France Médias Monde (FMM) est une société nationale de programmes qui regroupe France 24, chaîne d'information continue en quatre langues, Radio France internationale, où l'on s'exprime en français mais aussi en seize autres langues, et Monte Carlo Doualiya, radio arabophone. Ces chaînes ont une mission d'intérêt général au niveau mondial : apporter une information libre et indépendante et lutter contre les infox et les manipulations auprès de 260 millions de téléspectateurs, d'auditeurs et d'internautes chaque semaine dans le monde. Le terrain national français n'est donc pas notre première cible, mais nous sommes aussi accessibles en France.
En France comme partout dans le monde, et contrairement à ce que l'on aurait pu croire, la TNT reste un moyen essentiel de diffusion des médias traditionnels. Cela vient du fait qu'elle est en général accessible sur tout le territoire d'un pays et majoritairement gratuite. En outre, l'offre, bien qu'ouverte, est moins concurrentielle pour les médias diffusés sur la TNT que pour ceux qui le sont par le câble, le satellite ou, a fortiori, en ligne.
Sur le continent africain, nous desservons 40 millions de foyers par ce mode de diffusion, soit à peu près 50 % des foyers que nous couvrons en Afrique subsaharienne. Cela reste une fréquence de souveraineté – au même titre que la FM –, soumise à une réglementation nationale et à des instances de régulation. Quand nous avons été acceptés sur la TNT à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), pays le plus peuplé de la francophonie, notre notoriété a augmenté de 25 % en quelques semaines et notre audience hebdomadaire de 46 %.
Cela nous confère une très grande responsabilité. En période électorale, notamment, nous nous conformons aux législations nationales en vigueur, comme en décembre dernier en RDC.
En France, la TNT joue un rôle majeur et est déjà très encadrée. Nous sommes régis par une procédure particulière, la préemption, tandis que les chaînes privées le sont par des conventions. Dans le projet de délibération que l'Arcom a soumis à la Commission européenne, l'ensemble des chaînes présentes sur la TNT sont qualifiées de services d'intérêt général. Nous nous réjouissons d'ailleurs que le périmètre soit élargi et que toutes les chaînes du service public soient qualifiées de la sorte, ce qui permet d'inclure France 24 bien qu'elle ne soit présente sur la TNT que par l'intermédiaire du partenariat avec France Info. J'imagine que les conventions s'adapteront à ce nouveau cadre, comme cela a toujours été fait. Mais l'Arcom, maîtresse du jeu, dira ses intentions.
Au-delà de la réglementation, l'équilibre économique des médias traditionnels est essentiel pour maintenir le pluralisme. À ce sujet, j'ai été très frappée par l'étude Évolution du marché de la communication et impact sur le financement des médias par la publicité publiée le 30 janvier dernier par l'Arcom et la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), selon laquelle les plateformes numériques captent 60 % du marché publicitaire. C'est une proportion énorme, et en forte croissance, alors même que les obligations qui s'imposent à elles, d'une part, et aux médias traditionnels de l'autre, sont très asymétriques.
Les députés français ont été offensifs en la matière et l'Europe s'est aussi emparée de la question, mais nous n'en sommes qu'au tout début. Il faut être particulièrement vigilant quant au partage de la valeur – qu'il s'agisse des droits d'auteur ou de la publicité – entre les plateformes numériques et les médias traditionnels, lesquels sont en général plus conscients des enjeux d'intérêt général et de pluralisme, plus engagés en la matière et plus facilement régulables. C'est très important pour l'avenir : le pluralisme et l'intérêt général peuvent être menacés par des mouvements économiques et l'encadrement juridique peut ne pas suffire à garantir l'équilibre du paysage audiovisuel. C'est vrai en France comme dans le monde.
Cette situation pourrait entraîner de nouveaux défis en matière de règles de concentration, mais c'est un autre débat. Delphine Ernotte Cunci a rappelé qu'elle avait soutenu le rapprochement entre médias français face à l'asymétrie entre ces derniers et les plateformes ; ce sont vraiment des questions que nous devons nous poser.
Dans ce contexte, le rôle du service public en démocratie est essentiel. Par construction, notre raison d'être est l'intérêt général. À France Médias Monde, nous l'incarnons dans le monde, ainsi que la liberté d'informer, dans des zones où elle n'est pas garantie. C'est un bien commun précieux pour tous les Français.
Nous appliquons une déontologie journalistique très stricte en matière de pluralisme et d'honnêteté de l'information – hier la commission des Affaires culturelles a publié le rapport d'évaluation de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, qui comprend plusieurs propositions. Nous nous sommes dotés d'une charte, avec les sociétés et syndicats de journalistes et d'un comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (Chipip). Nous avons élaboré un encadrement éditorial solide portant sur les collaborations extérieures et les partenariats, la gestion de la haine en ligne, la sûreté éditoriale, la protection des sources, le traitement du terrorisme et les bonnes pratiques dans l'utilisation de l'intelligence artificielle. Le Chipip intervient d'ailleurs dans les réunions de sociétés de journalistes comme au sein de notre conseil d'administration et travaille beaucoup avec nous.
Nous nous sommes également dotés d'une commission de déontologie interne dans laquelle intervient aussi le Chipip. Notre expertise de terrain nous permet d'aller vérifier l'information grâce à notre réseau présent partout dans le monde, qui nourrit aussi la qualité de l'information en France. Nous avons reçu le label Journalism Trust Initiative (JTI), lancé par Reporters sans frontières et soutenu par la Commission européenne, en obtenant le score maximal de 100 %.
Nous sommes donc très sensibles aux mécanismes de nomination indépendante des dirigeants de l'audiovisuel public.
Pour continuer à cultiver la confiance des publics et garantir le pluralisme, l'intérêt général et l'équilibre du paysage audiovisuel national, j'appelle en outre l'attention sur l'importance de disposer d'une recette affectée. Nous bénéficions d'une fraction de la TVA jusqu'à la fin de l'année, après quoi le financement du secteur public n'est pas garanti. Or, si le secteur privé a besoin de recettes commerciales, le secteur public a besoin d'une recette affectée, garantie visible et incontestable de notre liberté et de notre indépendance, donc de notre crédibilité auprès de nos concitoyens.
J'appelle également l'attention sur l'enquête de la Commission européenne parue en janvier qui faisait état de risques d'interférences politiques et d'instabilité des financements en cas de budgétisation des financements des secteurs publics.