Intervention de Daniel Gibbs

Réunion du jeudi 22 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Daniel Gibbs, ancien président de la collectivité de Saint-Martin :

Je suis certain que la personne qui vous a dit que la reconstruction s'est faite un peu à l'identique est quelqu'un émanant du corps étatique, mais je ne reviendrai pas sur cette polémique.

Depuis des siècles, Saint-Martin subit des cyclones. À chaque fois, ce territoire s'est reconstruit. Je vous mets au challenge de comparer les images de Saint-Martin après le 5 septembre 2017 et celles un, voire deux ans plus tard. Vous constaterez la différence, qui reste visible, alors qu'à l'époque, tous se demandaient comment s'en sortir.

Il était bien évident que la reconstruction serait lente, car des habitations étaient complètement démolies. Tout était à refaire et non pas uniquement la toiture. Or les moyens n'étaient pas toujours présents et il a fallu attendre. Premièrement, pour ceux qui étaient assurés, il a fallu attendre que les assurances interviennent, et cela a été un processus très long, je dois l'avouer. Tous les rapports mentionnent des problèmes au niveau des assurances, qui ont nommé cet événement The big one. Ces lenteurs ont engendré un certain nombre de problématiques. Les remboursements n'ont pas été effectués à la vitesse d'exécution souhaitée, notamment aux yeux du Président de la République. Deuxièmement, 60 % de la population n'étant pas assurée, il a fallu aller chercher des prêts ou des financements pour reconstruire.

Enfin, la crise du PPRN a énormément ralenti le processus et nous a fait perdre pratiquement deux ans. Il nous a fallu deux ans pour expliquer aux pouvoirs publics que le territoire vit essentiellement du tourisme. Effectivement, des mesures doivent être prises pour se protéger à l'avenir. Cependant, il est impossible de dire aux personnes qui depuis des années sont propriétaires d'une parcelle sur le littoral, qu'elles ne peuvent pas y reconstruire leur maison. Les logiques sur une île de 75 kilomètres carrés, dont 50 kilomètres carrés pour la partie française, sont différentes des logiques sur un territoire plus large, comme celui de la France hexagonale.

Le PPRN qui a été mis en place rapidement - et mal - a soulevé ces problématiques, à tel point que le premier a été annulé. Une mission a été chargée d'évaluer la reconstruction d'un nouveau PPRN. À l'époque, Dominique Lacroix, ancien préfet de Saint-Martin et qui connaissait très bien le territoire, est venu apporter des préconisations qui allaient complètement à l'encontre de celles de la nouvelle préfète, Mme Danielo-Feucher, qui a voulu imposer un PPRN qui n'était pas en adéquation avec le territoire.

Nous n'étions pas contre la consolidation et contre un certain nombre de préconisations au travers du nouveau PPRN. En revanche, nous étions contre ce qui était proposé de manière radicale. Clairement, ce premier PPRN interdisait de construire sur le littoral. Quand vous connaissez la configuration de Saint-Martin, celle signifie qu'il faut construire dans les montagnes où la plupart des parcelles sont non constructibles. Il fallait rester en adéquation avec notre territoire. Je pourrais approfondir le sujet, mais cela prendrait plus de temps, car la situation n'était pas si simple.

Au final, un deuxième PPRN a émergé après une véritable consultation, après une véritable analyse et des solutions ont été préconisées. Nous-mêmes, en tant que pouvoirs publics, nous avons proposé un certain nombre de dispositifs. Comme vous le savez, «  l'argent est le nerf de la guerre  ». Ces solutions nécessitaient que l'État apporte un certain nombre de financements, puisqu'il s'agissait d'infrastructures très lourdes à gérer, telles que des digues de protection. Nous avons même évoqué la création d'une île artificielle avec du sable de la baie de Marigot pour éviter le phénomène de submersion. Nous ne demandions pas toujours des moyens financiers, mais des dérogations à la loi, à savoir de pouvoir récupérer tous les sédiments en pompant afin d'éviter une opération de clapage qui coûtait très cher. Nous l'aurions utilisée comme digue naturelle, afin d'annihiler la complexité et la dangerosité du phénomène de submersion, notamment sur la région de Sandy-Ground.

Il ne s'agit pas de critiquer ce qui avait été proposé, mais d'apporter des solutions qui avaient été suggérées bien en amont et qui n'ont pas été retenues.

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