Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF :

Merci pour l'intérêt manifesté et les nombreuses questions posées.

Concernant la stratégie de desserte et d'aménagement du territoire, je rappelle que le TGV, ce n'est pas du service public. C'est un service commercial qui ne bénéficie d'aucune subvention ; les recettes du trafic paient les coûts et doivent financer l'achat du matériel et la construction des ateliers.

Comme nous sommes une entreprise publique, nous avons depuis toujours pratiqué la péréquation. Une ligne TGV sur deux est rentable, tandis qu'une autre ne gagne pas suffisamment d'argent pour acheter le matériel roulant lorsqu'il sera usé. Cependant, cette péréquation est remise en question par l'arrivée de la concurrence qui nous attaque sur les lignes rentables. Ce n'est pas encore très grave, puisque la concurrence reste limitée et que nous pouvons la supporter. Si dans dix ou vingt ans, la concurrence prend 20 % ou 30 % de l'activité en se concentrant sur les lignes rentables, la SNCF serait privée de la rentabilité de ces lignes et nous aurions un problème d'équilibre.

Nous faisons de la péréquation bien volontiers et sans aucun contrat, mais il faut réfléchir à l'évolution à plus long terme.

Nous ne pouvons pas empêcher, non plus, SNCF Voyageurs d'ajuster parfois les fréquences. Cela est d'autant plus important que nous manquons de rames et que celles que nous pouvons dégager sont réinvesties immédiatement dans des lignes où la poussée du trafic est importante. Nous cherchons en permanence à optimiser l'occupation des rames dans un contexte où nous manquons de rames face à la demande.

Sur les trains d'équilibre du territoire et les TER, la stratégie est définie par les autorités organisatrices.

Ce n'est pas la SNCF qui détermine le nombre d'allers-retours Paris-Clermont-Ferrand, c'est l'État.

Ce n'est pas la SNCF qui détermine le nombre de trains entre Toulouse et Auch, c'est la région Occitanie.

Nous, nous sommes là pour les enjeux de production. Votre courroux est légitime quand vous constatez qu'il y a des difficultés de production, mais les prix, les dessertes et les arrêts relèvent de l'autorité organisatrice.

Au sujet des investissements et de la ligne Paris-Clermont-Ferrand, la solution de fond est connue : matériel neuf et travaux sur l'infrastructure. Les décisions sont prises mais le problème, c'est le délai. Les dates se décalent par rapport à ce qui était espéré, et le constructeur nous annonce désormais une échéance en 2026. Je peux cependant vous garantir que les plans sur lesquels nous nous sommes engagés devant l'État et devant les élus rassemblés à Clermont-Ferrand seront mis en œuvre.

Les renforcements que nous prévoyons sur la ligne n'existent nulle part ailleurs. Nous traiterons cette ligne classique avec des standards de ligne à grande vitesse. La construction des clôtures et des barriérages est solide, puisque nous creuserons jusqu'à 80 centimètres de profondeur. 20 kilomètres de clôtures seront installés et représentent déjà des millions d'euros.

Sur les bénéfices, nous sommes une entreprise publique avec un conseil d'administration au sein duquel l'État est présent et la transparence des comptes est totale. L'usage de l'argent, c'est le réinvestissement.

Nous réinvestissons dans l'infrastructure à travers le fonds de concours car il y a un rattrapage important à réaliser, ainsi que sur le matériel roulant du TGV (les investissements dans les trains d'équilibre du territoire et les TER relèvent respectivement de l'État et des régions). Tout l'argent gagné par le groupe, y compris à l'international, revient dans l'investissement sur le ferroviaire français. Il y a aussi une forme de retour vers le personnel puisque nous avons augmenté la masse salariale de +1,5 milliard d'euros en trois ans.

Concernant la réduction du temps de parcours, nous savons que les Clermontois sont attachés à la fiabilité de la ligne et à la réduction du temps de parcours. Cela demandera des investissements plus importants.

Les investissements qui sont faits aujourd'hui visent à remettre la ligne en état. Ils ne permettront pas de réduire le temps de parcours. Si nous voulons le réduire d'un quart d'heure ou d'une demi-heure, il faut investir car il faut rouler plus vite. Il faut supprimer des passages à niveau, redresser des lignes, peut-être construire des bouts de lignes nouvelles. C'est une étude importante et si les deux ministres en ont accepté le principe, il faudra trouver de nouvelles sources de financement importantes.

S'agissant des réductions annoncées de 340 millions d'euros sur les crédits du ministère de l'écologie et des transports, je répète qu'à ma connaissance, le ferroviaire n'est pas touché. Il n'y a pas d'impact sur les crédits consacrés au ferroviaire.

Par ailleurs, la revue du contrat de performance annoncée peut effectivement permettre de clarifier les engagements réciproques entre l'État et SNCF Réseau sur une durée de huit à dix ans. Un avenant solide au contrat de performance peut permettre d'apporter des réponses aux sujets de long terme que j'ai pu évoquer. Les travaux n'ont pas encore repris, mais je ne doute pas que vos deux commissions y seront associées pour clarifier un sujet important qui est peut-être la solution aux enjeux que j'indiquais.

