Intervention de Fabien Sésé

Réunion du jeudi 22 février 2024 à 14h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Fabien Sésé, secrétaire général de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin :

Je représente M. Vincent Berton, préfet délégué auprès du représentant de l'État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui est absent aujourd'hui.

Saint-Barthélemy, dont la superficie est de 20 kilomètres carrés, compte 10 000 habitants. Saint-Martin, dont la superficie est de 50 kilomètres carrés, compte 32 000 habitants – pour la partie française, car elle est divisée entre deux États : le Nord est français, tandis que le Sud est un État autonome du royaume des Pays-Bas.

Ces deux collectivités d'outre-mer sont régies par l'article 74 de la Constitution ; elles sont ainsi dotées de l'autonomie et ont, en tant que collectivité unique, les compétences d'une commune, d'un département, d'une région et de l'État. Elles peuvent aussi fixer leurs propres règles dans certains domaines, notamment, pour ce qui nous concerne aujourd'hui, en matière de construction, d'urbanisme, d'habitation et de logement.

L'économie des deux îles repose très largement sur le tourisme. La population de Saint-Martin est très jeune : nous sommes donc face à un grand défi d'insertion socioprofessionnelle. Plus de 2 500 jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Les deux îles ont été très marquées par le passage de l'ouragan Irma : à Saint-Martin plus de 95 % des bâtiments ont été affectés par ce phénomène.

L'État agit fortement pour sensibiliser la population et la gestion des risques est un enjeu majeur.

La reconstruction et la réduction de la vulnérabilité intègrent ces facteurs. La reconstruction est largement derrière nous, grâce à une mobilisation exceptionnelle pour rebâtir les réseaux et les établissements scolaires comme pour relancer les entreprises. Certains équipements publics sont encore en travaux, notamment deux des trois collèges de l'île de Saint-Martin, dont la livraison est prévue à la rentrée 2025. L'État apporte un fort soutien technique et financier à ces travaux. La médiathèque est aussi en cours de reconstruction ; elle comprendra un abri anticyclonique. Reste enfin à construire un lieu qui héberge de façon pérenne les services de l'État, la préfecture ayant été totalement détruite par Irma : l'engagement de construire une nouvelle cité administrative a été pris. Elle devrait être livrée à la fin 2025.

Les reconstructions comme les constructions nouvelles doivent être encadrées, notamment en raison des risques de submersion marine. C'est l'objet du plan de prévention des risques naturels (PPRN), dont le volet relatif à la submersion marine a été révisé en novembre 2021. Après plus de deux ans d'application, il est maintenant bien connu et appliqué. L'État contrôle l'ensemble des autorisations d'urbanisme délivrées à Saint-Martin.

Je voudrais insister sur la lutte contre l'habitat indigne et dégradé. Selon les données du programme spatial Copernicus de 2022, 9 % du bâti restait impropre à l'habitation et à l'exercice d'autres activités. Au-delà des aspects sociaux et sanitaires, il est important, dans le respect des compétences de la collectivité, que nous puissions ensemble résorber cet habitat, car il fournit aussi des projectiles en cas d'événement climatique majeur. Des pôles territoriaux de lutte contre l'habitat indigne ont donc été créés, à Saint-Martin en juin 2023 et à Saint-Barthélemy en décembre 2023. Un soutien en ingénierie de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été acté pour Saint-Martin. Nous nous efforçons de faire évacuer les terrains occupés de façon irrégulière, là encore afin de réduire les vulnérabilités, en particulier là où il pourrait y avoir des projectiles.

En ce qui concerne la gestion de crise, nous avons beaucoup progressé dans notre capacité à répondre aux événements majeurs. Notre organisation Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) a été consolidée. Les dispositions générales et spécifiques aux cyclones du plan Orsec ont été refondues en 2020 ; le plan est en cours de mise à jour. Sous l'impulsion du préfet, notre centre opérationnel départemental (COD) a été réorganisé sur le plan spatial.

À Saint-Martin, des pillages ont eu lieu après le passage d'Irma. Pour les prévenir, nous avons mis en place un plan de prépositionnement et de quadrillage par les forces de gendarmerie de l'île. Un prépositionnement de l'armée est également prévu. Des sirènes d'alerte, qui n'existaient pas à Saint-Martin, ont été installées en 2022. Le préfet a pris la décision qu'un membre du corps préfectoral sur place se rendra à Saint-Barthélemy en cas de crise majeure, afin d'assurer la continuité de la direction des opérations. Des réunions hebdomadaires se tiennent en période cyclonique ; elles réunissent tous les services, en particulier ceux des collectivités avec lesquels l'articulation est essentielle.

Des actions nouvelles ont été mises en place pour préparer la population et pour communiquer, avec notamment des interventions des sapeurs-pompiers dans les écoles lors de la « semaine sismik ». Des affiches et des kits de préparation sont distribués, afin que chacun sache comment se comporter.

L'une des spécificités de Saint-Martin est que le média radio est très écouté. Des protocoles ont donc été signés avec deux radios de Saint-Martin : en cas de crise, elles seront présentes dans le centre opérationnel, de façon à transmettre à la population l'ensemble des décisions prises et de les informer des comportements qu'il convient d'adopter.

La coopération avec Sint-Maarten est essentielle. La frontière n'est pas matérialisée : l'île constitue un seul bassin de vie. Des fonctions d'officier de liaison ont été définies afin d'assurer une coordination et des échanges aussi fluides que possible en situation de crise. Nous menons aussi des projets communs. Ainsi, nous avons achevé fin 2022 l'enlèvement des quelque 120 épaves échouées lors du passage d' Irma dans le lagon, binational. Cette opération a été majoritairement financée par les fonds européens, dans le cadre du programme Interreg, qui constitue un instrument de coopération qui a démontré toute son utilité. On peut aussi citer la construction d'un radar météo à Sint-Maarten, qui se termine. Nous disposerons ainsi de données bien plus fiables.

Les pouvoirs publics – État, mais aussi collectivités – sont donc bien mieux préparés qu'ils ne l'étaient avant le passage d' Irma. Le passage de l'ouragan de catégorie 1 Tammy à la fin du mois d'octobre dernier nous a permis de le vérifier et de tester nos dispositifs, même s'il n'a heureusement pas causé de dégâts. Nous sommes donc prêts à faire face à de futures crises majeures.

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