Intervention de Tony Rey

Réunion du jeudi 22 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Tony Rey, professeur de géomorphologie à l'université Paul-Valéry-Montpellier-III :

Il existe deux façons de mener des projets de relocalisation de la population – ou de « repli stratégique ». Le plus souvent, ils sont lancés dans l'urgence. Ce fut le cas à Deshaies, en Guadeloupe : trente-cinq logements y ont été relocalisés après le passage de l'ouragan Lenny qui a fortement endommagé le quartier Ferry, en bord de mer, en 1999.

Actuellement, d'autres projets sont menés avec une visée de plus long terme, pour contrer les risques de submersion marine liés à l'érosion côtière et au recul du trait de côte : c'est le cas à Petit-Bourg en Guadeloupe, au Prêcheur en Martinique, mais aussi à Miquelon-Langlade, dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Plusieurs communes ont ainsi fait le choix de quitter l'espace littoral.

Ce qu'il faut retenir, c'est que la réalisation de ces projets prend du temps en raison de la problématique foncière : il faut trouver suffisamment de superficie sur les hauteurs pour accueillir les familles. Comme nous l'avons démontré avec mes collègues Frédéric Leone et Maéli Tramis dans l'article que nous avons rédigé à ce sujet, « La relocalisation, une stratégie d'adaptation aux risques côtiers : les leçons tirées des projets aux Antilles françaises », l'acceptation sociale est fondamentale pour la réussite de ces projets.

S'agissant enfin des écosystèmes permettant de réduire les risques côtiers, on peut citer, outre la mangrove, les récifs coralliens. Il s'agit de solutions fondées sur la nature qui ont effectivement la capacité de réduire la hauteur et l'énergie des vagues et, ce faisant, de protéger le littoral. Mais de tels espaces sont rares dans les deux îles : à Saint-Barthélemy, il n'y a quasiment plus de mangrove et la barrière corallienne n'est plus en très bon état. Il subsiste une belle mangrove dans la baie de l'Embouchure, à Saint-Martin, mais elle a été très endommagée par le cyclone Irma et mériterait d'être renaturée. Il est vrai que des opérations de replantation peuvent être réalisées, mais la temporalité des écosystèmes côtiers n'est pas celle des politiques : alors que l'on en attend des réponses efficaces et rapides, ces milieux ont besoin de temps pour se développer. Avant qu'une mangrove soit suffisamment grande et dense pour avoir un effet sur les vagues, il faut qu'elle ait une largeur minimale de 100 mètres, ce qui prend sept à dix ans.

Il en va de même pour les récifs coralliens, que l'on peut créer de façon artificielle mais qui ont besoin de temps pour se développer. Leur croissance dépend de plusieurs facteurs, notamment la pollution, la température et la salinité des eaux.

Je crois beaucoup aux solutions fondées sur la nature, mais je crois aussi au bon sens : ne négligeons pas d'autres approches hybrides et innovantes pour réduire les risques littoraux et les conséquences des tempêtes tropicales, des cyclones et des tsunamis. N'oublions pas non plus que le changement climatique entraîne l'élévation du niveau marin, le réchauffement des eaux océaniques et leur acidification. On ne connaît pas encore les effets de ces phénomènes sur les écosystèmes côtiers mais il est à craindre, selon moi, qu'ils ralentissent leur croissance. La gestion des risques ne peut donc reposer sur les seules solutions naturelles.

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