Je regrette, Monsieur le député, que vous ayez eu un retard sur la ligne Paris-Cambrai. Il a été provoqué par des inondations, ce qui prouve que nous sommes soumis à des aléas externes. Merci d'avoir dit que la semaine précédente, tout se passait bien.

Vous avez raison sur le fond, le changement climatique est un vrai sujet de préoccupation pour la qualité du ferroviaire.

Nous sommes notamment concernés par les canicules qui ont des effets sur les caténaires et les rails ainsi que sur les éléments informatiques à bord des trains. Des solutions ont été identifiées sur les infrastructures. Pour le matériel roulant, nous prévoyons de climatiser les armoires techniques dans les engins afin de maintenir les températures à un niveau acceptable. Cela demandera de nouvelles mesures de conception pour protéger les équipements à bord des trains des chaleurs excessives.

L'eau est aussi un problème. Nous avons chaque année des problèmes importants, qui posent la question de la captation du ruissellement. Beaucoup de lotissements ont été construits dans notre pays sans se préoccuper du ruissellement de l'eau et par conséquent, celle-ci termine sur les voies ferrées. Il faudrait peut-être normer et réglementer pour que les promoteurs assurent mieux la captation de l'eau et la dirigent vers un réseau de captation plutôt que de la laisser couler. Se posent aussi des sujets d'argile et de tenue des remblais.

Nous menons des études de vulnérabilité et vous avez raison : dans les investissements futurs, il faudra consacrer des sommes d'argent pour mieux protéger le réseau de l'ensemble de ces aléas.

EDF est aujourd'hui notre principal fournisseur d'électricité. Même si nous visons l'autosuffisance à l'horizon 2050, il ne sera pas si simple de se passer entièrement d'EDF. L'énergie solaire est une source d'énergie intermittente et il n'est pas simple de la stocker. Par ailleurs, nous connaissons des pics de consommation chaque matin, lorsque les trains démarrent. Nous travaillons sur ce sujet avec Enedis car produire de l'énergie solaire ne suffit pas. Il faut aussi une connexion au réseau.

Concernant la gouvernance révisée, je trouve qu'elle fonctionne plutôt correctement, même si elle est un peu complexe. Cela permet de conserver un groupe SNCF intégré, tout en assurant de manière équitable l'arrivée des nouveaux entrants.

Sur les 100 milliards d'euros, je confirme que la SNCF ne peut pas tout payer. Il y a donc un problème à résoudre.

Au sujet des péages, leur montant pourrait être réduit, mais il faudrait alors augmenter la contribution du budget au financement de la maintenance du réseau. L'équation est assez simple.

Concernant le dialogue social, je passe du temps avec les syndicats et je ne le regrette pas. J'ajoute que j'ai besoin de syndicats représentatifs et puissants car je ne sais pas piloter une entreprise de 150 000 cheminots sans des corps intermédiaires. Je les respecte beaucoup pour ce rôle indispensable au fonctionnement de l'entreprise publique. L'émergence de coordinations directes et collectives sur les réseaux sociaux est en revanche très compliquée à gérer. Nous avons besoin des syndicats pour maintenir une démocratie sociale solide au sein de nos entreprises.

À propos des arbitrages de SNCF Réseau, nous ne sommes pas opposés à la recommandation de l'ART qu'ils soient plus transparents. SNCF Réseau doit faire des choix et agit en toute indépendance. Je ne m'en occupe pas, la loi me l'interdit ; je ne dois pas intervenir dans les fonctions essentielles de SNCF Réseau, et notamment les arbitrages sur telle ou telle ligne.

Nous respectons la décision du Conseil d'État. Notre lecture, c'est que celui-ci a estimé que la procédure d'approbation avait été trop rapide et tronquée, et n'avait pas permis aux différentes parties prenantes d'exprimer leur avis en bonne et due forme. Le Conseil d'État donne jusqu'au mois d'octobre à SNCF Réseau pour refaire la procédure. Elle sera donc relancée et, en attendant, les tarifs actuels restent valables à titre temporaire. SNCF Réseau mettra en œuvre les demandes et les décisions du Conseil d'État.

Concernant nos actions en faveur des régions rurales, il faut bien évidemment que le train continue à aller dans ces territoires. Les lignes qui desservent les régions rurales doivent continuer à y avoir des dessertes. Nous serons souvent dans le registre des trains d'équilibre du territoire ou des TER. La densité des régions rurales est moindre et la capacité commerciale à rentabiliser les trains est moins évidente. Ce n'est cependant pas un motif pour qu'il n'y ait plus de train. Les collectivités concernées, l'État ou les régions, doivent continuer à intervenir. Dans ce contexte, la SNCF contribue au matériel roulant et il est important d'inventer de nouveaux matériels qui soient moins chers. Nous devons être capables de produire des matériels avec un coût réduit de -30 %, voire de -50 %. Ils doivent aussi être plus légers afin de moins solliciter l'infrastructure qui deviendra alors moins coûteuse. C'est tout l'écosystème ferroviaire qui doit être allégé en poids et en argent. J'en profite pour rappeler deux projets en cours, le Draisy et le Flexy, qui confirment le souci d'offrir des solutions à base de ferroviaire pour desservir toutes les régions, y compris les régions rurales, bien évidemment.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion