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Intervention de Daniel Gibbs

Réunion du jeudi 22 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Daniel Gibbs, ancien président de la collectivité de Saint-Martin :

Concernant la gestion de la crise, vous faites certainement référence au poste de commandement ou centre opérationnel départemental (COD) qui a été mis en place et qui attribue des codes couleurs en fonction de la vigilance. Chaque institution a ses propres compétences. Une fois que nous sommes cloisonnés et en situation de recevoir l'événement, c'est le COD de l'État qui prend le commandement jusqu'à la fin de l'événement. C'est donc un poste de commandement de l'État avec une participation de la collectivité.

Vous semblez suggérer, entre les lignes, les problématiques entre les compétences de la collectivité et les compétences de l'État. À l'époque, la préfète en exercice était Mme Laubies et je tiens à préciser que nos relations étaient très bonnes, ce qui n'a pas été toujours le cas avec les préfets qui lui ont succédé. Vous savez, la fonction est une chose et l'être humain en est une autre. L'être humain joue une part importante dans la réussite d'un fonctionnement. Avec Mme Laubies, nous avons essayé de nous répartir les tâches entre les moyens d'avertissement et les préconisations en attente du passage, pendant le passage et après le passage du cyclone. Nous avions défini ensemble ces codes couleurs dans un souci de meilleure efficacité et de meilleure réaction sur le terrain.

Or nous n'avions pas prévu – de même que Météo France – une telle intensité de frappe de ce cyclone. La situation était tellement désastreuse au lendemain du passage du cyclone que très rapidement, nous nous sommes rendu compte qu'en l'absence de synergie entre les humains qui géraient les positions, elle pouvait devenir catastrophique.

Par la suite, nous avons bénéficié de toute une aide administrative avec des sous-préfets qui arrivaient les uns derrière les autres, qui restaient pendant deux ou trois semaines, puis étaient remplacés par d'autres préfets. Ces personnes n'avaient pas nécessairement la connaissance du territoire, de la population et des modes de fonctionnement sur le territoire. Ils reprenaient des schémas de fonctionnement de leur région ou d'ailleurs, pour les dupliquer sur Saint-Martin. Cela ne fonctionne pas de cette manière et nous l'avons vécu en live.

Par ailleurs, les élus des collectivités qui connaissent leur territoire, leur population, ainsi que tous les méandres et les aspects de l'île, ont manqué d'initiatives. J'ai déploré pendant un certain temps le manque de liberté donnée aux élus afin qu'ils apportent leur pierre à l'édifice. Par la suite, nous avons organisé avec la préfète Laubies des séances de retour d'expérience (Retex) pour essayer de corriger cette situation. Je répète que nous avons eu une véritable synergie dans notre fonctionnement. Je sais que vous l'avez auditionnée et je suis certain qu'elle n'a pas dit le contraire.

Encore une fois, les aides qui sont parvenues par la suite ont changé ces modes de fonctionnement et ont créé sans doute des problématiques de compréhension des différentes décisions qu'il fallait prendre à ce moment précis.

Très sincèrement, sans vouloir pointer du doigt les uns et les autres, je pense que si la situation devait se reproduire à Saint-Martin, je préconiserais fortement la possibilité de donner aux acteurs locaux un peu plus de moyens, de latitude et de liberté quant à l'action qu'ils doivent mener, mais toujours en travaillant en parallèle avec les services de l'État.

Je tiens à rajouter que, même si le COD de l'État et le COD de la collectivité étaient à l'époque séparés, chaque entité avait un de ses représentants dans l'autre COD. La préfète et moi-même avions pris cette disposition en dehors de tout code inscrit, pour faciliter les échanges et agir de manière coordonnée.

Une autre difficulté réside dans la configuration même de ce territoire qui dispose d'un côté français et d'un côté hollandais. Il fallait toujours prendre en considération les décisions de nos voisins. Un important travail doit être mené sur la coopération entre les deux territoires lors d'événements, qu'ils soient climatiques ou sanitaires, comme nous le verrons plus tard avec le covid-19. En effet, chaque décision qui est prise d'un côté de l'île influe sur l'autre côté. Avec la préfète, nous avions contacté les autorités néerlandaises de l'île pour se fixer un point de rendez-vous au cas où la communication téléphonique serait coupée. Nous avions des téléphones satellites, mais ce n'était pas nécessairement le cas de nos voisins. Nous avions organisé, quelques heures après l'événement et dès qu'il était possible de sortir, un point précis de rendez-vous près de la frontière. Nous n'en avons pas eu besoin, car nous avons pu circuler très rapidement pour nous rendre chez nos voisins et établir une stratégie, notamment après la vague de cambriolages et autres événements peu sympathiques.

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