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Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF :

Pour le moment, la baisse des dépenses publiques annoncée par le ministre de l'économie et des finances ne devrait pas avoir d'impact sur les fonds prévus pour le mode ferroviaire.

Concernant le plan de financement de 100 milliards d'euros, la SNCF ne finance pas ou peu les projets. Les SERM seront des projets ad hoc sans participation a priori de la SNCF. Il en est de même des lignes à grande vitesse (LGV) et des grosses infrastructures de fret : pour ces dernières, ce seront surtout l'État, voire l'Europe, qui seront sollicités.

La SNCF sera en revanche appelée à participer à la régénération du réseau, qui comporte des travaux de maintenance lourds et de changement des pièces physiques du réseau. Je rappelle que la loi de 2018 prévoit un fonds de concours alimenté par les dividendes de la SNCF. Les bénéfices de la SNCF (au moins 60 %, voire plus) sont transférés à l'État via ce fonds et sont intégralement destinés au réseau.

Une trajectoire du fonds de concours est prévue par la loi de 2018 en contrepartie du désendettement. L'État désendette SNCF Réseau à hauteur de 35 milliards d'euros et, en contrepartie, une partie des résultats est « recyclée » dans le réseau.

J'ajoute que lors du Covid, les TGV ne roulaient plus et la SNCF ne pouvait donc plus honorer ses engagements au titre du fonds de concours. C'est pourquoi, dans le cadre du Plan de relance pour le pays, l'État a décidé d'un plan de relance spécifique pour le rail. 4 milliards d'euros ont été globalement alloués en 2020, 2021 et 2022 pour aider SNCF Réseau.

Depuis, la SNCF monte en puissance dans le fonds de concours, puisqu'un milliard d'euros y sera versé au titre de 2023 et que ce montant pourrait atteindre 1,7 milliard d'euros en 2024. J'ajoute que les 2,3 milliards d'euros précédemment mentionnés pour la période 2024-2027 seront payés par la SNCF via le fonds de concours, avec un milliard d'euros supplémentaire en 2027.

La question qui n'est pas encore tranchée porte sur les moyens de financer, tous les ans, 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Le besoin est établi, mais il faut le financer.

La SNCF indique dans son plan stratégique qu'elle peut s'engager à hauteur de 500 millions d'euros. Il reste donc un milliard d'euros à financer chaque année sur le très long terme. Cette question n'est pas encore résolue et dans la délibération sur le plan stratégique, il est fait référence à une clause de revoyure qui pourrait intervenir dans le courant de l'année 2025 et qui permettrait à l'État de reprendre la discussion pour voir comment ce milliard pourrait être financé.

Est-ce qu'il y a des sources de financement possibles ? J'en vois au moins une très accessible.

À partir de 2027, le transport aérien et le transport par poids lourds seront soumis au système de quotas carbone. Au total, ce sont près de 20 milliards d'euros qui pourraient être versés, chaque année, au niveau de l'Union européenne, dont 2 milliards d'euros pour la France. Ces recettes fiscales supplémentaires pourraient servir à désendetter l'État, mais une partie pourrait aussi compléter le milliard d'euros nécessaire.

Concernant le fret, nous sommes tous d'accord pour ne pas le laisser disparaître. Malgré tout, le camion présente des avantages physiques très importants par rapport au mode ferroviaire et si nous laissons faire le marché, le fret ferroviaire disparaîtra. Ce serait quand même un problème au vu de la saturation des autoroutes et des rocades, sans parler de la pollution. Je pense donc qu'il est dans l'intérêt général de renforcer l'activité de transport ferroviaire de marchandises en Europe et en France. Il faut d'ailleurs souligner que la France est en retard par rapport à la moyenne, avec une part de marché de 9 %, quand la moyenne européenne atteint 18 % et que les meilleurs sont à 25 % ou 30 %.

Il faut faire ce que les autres font. Il faut maintenir, voire renforcer, le système d'aides à l'exploitation pour le secteur des wagons isolés qui a été mis en place depuis le plan de relance. Une décision de principe a d'ores et déjà été prise, avec l'affectation de 200 millions d'euros d'aides par an pour ce secteur. Cela permettra de mieux équilibrer les coûts entre la route et le train.

Il faut aussi que de l'argent public soit investi dans les infrastructures. Nos grands centres de triage ne sont pas en bon état.

