Intervention de Delphine Ernotte Cunci

Réunion du jeudi 7 mars 2024 à 9h00
Commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre

Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions :

Je partage votre réflexion sur le phénomène de concentration. Le service public n'est d'ailleurs pas étranger à ce qui se passe sur le marché – rappelez-vous le projet de fusion entre les groupes TF1 et M6. En dehors du service public, cette tendance à la concentration pose la question du modèle économique à adopter. Les enjeux évoqués tout à l'heure par Marie-Christine Saragosse nous renvoient par exemple à cette autre question essentielle : faut-il accepter que les journalistes ne soient pas rémunérés, quand les moteurs d'intelligence artificielle générative absorbent des tas de contenus produits à grands frais par eux pour les restituer ensuite ? Nous verrons bientôt des médias se créer à partir de nos propres travaux : comment ceux qui fabriquent l'information et prennent des risques seront-ils rémunérés ? Mme Saragosse a rappelé que nous avons tous les jours des reporters de guerre sur la ligne de front en Ukraine. Ils nous racontent ce qui se passe sur le terrain, et ce n'est pas drôle, croyez-moi !

France Ô avait vocation à parler des outre-mer dans l'Hexagone, pas à assurer la présence de France Télévisions outre-mer, qui passait et passe toujours par le réseau Outre-mer La Première : Guadeloupe La Première, Martinique La Première… Ce sont d'ailleurs déjà des médias globaux, qui se déclinent à la radio, à la télévision et sur le web. L'ambition de France Ô était donc de parler du pays aux Ultramarins travaillant dans l'Hexagone. Il faut dire que ses audiences étaient assez faibles et que nous avions hélas du mal à fabriquer une chaîne puissante.

Nous nous sommes demandé si la visibilité des outre-mer ne concernait que la diaspora ultramarine et devait être cantonnée à une petite chaîne de la TNT. Les ministres chargés de la culture et des outre-mer ont décidé de les exposer au contraire sur toutes les chaînes et toutes les radios. Les chiffres attestent que les Ultramarins ont vraiment gagné au change. Ainsi, depuis quatre ans, un pacte pour la visibilité des outre-mer fixe un certain nombre d'objectifs, que nous respectons dans leur intégralité. Cependant, au-delà de la lettre du pacte, il y a aussi l'esprit : je peux attester que, pour la rédaction nationale, la direction des programmes et la direction des antennes, ce dispositif a profondément changé la manière de voir les outre-mer et de travailler depuis Paris avec nos collègues ultramarins. Il a aussi renforcé la coopération entre les différents acteurs du réseau. Aujourd'hui, des documentaires ultramarins sont diffusés sur France 2, France 3 et France 5, des spectacles ultramarins sont accessibles sur Culturebox, l'actualité ultramarine est traitée tous les jours dans nos journaux d'information, et je ne parle pas de la météo… En somme, la visibilité des outre-mer est devenue normale.

Outre cette normalité, le besoin s'exprime de faire connaître certains personnages historiques qui n'ont pas forcément toujours été mis en avant. Nous menons donc ce travail particulier, avec l'ensemble des équipes ultramarines et non ultramarines de la maison, dans les documentaires historiques et les fictions.

Même si la suppression de France Ô a été difficile – les équipes qui avaient lancé la chaîne l'ont vécue comme un déchirement, je pense donc que cela a été une bonne décision. La visibilité des outre-mer, largement réaffirmée, est aujourd'hui bien meilleure qu'elle ne l'était : les programmes ultramarins peuvent être vus tous les jours par des millions de téléspectateurs.

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