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Intervention de Jean-René Cazeneuve

Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général :

Merci, messieurs les ministres, d'avoir répondu favorablement à l'invitation que le président et moi-même vous avons adressée. Il est essentiel de débattre.

Plusieurs polémiques nous ont animés ces dernières semaines. Le décret est-il la meilleure procédure ? Évidemment, la réponse est oui. D'abord en raison de sa rapidité : les tendances macro-économiques se sont inversées de manière significative ces derniers mois, il fallait donc agir le plus vite possible. Un tel décret est-il autorisé ? En adoptant la LOLF, le Parlement a donné au Gouvernement le pouvoir d'annuler jusqu'à 1,5 % des dépenses prévues au budget. En outre, vous savez très bien, monsieur le président, que vous ne voterez jamais un budget défendu par notre majorité, une loi de finances rectificative n'est donc en rien la panacée.

Aurions-nous pu prévoir les circonstances actuelles dès septembre 2023, date de la présentation du budget ? Il est facile de refaire le match. Certes, l'hypothèse de 1,4 % de croissance était une estimation haute. Toutefois, au 1er janvier 2024 encore, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoyait une croissance de 1,2 % en France, le Fonds monétaire international (FMI) de 1,3 %, la Commission européenne de 1,2 %. Il a fallu attendre fin janvier 2024, voire février, pour que ces organismes changent leurs prévisions.

La France est-elle un cas isolé ? Au moins onze pays de l'Union européenne étaient en récession en 2023 – l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la Suède, l'Irlande notamment. Nous ne sommes pas une île, et le contexte s'est fortement dégradé. Ces dernières semaines, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne ont également révisé leurs hypothèses macroéconomiques. Il importe de préserver l'objectif des 4,4 % de déficit en 2024, pour assurer notre crédibilité et, surtout, pour limiter le montant de la dette que nous aurons à rembourser. Je remercie donc le Gouvernement d'avoir réagi rapidement.

Nos politiques publiques peuvent-elles assumer l'effort demandé ? Évidemment oui. Les 10 milliards d'économies sont à mettre en perspective. En début d'année, il a été demandé aux ministères de geler 9 milliards. Au total, les dépenses publiques se montent à 1 600 milliards. Depuis 2017, celles de l'État ont augmenté de 100 à 120 milliards ; en euros courants, la dépense publique a crû de 30 à 40 %. Même si près de 20 % sont liés à l'inflation, on constate une hausse endogène de quinze points environ.

J'en appelle à la mémoire collective, en particulier celle des groupes Socialistes et apparentés et Les Républicains. Nous avons connu des crises similaires. Les gouvernements en place en 2011, sous Nicolas Sarkozy, et en 2015, sous François Hollande, ont réagi durement. Le second a augmenté les impôts de 52 milliards et baissé de 50 milliards les dépenses publiques. Une majorité de députés ont alors soutenu les mesures qui s'imposaient.

J'en viens aux questions. Monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, disposez-vous d'une estimation des recettes de l'État en 2024, dans l'hypothèse d'une croissance de 1 % ? Pensez-vous qu'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) sera nécessaire ou probable ?

Vous avez évoqué l'exemplarité de l'État. Les collectivités territoriales et les dépenses sociales ne devront-elles pas contribuer à l'effort ?

Vous avez défini l'enveloppe, le détail de l'effort par mission et par programme budgétaire. Il faut désormais considérer le niveau des actions. Je souhaite que les commissaires aux finances, en particulier les rapporteurs spéciaux, soient associés à ce travail de finalisation des économies portant sur ce niveau, dans chaque ministère.

Pouvez-vous nous donner une estimation des crédits reportés sur 2024 ? Certains ministères ne risquent-ils pas de tenter de maximiser les reports pour minimiser l'effort réellement consenti ?

La transition écologique est un sujet emblématique. La loi de finances pour 2024 prévoyait de porter les dépenses afférentes de 33 à 40 milliards. À ce stade, j'estime que l'augmentation atteindrait au moins 5 milliards, soit environ 2 de moins. Vous avez cité le chiffre de 8 milliards. D'où vient la différence ? Je note d'ailleurs que, comme pour d'autres priorités, il ne faut pas parler de baisse de la dépense publique, mais de moindre augmentation.

Il y a plus d'un an, nous avons voté l'instauration d'un ticket modérateur pour l'utilisation du compte personnel de formation (CPF) ; je vois avec plaisir son entrée en vigueur. Selon moi, 10 % de contribution du bénéficiaire est un minimum : il pourrait atteindre dans certains cas 15 ou 20 %, peut-être en fonction des formations. Il contribuera à responsabiliser nos concitoyens – étant entendu qu'il ne s'appliquera pas aux chômeurs ni aux formations, soutenues par les entreprises, qui ont un effet réel sur l'employabilité.

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