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Intervention de Thomas Cazenave

Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics :

Cette audition me donne l'occasion d'expliquer les raisons du décret d'annulation et de revenir sur la situation de nos finances publiques.

Le premier principe qui a présidé à ce décret d'annulation c'est un principe de réalité. Confrontés à une dégradation brutale de la conjoncture économique, il nous appartenait de prendre des mesures rapides. Moins de recettes c'est moins de dépenses. D'autres pays ont procédé ainsi, l'Allemagne notamment. Nous y reviendrons.

Le deuxième principe, c'est la sincérité. Bruno Le Maire étant revenu sur nos prévisions de croissance, la véritable insincérité aurait consisté à ne pas prendre tout de suite ce décret d'annulation de crédits, à faire comme si rien n'avait changé. Compte tenu de l'évolution prévisible des recettes, nous devions au contraire corriger au plus vite notre trajectoire. Je considère donc ce décret d'annulation comme un acte de sincérité.

Le troisième principe, c'est la réactivité. Nous avons pris ce décret très tôt dans l'année. Cela permet aux ministères de hiérarchiser leurs dépenses de façon à mieux absorber le choc. Il est toujours plus facile de reprogrammer certaines dépenses d'annulation en début qu'en milieu d'année. Ceux qui nous reprochent d'avoir pris ce décret rapidement nous auraient certainement tenu grief d'avoir tardé à le prendre une fois connue la situation de nos finances publiques.

Le quatrième principe, c'est la conformité à la Lolf, qui nous autorisait à annuler jusqu'à 12 milliards d'euros de crédits, comme M. le président l'a relevé. Nous respectons cette loi et nous n'avons pas choisi le montant maximal qu'elle autorisait. À ceux qui ont parlé d'un déni de démocratie, je rappelle que la Lolf est née en 2001 d'une initiative parlementaire. La réforme dont elle a fait l'objet en 2021 avait du reste suscité un large consensus. Cette loi organique permet justement à l'exécutif de faire face aux événements imprévisibles.

Le cinquième principe, c'est la solidarité : tous les ministères prennent part à l'effort et aucun ne bénéficie d'une immunité budgétaire. Est-ce à dire que l'effort serait homogène ? Non. Ce n'est pas un coup de rabot. Nous procédons à des économies ciblées, en fonction des dépenses de fonctionnement et d'intervention, des subventions aux opérateurs et plus généralement des dépenses pilotables. Les efforts ont été répartis de façon proportionnelle, en tenant compte de la réalité de chaque ministère. Le contexte nous a par ailleurs conduits à sanctuariser certaines enveloppes comme les dépenses hors titre 2 du ministère des armées ou celles du ministère de l'agriculture.

J'insiste aussi sur le fait que chaque ministère est responsabilisé. Il revient aux responsables de programme d'établir un nouveau plan de dépenses. C'est pour cette raison que les ministres doivent poursuivre ce travail avec les responsables de programme avant de pouvoir répondre à certaines questions qui nous sont d'ores et déjà posées. Sans doute aurez-vous à cœur – je pense en particulier aux rapporteurs spéciaux – d'entendre les responsables de programme dans le courant du mois de mars, une fois qu'ils auront refait leurs budgets.

Je prendrai quelques minutes pour rétablir quelques vérités factuelles. Pas plus que Bruno Le Maire, je ne considère ces mesures d'économie, représentant 2 % du budget total des ministères concernés, comme constitutives d'une cure d'austérité. Ainsi ne renonçons-nous en rien à notre ambition écologique. Le budget comportait 40 milliards d'euros d'engagements en faveur de la transition écologique ; après le décret d'annulation, nous augmentons toujours les dépenses vertes de plus de 8 milliards d'euros. Nous ne remettons pas davantage en cause les effectifs prioritaires dans les services publics ou pour la protection des Français ; nous respectons les engagements contenus dans les lois de programmation en faveur des armées, du ministère de l'intérieur ou encore de la recherche. Nous ne remettons pas en cause les chantiers prioritaires de l'éducation nationale. Quant aux annulations tendant à réduire la masse salariale, elles reposent essentiellement sur le constat des sous-exécutions de l'année 2023. Nous n'arrêtons pas notre soutien au développement : l'aide publique au développement a plus que doublé comme l'a rappelé Bruno Le Maire.

Mon rôle de ministre chargé des comptes publics est de vous tenir un discours de vérité sur la situation et de vous informer que ces annulations ne sont qu'une première étape. Je considère que nous sommes entrés dans un nouveau contexte des finances publiques, marqué par une conjoncture moins favorable et des taux d'intérêt élevés. Nous savons déjà que la cible de déficit à 4,9 % sera nettement dépassée. En 2023, nous avons encaissé 7 milliards d'euros d'impôts de moins que ce que nous avions prévu : 4,4 milliards de moins d'impôts sur les sociétés, 1,4 milliard de moins de TVA, 1,4 milliard de moins d'impôt sur le revenu. Si les recettes de l'État sont inférieures aux prévisions, les dépenses ont en revanche été contenues, avec 6 milliards de moins que ce qui était prévu. Or, les recettes étant incertaines, notre crédibilité repose sur deux capacités : mener des réformes structurelles et maîtriser nos dépenses – nous avons commencé de le faire en 2023 et ce décret d'annulation y contribuera en 2024.

Je conclurai à propos de la préparation du budget 2025. Notre trajectoire budgétaire intégrait un quantum substantiel d'économies au projet de loi de finances pour 2025, à hauteur de 12 milliards d'euros répartis entre l'État et la sécurité sociale. Compte tenu des résultats 2023, de la révision des prévisions de croissances pour 2024, je dois vous dire, dans un souci de transparence, que, pour élaborer le budget de l'an prochain et pour tenir notre objectif de ramener le déficit sous le seuil des 3 %, nous devons d'une part garantir que cette annulation de 10 milliards soit pérenne, d'autre part porter notre effort de 12 à au moins 20 milliards d'euros d'économies supplémentaires pour l'année 2025. Je suis à la disposition des parlementaires de tous les groupes pour bâtir de façon précoce le budget 2025 et leur présenter la méthode que je suivrai pour le construire. Les enjeux nous imposent en effet de préparer sans tarder ces efforts partagés.

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