Au sujet de la discontinuité, je rappelle que la direction générale de la concurrence de l'Union européenne a ouvert une procédure contre l'État français qu'elle suspecte d'avoir mis en place un système d'aides illégales dont aurait profité Fret SNCF depuis 2007. La direction générale de la concurrence reproche à l'État français d'avoir épongé les déficits de cette activité depuis 2007 et estime qu'il s'agit d'une aide d'État illégale.

Le Gouvernement français a choisi de négocier avec la Commission européenne et a accepté le mécanisme de la discontinuité. Cela conduit à renoncer volontairement à 30 % de l'activité, 20 % du chiffre d'affaires et 10 % des effectifs. Outre cet abandon volontaire d'activité, la discontinuité impose de scinder la société en deux sociétés, l'une pour le transport et l'autre pour la maintenance du matériel. Une cession d'actifs est également prévue, ainsi qu'une ouverture du capital pour aller au bout de la transformation de la société.

J'ai reçu en mai 2023 une lettre du ministre M. Clément Beaune me demandant de mettre en place toutes ces étapes. Le processus est engagé et se poursuivra jusqu'à fin 2025-début 2026, avec l'ouverture du capital.

L'autosuffisance électrique de la SNCF se déroulera en deux étapes. Tout d'abord, 1 000 hectares de panneaux photovoltaïques d'ici 2030 (soit 1 000 mégawatts-crête). Les bons résultats de la SNCF permettent de financer cet objectif. Par contre, le financement du passage à 10 000 hectares à l'horizon de 2050 n'a pas encore été bouclé. Nous savons cependant que certains financeurs sont prêts à nous rejoindre. Nous n'aurons pas de difficultés à lever des fonds et à trouver des partenaires financiers pour accompagner l'investissement dans les panneaux solaires. Nous sommes d'ailleurs déjà sollicités.

Les péages ferroviaires sont élevés ; faire rouler des trains sur le réseau coûte cher. La France a le système de péages quasiment les plus élevés en Europe. La décision a été prise dans les années 1997-1998 de faire payer plutôt l'usager que le contribuable. Le coût du péage est en effet répercuté sur le prix du billet. Des pays voisins ont fait d'autres choix (les péages ferroviaires sont deux fois moins élevés en Espagne, trois fois moins en Italie), mais le besoin de financement est le même. Si l'usager payait moins, le contribuable devrait payer plus.

Concernant la ligne Paris-Clermont-Ferrand, je rappelle qu'il existe depuis 2010-2011 un contrat entre l'État et la SNCF. L'État devient l'autorité organisatrice des trains sur cette ligne et la SNCF n'en est plus que le producteur. Au titre de ce contrat, les investissements relèvent de l'État. Les nouvelles rames qui arriveront en 2026 sont donc financées à 100 % par l'État.

S'agissant des infrastructures, c'est essentiellement l'État qui s'en charge (éventuellement aidé par les collectivités), mais aussi parfois SNCF Réseau.

À propos des Jeux olympiques, je répète que je suis confiant. Nous nous préparons techniquement et sur le plan social, les choses ne se passent pas si mal. Les syndicats nous interrogent sur l'organisation de l'entreprise pendant cette période et nous leur répondons.

Ce sujet présente aussi un aspect financier. Je ne suis pas choqué qu'une forme de récompense puisse être attribuée aux cheminots qui accepteront de décaler leurs vacances et que des primes soient accordées à ceux dont l'engagement sera particulièrement fort dans la période. Ces principes sont d'ailleurs partagés dans d'autres secteurs. Des sommes ont donc été proposées, et je suis confiant dans notre capacité à converger. Je pense donc que tout se passera bien.

Par contre, s'il y a un lien entre les Jeux olympiques et d'autres sujets au champ plus large, la situation sera plus incertaine. Ce n'est cependant pas mon hypothèse de base.

En ce qui concerne les initiatives encadrant le droit de grève, je ne m'aventurerai pas sur ce terrain. Mon terrain, c'est le dialogue social, et je m'efforce qu'il soit de qualité dans cette entreprise. C'est la meilleure façon de résoudre les problèmes sociaux. Je suis un soutien infatigable du dialogue social, et les résultats ne sont pas si mauvais. Depuis quatre ans, les grandes grèves ont des motifs extérieurs à la SNCF.

Je n'ai pas d'informations à vous donner aujourd'hui sur la ligne Toulouse-Auch, qui dépend largement de la région, mais je sais qu'il existe un important plan « Rail » en Occitanie. Nous pourrons nous renseigner et vous apporter une réponse.

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