Intervention de Stéphanie Defossez

Réunion du jeudi 22 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Stéphanie Defossez, maître de conférences en géographie à l'université Paul-Valéry-Montpellier-III :

À cela s'ajoute le turnover des fonctionnaires de l'État ainsi que – plus marginalement, dans certains services – de la collectivité. Lorsque nous avons commencé à travailler sur le retour d'expérience concernant Irma, nous avions des interlocuteurs avec lesquels nous avons noué une relation de confiance mutuelle. Il a fallu, à leur départ, retisser des liens avec leurs successeurs. Par ailleurs, les personnes qui arrivent ne connaissent pas nécessairement le territoire, les phénomènes naturels qui le caractérisent. Certains des gestionnaires que nous avons rencontrés nous ont dit n'avoir jamais connu de cyclone et éprouver des difficultés à comprendre le traumatisme vécu par la population.

Il faudrait également renforcer la formation des élus sur ces phénomènes, auxquels ils ne sont pas du tout préparés.

Nous avons noté que la plupart des reconstructions avaient été réalisées à l'identique. Le cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe évoque le build back better, la reconstruction résiliente et durable. Or ces principes sont peu appliqués dans ces territoires car, comme on l'observe aussi en d'autres lieux, on veut reconstruire le plus vite possible pour reloger les gens. On ne mène pas de réflexion à long terme. À Saint-Barthélemy comme à Saint-Martin, on trouve, dans des maisons très cossues reconstruites ou rénovées assez rapidement, des baies vitrées exposées à la houle et au vent, qui ne sont donc absolument pas adaptées au risque cyclonique. Pour se prémunir contre ce risque, à Saint-Martin, on a placé, sous le toit de tôle d'un grand nombre d'habitations, une dalle de béton, ce qui fait courir un danger à leurs occupants en cas de survenance d'un séisme. Il est possible de construire une dalle de béton à condition de respecter les normes antisismiques et de choisir un béton adapté, ce qui n'a pas été le cas en l'occurrence.

S'agissant du plan de prévention des risques, je partage votre point de vue sur l'habitat informel. La composition de la société est très différente à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. La prise en compte des différences sociétales et culturelles doit amener à la concertation pour faire accepter certaines évolutions. Le PPR a donné lieu à un certain nombre de manifestations, parfois violentes, avant qu'une concertation ne soit engagée. Depuis 2021, nous suivons l'évolution des choses sur les deux îles. Les populations nous ont confié ressentir un fort sentiment d'injustice. Dans des quartiers populaires et prioritaires comme Orléans ou Sandy-Ground, où l'on trouve de l'habitat informel et des logements sociaux, les habitants n'ont pas eu le droit de reconstruire leur maison. Ils ont eu le sentiment que le PPR faisait planer sur un certain nombre d'entre eux la menace d'une expulsion. Dans d'autres quartiers, en partie voués au tourisme, qui abritent de grands hôtels en bord de mer, la reconstruction a été autorisée. Il faut mener une réflexion, en matière d'aménagement du territoire, en concertation avec l'ensemble de la population de l'île et pas seulement une catégorie d'entre elle, sous peine d'être confronté aux mêmes violences que celles qui s'étaient produites lors de la négociation du PPR, il y a quelques années.

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