Le choix des sénateurs d'adopter une disposition prescrivant une séparation physique entre l'expertise et la décision – certaines personnes seront chargées de la première, d'autres de la seconde –, est un aveu de l'importance d'une telle séparation. Ils reconnaissent implicitement qu'il n'est pas de meilleur moyen d'assurer l'étanchéité nécessaire qu'en constituant deux entités. Dès lors que vous cherchez à réaliser la fusion, vous êtes obligés d'inventer d'innombrables stratagèmes pour faire entrer un grand carré dans un petit rond.
Le texte n'apporte pas de réponse aux problèmes que posent le lien hiérarchique ou encore l'acculturation à d'autres enjeux. Lorsqu'un expert est véritablement indépendant, il peut se focaliser sur les questions de sûreté, à charge pour le décideur de se prononcer en fonction d'autres enjeux– industriels, économiques, énergétiques.
C'est la grande leçon qu'il faut retenir de tous les accidents industriels du siècle dernier, qu'ils soient nucléaires ou pas : ils surviennent lorsque les experts rendent leurs avis en se fondant sur d'autres critères que la seule sûreté.
Le rapporteur pour avis, M. Armand, a fait valoir que l'expert ne devait pas être soumis à certaines pressions, notamment de la part de la société civile. Je préfère qu'il subisse la pression de la société civile plutôt que celle des exploitants – nous reparlerons des start-up qui veulent installer des réacteurs nucléaires dans des sites Seveso.
Je finis par une citation entendue lors des auditions du rapporteur la semaine dernière : « les risques d'accident nucléaire sont très peu probables mais incommensurables ». Son auteur est le ministre délégué.