué la nécessité de compenser les fonctions. Elle a évoqué devant cette commission trois types de fonctions, qui sont les fonctions hydrologiques, biogéochimiques et les fonctions liées aux habitats biologiques. Ce travail sur les fonctions est rendu obligatoire par la méthode nationale d'évaluation des fonctions, réalisée par l'OFB et le muséum national d'histoire naturelle. Cette méthode complexe vise à synthétiser les fonctions perdues dans les sites détruits, et à les mettre en perspective avec celles restaurées ou compensées dans les sites de compensation.
Plutôt que de présenter un travail basé sur une analyse du rapport entre chaque site détruit et la compensation associée, Biotope a créé trois grands ensembles. Alors que des zones humides ou saturées en eau devraient être créées, nous observons l'absence de gain ou la quasi-absence de gain pour les fonctions hydrologiques. Le travail sur la fonctionnalité hydrologique constitue pourtant la première étape d'un travail de restauration, de création ou de réhabilitation d'une zone humide.
Biotope annonce un gain mille fois supérieur pour les fonctions biogéochimiques, ce qui indique que ce dossier n'a fait l'objet d'aucune relecture sérieuse. À titre d'information, la plupart des chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) estiment que si tous les agriculteurs français pouvaient rehausser de 4 ‰ la teneur de leurs sols en matière organique, nous parviendrions à absorber toutes les émissions excédentaires de CO2 issues des activités en France.
Un taux de 4 ‰ est très différent d'un taux de 1 pour 1 million, qui correspond au chiffre de 1062.8. Je ne comprends pas d'où provient une erreur aussi grossière, qui traduit un problème de compréhension des fonctions biogéochimique, et qui se cumule à un problème de compréhension des fonctions hydrologiques des zones humides.
Au total, quatre fonctions sont perdues, alors que les dossiers indiquent qu'une seule sera compensée. Par conséquent, la majorité des fonctions seront définitivement perdues. Le rédacteur de cette grille d'analyse conforme à la méthodologie nationale d'évaluation des zones humides prouve que les mesures compensatoires proposées par Atosca ne sont pas opérantes.
Enfin, je souhaite terminer en partageant quelques éléments juridiques. Depuis la remise de mon rapport en novembre ou décembre 2023, j'ai pris connaissance d'une partie des plans de gestion de ces sites. Je m'attendais initialement à consulter des plans conformes à la norme NF X10-900-génie écologique, portant sur les méthodologies de conduite de projet pour les zones humides. Cette norme datant de 2012 a été élaborée par l'Afnor et une commission de normalisation. Elle a fait l'objet d'une enquête publique et elle a été contrôlée par trois ministères.
Cette norme qui précise la manière avec laquelle un plan de gestion doit être rédigé a été revisitée et de nouveau validée en 2022. Or, les documents remis en janvier et examiné en commission préfectorale début février correspondent à des copier-coller de dossiers déjà remis avec le dossier d'autorisation environnementale. Ils ne contiennent aucune nouvelle information. Ils sont également trop vastes, et ils ne permettent pas de mener à bien des projets de restauration et de réhabilitation des sites concernés.
Dans la mesure où il s'agit d'une norme, et non pas d'une doctrine de l'État, j'observe un véritable problème. D'après la jurisprudence, le refus d'appliquer une norme doit a minima faire l'objet d'une explication. Il est également nécessaire de préciser pour quelles raisons la méthodologie envisagée sera plus performante que celle prévue par la norme. Par conséquent, les plans de gestion proposés sont totalement imprécis. Ils ne permettent pas de mettre en œuvre un dispositif de cahier des charges pour commander des entreprises, et pour fournir des consignes à un maître d'œuvre. Je note donc un problème méthodologie très important dans le travail d'Atosca et de Biotope sur ce dossier.